Magnificat

Les trésors de la rédaction

Chemin de croix

Par Père Luc de Bellescize

Partager sur :

Le chemin de croix dit le combat de Dieu contre le Mal et la compassion du Seigneur pour notre terre de larmes. Il n’y a pas d’obscurité plus grande que celle de la Passion.

Introduction

Nous entrons dans l’abaissement du Seigneur jusqu’à la mort de la croix. Le chemin de croix manifeste l’amour de Dieu livré à la puissance de mort qui habite le cœur de l’homme. Le Christ descend dans l’abîme pour nous ouvrir la porte de l’espérance. Le Crucifié, grand prêtre éternel, nous sauve en nous emportant dans son intercession : « Père, pardonne-leur ; ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34).
Jésus vit sa Passion en communion avec le Père et avec l’homme blessé, jusqu’à assumer la douleur de l’abandon : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27, 46). Il manifeste sa liberté souveraine dans l’humiliation de la croix : « Ma vie, nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même » (cf. Jn 10, 17-18).
Le Seigneur s’avance dans la vulnérabilité de l’amour de Dieu livré aux mains des hommes. Il veut subir pleinement la liberté de l’homme pécheur.
Le chemin de croix dit le combat de Dieu contre le Mal et la compassion du Seigneur pour notre terre de larmes. Il n’y a pas d’obscurité plus grande que celle de la Passion. Mais il n’y a pas de lumière plus profonde que celle du Christ qui a vaincu la mort « par ses saintes plaies, par ses plaies glorieuses », comme nous l’entendrons dans la nuit de la résurrection, autour du feu de Pâques. Suivons le Seigneur humilié comme on entre dans le mystère du plus grand amour, de la lumière qui brille dans les ténèbres et que les ténèbres [n’] ont pas arrêtée (Jn 1, 5).

1 Jesus est condamne a mort

1. Jésus est condamné à mort

« Pilate, voulant contenter la foule, relâcha Barabbas et, après avoir fait flageller Jésus, il le livra pour qu’il soit crucifié. » (Mt 15, 15)

Nous voyons dans le drame de la condamnation de Jésus la puissance des péchés qui convergent vers le Seigneur enchaîné, pour crier dans une union malsaine : « Crucifie-le ! » Un grand combat se joue sur la terre. À la communion des saints qui bâtit silencieusement le Royaume s’oppose la coalition du Mal qui entraîne à grands cris la mort de l’Innocent. La lumière dévoile les ténèbres en les chassant. Le péché se manifeste devant le Christ. C’est l’amour de l’argent qui guide Judas dans sa trahison. C’est la jalousie des grands prêtres face au véritable Prêtre qui peut pardonner les péchés. C’est la colère de la foule contre une victime impuissante, si répandue dans l’orchestration médiatique de l’indignation, où la liberté personnelle se dissout dans la violence anonyme du collectif. C’est la versatilité des disciples, le reniement de Pierre et la lâcheté du calcul politique de Pilate face à l’exigence de la vérité.
Seigneur, révèle-nous quel mal habite notre cœur et donne-nous la force de le reconnaître. Tu as versé telle goutte de sang pour moi, pour venir me chercher au milieu des épines, comme la brebis perdue… Mais j’ai versé telle goutte de ton sang par mon péché. Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour (Ps 50, 1).

« Plus tu seras pauvre, plus Jésus t’aimera, Il ira loin, bien loin, pour te chercher si parfois tu t’égares un peu. »
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

2 Jesus est charge de sa croix

2. Jésus est chargé de sa croix

Ils se saisirent de Jésus. Et lui-même, portant sa croix, sortit en direction du lieu dit Le Crâne (ou Calvaire), qui se dit en hébreu Golgotha.
(Jn 19, 16b-17)

Ils se saisirent de Jésus. On pourrait croire que le Christ est totalement passif dans sa Passion, livré aux mains des hommes comme un objet méprisable. Maltraité, il s’humilie, il n’ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, écrit Isaïe (Is 53, 7). Il est vrai que Jésus est la victime. Il porte le poids de la violence du monde et de l’histoire, depuis le premier homme, Adam, jusqu’à la consommation des siècles. Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui, dit le prophète (v. 5). Et cependant Jésus est maître de son abaissement. « Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis » (Jn 13, 13). Il est la victime innocente broyée par la corruption des hommes. Il est aussi le prêtre qui s’offre lui-même en sacrifice. Il est entré volontairement dans sa Passion, il a embrassé le bois mort qui deviendra l’arbre de la vie, non comme un bouc émissaire impuissant, mais comme le bon pasteur qui décide librement de se laisser écraser par le poids de notre liberté blessée, jusqu’à en mourir.
Il est l’Agneau immolé. Il est aussi le Lion de Juda, qui livre contre le Mal un combat de géant.
Donne-nous, Seigneur, la force de la douceur.

« Si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance. Je sens que toute cette multitude d’offenses serait comme une goutte d’eau jetée dans un brasier ardent. »
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

3 Jesus tombe pour la premiere fois

3. Jésus tombe pour la première fois

« Si le grain tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. » (Jn 12, 24)

Nous entendons la voix du prophète qui annonce l’humiliation du Messie : Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait son propre chemin. Mais le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à nous tous (Is 53, 6). C’est le poids de notre péché qui écrase Jésus, immense abîme de violence et d’impureté, d’idolâtrie et d’orgueil. Le Christ tombe dans la poussière pour rejoindre Adam retourné à la poussière. Mais sa chute est aussi le signe de sa compassion. Il vient rejoindre tous ceux qui sont broyés par la souffrance, les malades, les désespérés, les prisonniers, les exilés. Il vient remplir de sa présence humiliée ceux qui se sentent abandonnés des hommes et même rejetés par Dieu. En Jésus, Dieu s’abaisse jusqu’à terre. Son duel prodigieux contre la mort est une présence lumineuse de la tendresse du Père.
Nous te présentons, Seigneur, nos frères et sœurs souffrants. Nous te prions pour les victimes de la guerre, pour ceux que nous mettons à mort en raison de leur handicap ou de leur faiblesse, pour les enfants que l’on empêche de naître. Viens bénir ceux qui portent le voile du deuil, ceux qui entrent en agonie, ceux qui passent la mort.

« Ma joie, c’est de rester petite / Aussi, quand je tombe en chemin / Je puis me relever bien vite / Et Jésus me prend par la main. »
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

4 Jesus rencontre sa tres sainte mere

4. Jésus rencontre sa très sainte mère

Syméon dit à Marie sa mère : « Voici que cet enfant sera un signe de contradiction – et toi, ton âme sera traversée d’un glaive. »
(Cf. Lc 2, 34-35)

Que se passe-t-il entre l’enfant et sa mère ? L’échange d’un regard si profond qu’il est enveloppé de silence. L’âme de Marie est habitée de deux prophéties qui ont longtemps mûri en son cœur. La première est celle de l’ange à l’Annonciation : « Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils. Il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin » (cf. Lc 1, 31.33). L’autre est celle de Syméon au Temple : « Cet enfant produira la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Et toi, ton âme sera traversée d’un glaive » (cf. Lc 2, 34-35). La Vierge sait que le temps est accompli. Les prophéties se croisent en son cœur, dans la lumière d’une croix sanglante. Sans doute comprend-elle, dans un acte de foi pure, au cœur de la nuit, que l’heure est venue où la voix de l’ange s’unit à celle du vieil homme : son fils est bien roi, mais il règne par la croix, signe de contradiction. L’heure est venue pour elle du cœur transpercé. Marie est la mère qui accompagne son fils et la servante qui suit son Seigneur. Elle espère en silence. Ses yeux devancent la fin de la nuit pour méditer sur ta promesse (Ps 118, 148). Elle est la « première Église », la sentinelle du soir et l’étoile du matin.
Vierge de la Passion, ayez compassion des hommes.

« Toi qui vins me sourire au matin de ma vie
Viens me sourire encore… Mère… voici le soir ! »
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

5 Simon le cyreneen

5. Simon le Cyrénéen aide Jésus à porter sa croix

Ils réquisitionnent, pour porter sa croix, un passant, Simon de Cyrène, le père d’Alexandre et de Rufus, qui revenait des champs. (Mc 15, 21)

Deux rencontres se produisent. Simon qui revient de son travail et Jésus, épuisé, qui n’a plus la force de porter sa croix. Quand vient la nuit et la tentation du doute, le Seigneur envoie l’ange de la consolation. Les soldats appellent cet homme qui passe pour lui imposer de porter la croix d’un autre, celle d’un condamné. Simon ne mesure pas la grâce de cette rencontre. Dieu est là et il ne le sait pas. Il ne se doute pas que cet être si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme (Is 52, 14) est « l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin » (Ap 22, 13). Quand vient l’épreuve, demandons la grâce de nous mettre à la suite du Christ sans chercher à tout comprendre, comme on avance dans la nuit en espérant voir se lever l’aurore. Si nous la portons avec le Seigneur, notre croix de chaque jour approfondit notre âme et nous rend capables de compassion. Le scandale de la souffrance peut devenir alors un mystère d’enfantement.
Nous te confions, Seigneur, ceux qui ont mis leur force au service de notre faiblesse. Nous te prions de bénir ceux qui soignent les malades, ceux qui écoutent les peines, ceux qui consolent les hommes dans la vallée des larmes.

« Ô Jésus, mon Amour… Ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’amour. »
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

6 Une pieuse femme essuie la face de Jesus

6. Une pieuse femme essuie la face de Jésus

Méprisé, abandonné des hommes, homme de douleur, familier de la souffrance, il était pareil à celui devant qui on se voile la face. (Is 53, 3)

Véronique parvient à s’approcher de Jésus pour essuyer son visage sanglant. C’est un geste de grande douceur au milieu de la violence du chemin de croix. Sur son voile de tendresse, l’image du Christ reste imprimée. Jésus donne son visage à cette femme, mystère de l’amour douloureux, poussé jusqu’à l’extrême. Le voile de Véronique est la première icône. Tout acte d’amour grave dans le cœur de celui qui le pose la sainte face du Rédempteur. Par notre amour vécu, incarné dans les gestes les plus humbles, nous devenons peu à peu le visage du Christ pour le monde et nous réfléchissons, comme en un miroir, la gloire du Seigneur.
Nous te prions, Seigneur, de nous donner cette vraie beauté qui sauve le monde. Détache-nous des idoles de l’apparence, de la vanité, de l’obsession de paraître aux yeux des hommes. Libère-nous de l’esthétique laissée à elle-même, qui peut si facilement nous fasciner et nous détourner de ce qui est bon et vrai, pour nous donner la beauté qui demeure, celle qui ne trompe pas, celle de notre amour vécu au quotidien des jours. Donne-nous la gloire d’aimer jusqu’au bout de la vie, jusqu’au soir de la mort, jusqu’au petit matin de Pâques.

« Laisse en moi la Divine empreinte
De tes traits remplis de douceur
Et bientôt je deviendrai sainte
Vers toi j’attirerai les cœurs. »
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

7 Jesus tombe pour la 2e fois

7. Jésus tombe pour la deuxième fois

Allant un peu plus loin, il tombait à terre et priait pour que, s’il était possible, cette heure s’éloigne de lui. (Mc 14, 35)

Jésus tombe une deuxième fois et se relève. Souvent, quand nous tombons sous le poids de nos fautes, nous restons à terre, par désespoir ou par paresse, minés par le sentiment d’être incapables de conversion. Mais « rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1, 37) et l’amour prend patience (1 Co 13, 4). La guérison s’accomplit dans le temps et la persévérance. La source de la liberté humaine se trouve dans l’expérience incessante de la miséricorde de Dieu. Les saints ne sont pas ceux qui ne tombent jamais mais qui toujours se relèvent. Tous les saints ont un passé avec sa part d’ombre et pour tous les pécheurs se lève une espérance. En se relevant pour la seconde fois, Jésus vient nous sauver de nos fautes d’habitude, de l’esclavage et de la monotonie du péché.
Seigneur, délivre-nous de nos liens de dépendance et purifie notre mémoire de ce qui l’inquiète. Coupe en nous les liens anciens qui nous rattachent aux ténèbres. Nous te prions pour ceux qui sont blessés par l’influence des esprits sataniques, ou esclaves de la pornographie, de la drogue, de l’alcool et de toute autre forme d’addiction ou d’aliénation. Dans tes plaies sacrées, Seigneur, cache-nous et sauve nos âmes.

« Quelle joie de penser que le Bon Dieu est Juste, c’est-à-dire qu’Il tient compte de nos faiblesses, qu’Il connaît parfaitement la fragilité de notre nature. De quoi donc aurais-je peur ? »
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

8 Jesus console les filles d'Israel

8. Jésus console les filles d’Israël

Il se retourna et leur dit : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! Pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants ! »  (Lc 23, 28)

L’écho nous parvient de la grande douleur du Seigneur, celle de ne pas avoir été reconnu par son propre peuple : II est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu (Jn 1, 11). Les paroles de Jésus sont prophétiques. Jérusalem sera détruite par les païens et le Temple, rasé. Il est bon d’avoir compassion de la souffrance du Christ, comme les femmes de Jérusalem, mais il nous faut demander la grâce de passer de la compassion à la conversion, de l’indignation à la contrition du cœur. « Ah, si toi aussi, tu avais reconnu en ce jour ce qui donne la paix ! […] Tu n’as pas reconnu le moment où Dieu te visitait » (cf. Lc 19, 42.44). En faisant mémoire des pleurs de Jésus sur la ville sainte, demandons la grâce, rien que pour aujourd’hui, de ne pas rater le passage du Christ en nos vies, de garder vive l’eau de notre baptême et d’y demeurer fidèle.
Seigneur Jésus, nous te confions nos pères bien-aimés dans la foi. Nous te prions pour le peuple juif qui t’a donné ta chair. Il a éprouvé dans l’histoire la grâce douloureuse de demeurer le signe de la fidélité de Dieu qui ne reprend pas sa parole. Donne-lui de progresser dans l’amour de ton nom et la fidélité à ton alliance.

« Ah ! Laisse-moi Seigneur me cacher en ta Face
Là, je n’entendrai plus du monde le vain bruit
Donne-moi ton amour, conserve-moi ta grâce
Rien que pour aujourd’hui. »

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

9 Jesus tombe pour la 3e fois

9. Jésus tombe pour la troisième fois

« Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour vos âmes » (Mt 11, 29)

Jésus tombe une troisième fois comme pour descendre dans les profondeurs des abîmes. L’histoire du salut est une succession de chutes et d’offenses au Seigneur. Nous le voyons dans la première Alliance, de l’adoration du veau d’or à l’hypocrisie des pharisiens. Nous le constatons dans la versatilité des Apôtres. Nous le voyons avec honte dans toute l’histoire de l’Église. « Celui qui fait la vérité vient à la lumière » (Jn 3, 21). La vérité est une lumière douloureuse. Demandons la grâce que cette troisième chute du Seigneur nous obtienne de devenir toujours plus dignes de la sainteté que Dieu nous donne. Prions particulièrement pour les pasteurs et les consacrés. Rendons grâce pour le peuple immense et caché des bons serviteurs. Confions ceux qui peinent sur le chemin de la vie parfaite afin qu’ils obtiennent la persévérance dans l’amour.
Nous te présentons, Seigneur, ta sainte Église défigurée par certains de ses ministres. Nous te prions pour les fidèles qu’ils ont blessés, afin qu’ils obtiennent de trouver la paix et la justice. Nous te demandons aussi la conversion de ceux qui scandalisent les plus petits, ceux qui abusent des sacrements, ceux qui sont esclaves de la mondanité et de la compromission. Entends notre supplication, Seigneur, pour ceux qui te sont consacrés, et donne-nous de saints prêtres.

« Puisque vous daignez accorder à votre pauvre petite épouse la grâce de travailler spécialement à la sanctification d’une âme destinée au sacerdoce, je vous offre pour elle avec bonheur toutes les prières et les sacrifices dont je puis disposer. »
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

10 Jesus est depoulle de ses vetements

10. Jésus est dépouillé de ses vêtements

Ils se partagent ses vêtements, en tirant au sort pour savoir la part de chacun. (Mc 15, 24)

Le corps du Seigneur, déjà livré dans l’Eucharistie le soir de la Cène, est maintenant livré au regard de tous dans sa nudité douloureuse. Ce corps blessé porte en lui toute la souffrance du monde et la violence de la haine qui piétine la beauté originelle de l’homme. Beau comme aucun des enfants de l’homme (Ps 44, 3), il s’est fait sans apparence ni beauté qui attire nos regards, son aspect n’avait rien pour nous plaire (Is 53, 2). Le corps sanglant du Christ vient nous montrer combien le Mal nous défigure, mais c’est afin de restaurer notre image. Ce corps meurtri est celui-là même qui ressuscitera dans la gloire. La beauté qui sauve le monde n’est pas l’esthétique laissée à elle-même mais la splendeur du Christ qui passe à travers le voile de la mort, qui resplendit dans les ténèbres et que les ténèbres n’ont pas arrêtée (cf. Jn 1, 5).
Délivre-nous, Seigneur, du souci excessif de paraître, de la vanité mondaine et de l’orgueil de la richesse. Accorde-nous de nous détacher de ce qui attire notre regard, de nous déprendre de tout ce qui se voit pour nous tourner vers la lumière des choses qui ne se voient pas. Fais-nous discerner ta présence à travers les plus obscurs et les plus disgraciés des êtres et donne-nous le regard intérieur de la foi qui revêt toute chose de beauté.

« Regarde sa Face adorable !…  Regarde ces yeux éteints et baissés !… Regarde ses plaies… regarde Jésus dans sa Face… Là tu verras comme il nous aime. »
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

11 Jesus cloué sur la croix

11. Jésus est cloué sur la croix

C’était la troisième heure lorsqu’on le crucifia. L’inscription indiquant le motif de sa condamnation portait ces mots : « Le roi des Juifs » (Mc 15, 25-26)

Nous assistons à une scène d’une violence insoutenable. Elle suscite en nous une connivence ou une curiosité malsaine. Blessés par le péché, nous sommes attirés facilement par ce qui est impur et par ce qui est violent. Mais une réalité n’est jamais montée du cœur de l’homme : celui qui est crucifié est le Créateur du ciel et de la terre, le Roi des siècles et le Maître de l’histoire. L’homme a inventé la croix comme supplice, mais il n’a pas imaginé que son Seigneur pourrait mourir en croix. Telle est la vérité de notre foi, radicalement étrangère à toute pensée humaine sur Dieu. À l’opposé des idoles de l’argent ou du pouvoir, nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes. Mais pour ceux que Dieu appelle, ce Messie, ce Christ, est puissance de Dieu et sagesse de Dieu (cf. 1 Co 1, 23-24). Ici la Victime impuissante se révèle dans la toute-puissance de l’amour : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34). De cette parole du Christ en croix vient le retournement de la violence dans le pardon de Dieu, et toute l’espérance du monde.
Du plus profond de notre cœur, nous redisons : « Je te salue, ô Croix, unique espérance. »

« Flamme d’amour, consume-moi sans trêve
Vie d’un instant, ton fardeau m’est bien lourd
Divin Jésus, réalise mon rêve,
Mourir d’amour. »

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

12 Jesus meurt sur la Croix

12. Jésus meurt sur la croix

12. Jésus meurt sur la croix

Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, déclara : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu ! » (Mc 15, 39)

Le centurion a été lentement ébranlé par ce condamné qui n’était pas comme les autres. Peu à peu la lumière du Christ a illuminé son regard dans le clair-obscur d’un chemin de foi. Jésus a pardonné à ses bourreaux. Il a ouvert au condamné le chemin du ciel. Le soldat païen est conduit à confesser le nom du Sauveur : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu ! » Regardons vers celui que nous avons transpercé. Jésus remet son esprit entre les mains du Père et annonce le don de l’Esprit Saint à la Pentecôte. Ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de pondération (2 Tm 1, 7). Prions pour l’heure de notre mort, l’instant mystérieux qui achèvera le cours de notre vie terrestre afin que nous puissions remettre notre âme entre les mains du Père dans un amour lucide et conscient. Que personne ne nous vole l’instant sacré de notre mort car dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur (Rm 14, 8). Puisse le Seigneur en cet instant nous regarder avec miséricorde, comme il l’a fait pour le bon larron.
Nous te confions, Seigneur, nos fidèles défunts et les âmes du purgatoire. Nous te confions la fin de notre vie. Qu’elle soit pour nous la porte du ciel.

« Je voudrais vous dire […] mille choses que je comprends étant à la porte de l’éternité, mais je ne meurs pas, j’entre dans la vie et tout ce que je puis vous dire ici-bas, je vous le ferai comprendre du haut des cieux. »
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

Jésus déscendu de la Croix

13. Jésus est descendu de la croix

Jésus dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. » Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » À partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. (Cf. Jn 19, 27)

La mère de Jésus devient notre mère et la Mère de l’Église par la parole que son fils lui a adressée : « Voici ton fils. » Marie est le don merveilleux de Dieu. Mais nous devons recevoir activement ce don et la prendre « chez nous », l’accueillir vraiment comme mère. La Vierge au cœur douloureux et immaculé reçoit entre ses mains le corps de son enfant, elle qui l’a porté dans son sein. Elle est la Stabat Mater qui espèr[e] contre toute espérance (Rm 4, 18). Elle porte son fils et représente ainsi l’Église qui ne cesse de vivre du Corps de son Seigneur. Elle est l’image même de la foi qui rayonne en silence et attend l’aurore comme un veilleur. L’ange lui avait dit à l’Annonciation :  « Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut » (Lc 1, 32) et « rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1, 37).
Vierge sainte, accordez-nous la grâce de venir chez nous. Montrez-vous notre mère et notre reine et protégez-nous dans tous nos combats. Vous avez connu tous les mystères, joyeux et lumineux, douloureux et glorieux. Ayez compassion de notre terre et orientez notre marche de la vallée des larmes à la cité du Ciel.

« Refuge des pécheurs, c’est à Toi qu’il nous laisse
Quand Il quitte la croix pour nous attendre au Ciel. »

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

14 Jesus est déposé dans le sepulcre

14. Jésus est déposé dans le sépulcre

Joseph d’Arimathie roula une pierre contre l’entrée du tombeau. Or Marie Madeleine et Marie, mère de José, observaient l’endroit où on l’avait mis. (Cf. Mc 15, 43.46-47)

La pierre roulée du tombeau semble être la fin définitive de toute espérance. Si l’homme est un être fait pour la mort, alors, comme le dit l’Apôtre : Mangeons et buvons, car demain nous mourrons (1 Co 15, 32). Mais le Seigneur Jésus est venu remplir de sa présence le silence de la mort. Il est descendu dans les entrailles de la terre afin que nul ne puisse dire qu’il est abandonné de Dieu. Le Seigneur a planté la croix de son amour aux profondeurs de la nuit et les morts reçoivent la grâce de sa visitation. Voici le temps du profond silence où mûrissent les grandes joies. Voici le jour du sabbat où Dieu se repose de son œuvre : « Aujourd’hui, grand silence sur la terre et solitude, parce que le roi dort » (homélie de saint Épiphane). Demandons la grâce de scruter la fin de la nuit comme les femmes qui attendent l’aurore du jour nouveau. « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24).
Seigneur Jésus, donne-nous la grâce d’entrer dans l’espérance que nous donne ta Passion bienheureuse et guide nos cœurs du silence du tombeau aux premières lueurs de l’aube, jusqu’à l’éclatement de la joie pascale où nous pourrons dire enfin : « Le Christ est ressuscité ! Il l’est vraiment. »

« Je suis une toute petite âme que le Bon Dieu a comblée de grâces, voilà ce que je suis. Ce que je dis c’est la vérité. Vous le verrez au Ciel. »
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus


Crédits et remerciements

Prêtre du diocèse de Paris, le père Luc de Bellescize est vicaire à la paroisse Saint-Vincent-de-Paul. Il est aussi aumônier diocésain des Scouts unitaires de France et du MCC (mouvement chrétien des cadres et dirigeants).
Influencé durablement par sa première rencontre avec Gustave Moreau en 1878, George Desvallières (1861-1950) reste un peintre indépendant de toute école. En 1890, il épouse Marguerite Lefebvre, qui lui donnera six enfants. L’année suivante, il prend le poste de Professeur à l’École des beaux-arts et y rencontre René Piot, George Rouault – auquel il succédera au poste de conservateur du musée Gustave-Moreau – et Matisse, avec lesquels il tisse des liens d’amitié et de travail. En 1901, George Rouault le présente à Léon Bloy qui exercera une forte influence spirituelle sur lui. Après la mort de Gustave Moreau, survenue en 1898, George trouve sa propre voie et devient l’un des fondateurs du Salon d’Automne. C’est le début d’une longue aventure qui l’occupera plus de quarante ans durant. Il défendra les fauves, les cubistes, les arts décoratifs avant de mener, lors de la Première Guerre mondiale, son bataillon de chasseurs dans les Vosges. Épanouissement d’un retour à la foi éclôt dès 1905, c’est après la guerre, en 1919, qu’il crée avec Maurice Denis les Ateliers d’art sacré qui renouvellent l’art religieux. Jusqu’en 1940, ils susciteront ensemble de grandes décorations d’églises auxquels leurs élèves prendront une part active. C’est dans ce cadre qu’il réalisera en 1935 un nouveau Chemin de Croix pour l’église du Saint-Esprit à Paris.
Nos vifs remerciements à Clément Guillaume, photographe, qui a assuré les prises de vues du chemin de croix réalisé par George Desvallières pour l’église du Saint-Esprit à Paris. Nous remercions aussi vivement le père Arnaud Duban, curé de la paroisse du Saint-Esprit, pour son aimable autorisation.

Citations de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

I- Lettre à sa sœur Geneviève, Noël 1896. II- Carnet jaune, 11 juillet 1897. III- « Ma joie », 1er janvier 1897. IV-  « Pourquoi je t’aime, ô Marie ! », 1er mai 1897. V- Manuscrit B. VI : « Mon Ciel ici-bas », 12 août 1895. VII- Manuscrit A. VIII- « Mon chant d’aujourd’hui », 1er juin 1894. IX- Prière pour l’abbé Bellière, 17 au 21 octobre 1895. X- Lettre à Céline, 4 avril 1889. XI- « Vivre d’amour », 26 février 1895. XII- Lettre à l’abbé Bellière, 9 juin 1897. XIII-  « Pourquoi je t’aime, ô Marie ! », 1er mai 1897. XIV- Carnet jaune, 9 août 1897.

Crédits iconographiques 

Chemin de croix, George Desvallières (1861-1950), église du Saint-Esprit, Paris. © Photos : Clément Guillaume.

Partager sur :

Père Luc de Bellescize

Prêtre du diocèse de Paris, le père Luc de Bellescize est vicaire à la paroisse Saint-Vincent-de-Paul. Il est aussi aumônier diocésain des Scouts unitaires de France et du MCC (mouvement chrétien des cadres et dirigeants)

Autres articles

Mgr Timothy Verdon

La prière dans l'art

Dans un extraordinaire voyage à travers les siècles, monseigneur Timothy Verdon, directeur du département d’art sacré de l’archidiocèse de Florence, nous invite à redécouvrir avec émerveillement la manière dont les artistes ont dépeint la prière chrétienne à travers les âges.

Empruntez cette via pulchritudinis, ce “chemin de la beauté” proposé par les plus grands maîtres de la peinture et laissez votre propre prière s’en nourrir au fil des pages.

9 jours avec Saint Joseph

retraite en ligne

9 jours avec Saint Joseph

Chaque jour, laissons-nous guider par saint Joseph dans tous les aspects de notre vie !

Chaque matin, plongez au cœur de la lettre apostalique Patris corde.

Chaque soir, prenez le temps de méditer.