Toute icône est icône du Christ
Le 25 juillet, nous fêtons le 1700e anniversaire de la clôture du premier concile œcuménique de l’histoire, celui de Nicée. Convoqué en 325 par l’empereur Constantin, il joua un rôle crucial dans la définition de la doctrine trinitaire : un seul Dieu en trois hypostases (personnes) égales entre elles. Complété par le concile de Constantinople en 381, il donna à l’Église sa profession de foi, le symbole de Nicée-Constantinople (Credo). À cette occasion, nous vous proposons de contempler le mystère de la Sainte Trinité, grâce à la remarquable icône qui orne la couverture de votre Magnificat.
Révélation d’un mystère, maintenant manifesté
Réalisée au xve siècle à Novgorod (à 200 km au sud de Saint-Pétersbourg), cette icône a pour titre La Sainte Trinité (Svyataya Troitsa, en slavon). Elle représente, en tant que théophanie (manifestation de Dieu), l’hospitalité d’Abraham racontée au livre de la Genèse (18, 1-10). Abraham et Sara, au premier plan, servent leurs trois hôtes attablés sous le chêne de Mambré (aujourd’hui Hébron, en Israël). S’étant révélés comme des envoyés de Dieu venus annoncer qu’Abraham et Sara mettront au monde, malgré leur âge avancé, le fils de la promesse (Isaac), ils sont représentés comme des anges, avec des ailes.
Cependant, les Pères de l’Église, méditant cet épisode de la Genèse, y ont vu une première révélation, voilée mais suggestive, du mystère de la Trinité, un seul Dieu en trois personnes. Les premiers mots du récit sont : Yahvé lui apparut, ils désignent donc le Dieu unique. Puis, le récit dénombre en fait trois visiteurs, mais quand Abraham s’adresse à eux, il leur parle au singulier : « Mon Seigneur… » (v. 3) ; cependant, il demande à Sara de préparer trois galettes de pain… que les visiteurs mangent (au pluriel). Puis, ils demandent à voir Sara. Mais quand ils parlent à nouveau, le récit revient au singulier : Le voyageur reprit… (v. 10). Et, tout le long de la conversation qui s’ensuit, le voyageur est appelé le Seigneur Dieu (v. 13). Et finalement, le récit conclut au pluriel : Les hommes se levèrent pour partir…
Contempler l’accomplissement de l’Alliance
Inspirés par les méditations des Pères de l’Église, les artistes paléochrétiens, puis les iconographes, se sont plu à suggérer la Trinité en représentant l’Hospitalité d’Abraham, jusqu’à y figurer la Trinité à l’œuvre dans l’histoire du Salut, depuis la Création du monde jusqu’à l’Alliance nouvelle et éternelle, en passant par l’Alliance avec Abraham. C’est en parcourant ces étapes des manifestations trinitaires dans l’histoire de l’humanité que nous allons « lire » cette œuvre.
Au premier plan, Abraham sert trois pains, premier signe de la Trinité, et Sara sert la chair sanglante du jeune animal sacrifié, préfigurant le sacrifice d’Isaac, puis celui du Christ. Les trois visiteurs sont assis à table, ils portent les mêmes vêtements (quoique agencés différemment, avec personnalité), tiennent par leur main gauche le même bâton-sceptre de toute-puissance (le merilo) et, de leur main droite, bénissent la table avec le même geste. Or, leurs visages montrent les mêmes traits et les mêmes expressions. L’artiste ne peut mieux suggérer qu’ils sont un seul Dieu en trois personnes égales. Cependant, l’attitude des trois personnes suggère leur périchorèse (relation d’amour unifiante) : la figure du Saint-Esprit (à notre droite) et la figure du Fils unique engendré (au centre) sont tournées vers la figure du Père (à notre gauche).
En arrière-plan, surplombant la figure de l’Esprit Saint et penchées vers la figure de la Trinité, les « hautes montagnes » attestent que la scène représentée est bien une théophanie. Elles annoncent aussi les théophanies à venir du Sinaï, puis du mont Thabor. Au centre, l’arbre est le chêne de Mambré. Il évoque l’arbre édénique de la connaissance du bien et du mal et, situé derrière la figure du Fils – le Sauveur à venir –, il annonce l’arbre de la croix. Maintenant, à notre gauche, à l’aplomb de la figure du Père, voici la demeure d’Abraham représentée comme une maison. Elle préfigure le Temple de Jérusalem (« chez mon Père », dira Jésus, Lc 2, 49), puis l’Église du Christ, et enfin, la maison céleste du Père, où il y a de nombreuses demeures (cf. Jn 14, 2).
Le sacrifice unique, vivant et saint
Au centre de la représentation, trône la table de l’hospitalité. Elle évoque l’autel des sacrifices de l’ancienne Alliance, puis l’autel eucharistique de l’Alliance nouvelle et éternelle. À cet effet, l’iconographe a fait figurer la petite fenêtre de la confessio, là où les premiers chrétiens plaçaient les reliques d’un Confesseur de la foi (un martyr). Sur la table où préside le Fils, le récipient rempli de vin évoque la Cène et le sacrifice eucharistique. Et, en effet, lorsque la plénitude des temps sera venue, la deuxième personne de la Sainte Trinité va se faire homme, et Celui-ci va librement, comme preuve d’amour insurpassable, devenir une fois pour toutes et à jamais celui qui offre et celui qui est offert.
Pierre-Marie Varennes
La Sainte Trinité, école de Novgorod, XVe s., musée d’Art, Novgorod, Russie. © Bridgeman Images.
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Toute icône est icône du Christ
Le 1 juillet 2025
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Toute icône est icône du Christ
Le 25 juillet, nous fêtons le 1700e anniversaire de la clôture du premier concile œcuménique de l’histoire, celui de Nicée. Convoqué en 325 par l’empereur Constantin, il joua un rôle crucial dans la définition de la doctrine trinitaire : un seul Dieu en trois hypostases (personnes) égales entre elles. Complété par le concile de Constantinople en 381, il donna à l’Église sa profession de foi, le symbole de Nicée-Constantinople (Credo). À cette occasion, nous vous proposons de contempler le mystère de la Sainte Trinité, grâce à la remarquable icône qui orne la couverture de votre Magnificat.
Révélation d’un mystère, maintenant manifesté
Réalisée au xve siècle à Novgorod (à 200 km au sud de Saint-Pétersbourg), cette icône a pour titre La Sainte Trinité (Svyataya Troitsa, en slavon). Elle représente, en tant que théophanie (manifestation de Dieu), l’hospitalité d’Abraham racontée au livre de la Genèse (18, 1-10). Abraham et Sara, au premier plan, servent leurs trois hôtes attablés sous le chêne de Mambré (aujourd’hui Hébron, en Israël). S’étant révélés comme des envoyés de Dieu venus annoncer qu’Abraham et Sara mettront au monde, malgré leur âge avancé, le fils de la promesse (Isaac), ils sont représentés comme des anges, avec des ailes.
Cependant, les Pères de l’Église, méditant cet épisode de la Genèse, y ont vu une première révélation, voilée mais suggestive, du mystère de la Trinité, un seul Dieu en trois personnes. Les premiers mots du récit sont : Yahvé lui apparut, ils désignent donc le Dieu unique. Puis, le récit dénombre en fait trois visiteurs, mais quand Abraham s’adresse à eux, il leur parle au singulier : « Mon Seigneur… » (v. 3) ; cependant, il demande à Sara de préparer trois galettes de pain… que les visiteurs mangent (au pluriel). Puis, ils demandent à voir Sara. Mais quand ils parlent à nouveau, le récit revient au singulier : Le voyageur reprit… (v. 10). Et, tout le long de la conversation qui s’ensuit, le voyageur est appelé le Seigneur Dieu (v. 13). Et finalement, le récit conclut au pluriel : Les hommes se levèrent pour partir…
Contempler l’accomplissement de l’Alliance
Inspirés par les méditations des Pères de l’Église, les artistes paléochrétiens, puis les iconographes, se sont plu à suggérer la Trinité en représentant l’Hospitalité d’Abraham, jusqu’à y figurer la Trinité à l’œuvre dans l’histoire du Salut, depuis la Création du monde jusqu’à l’Alliance nouvelle et éternelle, en passant par l’Alliance avec Abraham. C’est en parcourant ces étapes des manifestations trinitaires dans l’histoire de l’humanité que nous allons « lire » cette œuvre.
Au premier plan, Abraham sert trois pains, premier signe de la Trinité, et Sara sert la chair sanglante du jeune animal sacrifié, préfigurant le sacrifice d’Isaac, puis celui du Christ. Les trois visiteurs sont assis à table, ils portent les mêmes vêtements (quoique agencés différemment, avec personnalité), tiennent par leur main gauche le même bâton-sceptre de toute-puissance (le merilo) et, de leur main droite, bénissent la table avec le même geste. Or, leurs visages montrent les mêmes traits et les mêmes expressions. L’artiste ne peut mieux suggérer qu’ils sont un seul Dieu en trois personnes égales. Cependant, l’attitude des trois personnes suggère leur périchorèse (relation d’amour unifiante) : la figure du Saint-Esprit (à notre droite) et la figure du Fils unique engendré (au centre) sont tournées vers la figure du Père (à notre gauche).
En arrière-plan, surplombant la figure de l’Esprit Saint et penchées vers la figure de la Trinité, les « hautes montagnes » attestent que la scène représentée est bien une théophanie. Elles annoncent aussi les théophanies à venir du Sinaï, puis du mont Thabor. Au centre, l’arbre est le chêne de Mambré. Il évoque l’arbre édénique de la connaissance du bien et du mal et, situé derrière la figure du Fils – le Sauveur à venir –, il annonce l’arbre de la croix. Maintenant, à notre gauche, à l’aplomb de la figure du Père, voici la demeure d’Abraham représentée comme une maison. Elle préfigure le Temple de Jérusalem (« chez mon Père », dira Jésus, Lc 2, 49), puis l’Église du Christ, et enfin, la maison céleste du Père, où il y a de nombreuses demeures (cf. Jn 14, 2).
Le sacrifice unique, vivant et saint
Au centre de la représentation, trône la table de l’hospitalité. Elle évoque l’autel des sacrifices de l’ancienne Alliance, puis l’autel eucharistique de l’Alliance nouvelle et éternelle. À cet effet, l’iconographe a fait figurer la petite fenêtre de la confessio, là où les premiers chrétiens plaçaient les reliques d’un Confesseur de la foi (un martyr). Sur la table où préside le Fils, le récipient rempli de vin évoque la Cène et le sacrifice eucharistique. Et, en effet, lorsque la plénitude des temps sera venue, la deuxième personne de la Sainte Trinité va se faire homme, et Celui-ci va librement, comme preuve d’amour insurpassable, devenir une fois pour toutes et à jamais celui qui offre et celui qui est offert.
Pierre-Marie Varennes
La Sainte Trinité, école de Novgorod, XVe s., musée d’Art, Novgorod, Russie. © Bridgeman Images.
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