Rembrandt, l’évangéliste

Le 1 février 2024

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Rembrandt était son prénom, van Rijn son nom. Neuvième enfant d’un meunier de confession protestante et d’une mère catholique, il allait devenir dans le même élan un grand ­chrétien et un immense artiste.

à 18 ans, en 1625, il quitte ses maîtres et ouvre son propre atelier à Leyde (Pays-Bas). La même année, il peint le premier tableau qui nous soit connu comme certainement de sa main : La Lapidation de saint Étienne. Deux ans plus tard, en 1627, il signe l’œuvre qui orne la couverture de votre Magnificat de ce mois. Il vient d’avoir 20 ans et sa renommée commence à se répandre. Le célèbre archéologue Van Buchell n’écrit-il pas à l’époque : « Tout le monde couvre d’éloges le fils d’un meunier de Leyde, mais cela me semble prématuré » ? Prématuré ? Sans doute pas, puisque, dès 1629, plusieurs de ses œuvres entrent dans les collections des princes d’Orange-Nassau, (la famille appelée à régner sur les Pays-Bas) et les commandes affluent.

Rembrandt représente ici le prélude de la Présentation de Jésus au Temple (cf. Lc 2, 25-38 ; traduction de l’auteur). Nous sommes dans un vestibule du Temple de Jérusalem. Une lumière céleste passe par une fenêtre – on en distingue l’ombre de l’encadrement et des croisillons sur le mur du fond – et inonde la scène. Par contraste, derrière la colonne d’entrée, l’intérieur du Temple est plongé dans une obscurité complète : les lumières de la Loi mosaïque se sont éteintes devant la Lumière qui se révèle aux nations et donne gloire au peuple d’Israël (v. 32) Pour le signifier, sur un bougeoir accroché à la colonne, le cierge vient de s’éteindre. Aussi bien, la lumière qui baigne l’extérieur du mur du Temple permet de voir qu’il est lézardé : bientôt il n’en restera pas pierre sur pierre (Mt 24, 2).

Après avoir pris l’enfant Jésus dans ses bras, le vieillard Syméon a rendu grâce à Dieu en déclamant le Nunc ­dimittis, ce cantique qui est devenu le modèle insurpassable de notre prière avant le repos de la nuit. Maintenant, alors que Joseph apparaît au premier plan en contre-jour, Syméon est assis sur une margelle et se penche vers Marie agenouillée comme son époux, en prière devant son enfant et son Dieu. Tandis que de la main droite Syméon bénit la bénie entre toutes les femmes, il lui dit :

Voici que ton enfant vient pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël.

Il sera un signe de contradiction, mettant en pleine lumière les pensées cachées au cœur de chacun.

Et même toi, Marie, un glaive te transpercera le cœur.

(Lc 2, 34-55)

Et voici qu’à l’arrière-plan survient la prophétesse Anne qui rend grâce à Dieu au sujet de l’enfant.

Dans cette œuvre de jeunesse, déjà, par le clair-obscur Rembrandt fait voir la frontière entre la lumière et les ténèbres, entre le bien et le mal, entre la chute et le relèvement, entre la vie et la mort, entre la perdition et la résurrection. Or, voici que Syméon lui révèle que cette frontière passe en plein milieu du cœur de chacun d’entre nous. Désormais, Rembrandt se consacrera toujours plus à manifester cette révélation. Dans chacune de ses œuvres, c’est le drame du salut qui se jouera. Et, toujours plus explicitement, le clair signifiera ce qui est céleste-divin, et qui va rejaillir pour chacun de nous en vie et béatitude, tandis que l’obscur signifiera ce qui est terrestre-diabolique, et qui peut engloutir chacun de nous en mort et damnation.

Pierre-Marie Varennes

Syméon et Anne au Temple (1627), Rembrant (1606-1669), Kunsthalle, Hambourg, Allemagne. © BPK, Berlin, Dist. RMN-GP / image BPK.

 

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