Moins de moi

Le 3 août 2025

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dimanche 3 août

18e dimanche du temps ordinaire

Parabole de l’homme riche,
Allemagne, xvie s., Washington D.C., NGA.

Moins de moi

Père Philippe Lefebvre, o.p.

Peut-être connaissez-vous ce que l’on appelle un « palais des glaces » dans certaines fêtes foraines. On entre dans un vaste labyrinthe et il faut faire son chemin, jusqu’à la sortie, entre des panneaux de verres transparents et des miroirs aussi grands qu’un humain. Sans cesse, on croit pouvoir avancer, mais on se heurte à un vitrage ou bien on se retrouve devant sa propre image indéfiniment propagée par les miroirs, comme si elle barrait tout chemin par son omniprésence. Il n’y a plus que moi à l’infini, un moi démultiplié, omniprésent. Écoutez maintenant cet homme de la parabole : « Que vais-je faire ? », « Voici ce que je vais faire », « je vais démolir », « j’en construirai » et finalement « je me dirai à moi-même »… En trois versets, une vingtaine de marques de la première personne ! C’en est même fascinant : l’homme va jusqu’à dire finalement que, plus tard, il se dira à lui-même ce que lui-même pourra être. Le palais des glaces ! Moi disant à moi quel moi je pourrai devenir, moi.

Dans cette parabole, le Dieu miséricordieux vient à la rescousse de cet homme prisonnier : son existence tissée de « moi », voici que quelqu’un d’autre – Dieu –, faisant irruption, la réclame. Le « je » aux prises avec lui-même est soudain placé devant un Autre et même des autres. Car Dieu dit à cet homme : « Insensé, cette nuit même, ils te demandent ta vie », même si la traduction liturgique ne rend pas compte de ce pluriel. À qui renvoie cette pluralité ? Sans doute aux anges ; dans la suite de notre Évangile, Jésus évoque ainsi l’histoire du pauvre Lazare, couché à la porte d’un riche qui ne s’aperçoit même pas de la présence de ce miséreux et fait bombance chaque jour. Et puis, « le pauvre mourut et fut emporté par les anges sur le sein d’Abraham. Le riche mourut aussi et fut enterré » (cf. Lc 16, 22). Ainsi, dans notre parabole, ce sont possiblement ces êtres mystérieux qui viennent réclamer la vie de cet homme, comme s’ils l’engageaient à donner de bonne grâce, pour une fois – la seule fois, ce moi jusqu’ici rétracté en lui-même.

L’abondance venue du Père

Juste avant notre passage, Jésus a déjà donné un enseignement qui fait intervenir les anges : « Quiconque se reconnaît en moi devant les gens, le Fils de l’homme se reconnaîtra aussi en lui devant les anges de Dieu ; mais celui qui m’aura renié devant les gens sera renié devant les anges de Dieu » (cf. Lc 12, 8-9). Cela donne sa dimension véritable à notre parabole : il ne s’agit pas fondamentalement d’être bien gentil en donnant un peu de son bien à qui en a besoin. Il est question de vivre comme le Christ, d’être ce qu’il est, avec lui et en lui. La vie vient du Père : elle peut donc être donnée en abondance parce que le Père donne cette vie à profusion. n

Découvrez après les lectures de la messe notre suggestion de prière universelle. Ces intentions sont à adapter en fonction de l’actualité et de l’assemblée qui célèbre.

Bonne fête ! Euphrone

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Le Christ à la mer de Galilée, Circle of Jacopo Tintoretto (Probably Lambert Sustris), Anonymous Artist - Venetian, 1518 or 1519 - 1594. © National Gallery of Art, New-York