En couverture de notre Magnificat, nous retrouvons un artiste qui nous est devenu familier, Jean Bourdichon (1457-1521). Son exquise miniature célébrant la découverte de la Croix du Christ par sainte Hélène (1) (v. 248-330) a été réalisée entre 1503 et 1508, pour le livre d’heures d’Anne de Bretagne, reine de France.
Jean Bourdichon illustre toujours la vie des saints de manière à exalter leur proximité charmante avec chacun et avec tous, dans la communion des saints. Ici, sa sainte Hélène est un portrait fidèle de la reine de France, Anne de Bretagne. L’ovale de son beau visage est délimité par la mandorle que dessinent les tresses de ses cheveux d’or. Discrètement, ses yeux nous invitent à tourner le regard de notre cœur vers Celui qui nous a aimés le premier. Comme lorsque la reine Anne se présente en majesté, sainte Hélène porte couronne royale fleurdelisée ; chappe royale de brocart fourrée d’hermine au fermail constitué par deux broches florales d’or, ornées chacune de quatre perles et d’un saphir ; surcot (« gilet ») à placard d’hermine, de velours rouge avec liserés et boutons d’or ; robe en taffetas de soie azur, à motifs. La couleur azur est celle de la monarchie française, l’hermine figure les armes de Bretagne dont Anne est la duchesse. Pour inviter ses contemporains à mettre la sainteté dans leur vie, ici et maintenant, Bourdichon n’hésite donc pas à représenter la scène de l’invention de la vraie Croix par sainte Hélène comme se déroulant « aujourd’hui » (au début du XVIe siècle), en Touraine. Voici donc, sur la droite, la demeure que la reine Anne habitait avec ses filles, puis, au centre du paysage, la ville de Tours (2), et enfin, en arrière-plan, les méandres de la Loire avec ses rives vallonnées où dominent les célèbres châteaux. Ainsi, dans l’œuvre de Bourdichon, les saints sont-ils faits proches de nous, comme l’un ou l’une d’entre nous, chacun et chacune dans son rôle et sa vocation propres, et ce avec un charme infini auquel, aujourd’hui encore, le tréfonds de notre âme demeure sensible.
Cette année, le 14 septembre, la fête de la Croix glorieuse prend un relief particulier, non seulement parce qu’elle est célébrée un dimanche (ce qui se produit tous les cinq ou six ans), mais encore parce qu’en cette année 2025, sa célébration éclaire d’une lumière parfaitement appropriée le fruit du Jubilé : l’Espérance. En effet, en ce dimanche, l’Église nous invite à célébrer la Croix, en tant qu’elle est notre unique Espérance, dans la gloire de son triomphe, comme le chante si bien l’hymne Vexilla Regis (3) :
[Ô Croix] Arbre magnifique et resplendissant,
empourpré du sang du Roi ;
fût sacré, digne de coudoyer
la Chair toute de sainteté.
Arbre bienheureux,
aux branches duquel a été suspendu le prix du monde :
tu as pesé la valeur de ce Corps,
pour racheter les otages de l’Enfer.
Dans la gloire de ton triomphe (4),
salut, ô Croix, notre unique Espérance !
Comble de grâce les fidèles,
aussi bien que des pécheurs tu remets les fautes.
Et Toi, source du Salut,
Trinité dont les chœurs angéliques chantent les louanges,
Toi qui par la Croix nous donnas la victoire :
ceins à jamais nos têtes de la couronne de gloire (5) !
Pierre-Marie Varennes
Sainte Hélène et l’invention de la sainte croix, enluminure tirée des Grandes Heures d’Anne de Bretagne, Latin 9474, fol. 207v, Jean Bourdichon (v. 1457-1521), Bibliothèque nationale de France, Paris. © BnF, Dist. RMN-GP / image BnF.
———-
1. C’est en 326 (ou 327) que l’expédition de recherche dirigée, en qualité d’Augusta, par sainte Hélène, mère de l’empereur Constantin le Grand, découvre la vraie Croix du Christ, sous l’esplanade et le temple de Vénus qui avaient été aménagés sur le lieu de la crucifixion par l’empereur Hadrien (76-138). À noter que la relique authentique du corps de sainte Hélène peut toujours être vénérée en la crypte de l’église Saint-Leu-Saint-Gilles, à Paris.
2. Vers 1505, à Tours, la construction de la tour nord de la cathédrale Saint-Gatien s’achève, celle de la tour sud ne sera menée à bien que 40 ans plus tard.
3. En 552, Radegonde, reine des Francs, épouse de Clotaire Ier, fils de Clovis, ne voulant plus partager la vie du roi meurtrier de son frère, fonde à Poitiers le monastère de Notre-Dame et s’y retire comme simple moniale. En 569, l’empereur de Constantinople, Justin II, lui envoie un morceau de la vraie Croix découverte par sainte Hélène. Pour la réception solennelle de cette relique insigne, Radegonde commande une hymne à Venance Fortunat, célèbre poète qui deviendra évêque de Poitiers : ce sera le Vexilla Regis. Aujourd’hui encore, on peut chanter cette hymne du dimanche des Rameaux au Vendredi saint, ainsi que le 14 septembre, aux vêpres de la fête de la Croix glorieuse. Radegonde et Venance Fortunat seront canonisés.
4. L’usage de ce vers est réservé à la fête de la Croix glorieuse. Au temps de la Passion, on chante : « Dans les temps de la Passion. »
5. Traduction de l’auteur. Il existe plusieurs versions de cette hymne qui a été remaniée au long des 1546 ans qui nous séparent de sa composition. Pour trouver la version liturgique usuelle en latin, avec la partition grégorienne et la traduction en français, cliquez-ici.
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O Crux ave, spes unica !
Le 1 septembre 2025
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En couverture de notre Magnificat, nous retrouvons un artiste qui nous est devenu familier, Jean Bourdichon (1457-1521). Son exquise miniature célébrant la découverte de la Croix du Christ par sainte Hélène (1) (v. 248-330) a été réalisée entre 1503 et 1508, pour le livre d’heures d’Anne de Bretagne, reine de France.
Jean Bourdichon illustre toujours la vie des saints de manière à exalter leur proximité charmante avec chacun et avec tous, dans la communion des saints. Ici, sa sainte Hélène est un portrait fidèle de la reine de France, Anne de Bretagne. L’ovale de son beau visage est délimité par la mandorle que dessinent les tresses de ses cheveux d’or. Discrètement, ses yeux nous invitent à tourner le regard de notre cœur vers Celui qui nous a aimés le premier. Comme lorsque la reine Anne se présente en majesté, sainte Hélène porte couronne royale fleurdelisée ; chappe royale de brocart fourrée d’hermine au fermail constitué par deux broches florales d’or, ornées chacune de quatre perles et d’un saphir ; surcot (« gilet ») à placard d’hermine, de velours rouge avec liserés et boutons d’or ; robe en taffetas de soie azur, à motifs. La couleur azur est celle de la monarchie française, l’hermine figure les armes de Bretagne dont Anne est la duchesse. Pour inviter ses contemporains à mettre la sainteté dans leur vie, ici et maintenant, Bourdichon n’hésite donc pas à représenter la scène de l’invention de la vraie Croix par sainte Hélène comme se déroulant « aujourd’hui » (au début du XVIe siècle), en Touraine. Voici donc, sur la droite, la demeure que la reine Anne habitait avec ses filles, puis, au centre du paysage, la ville de Tours (2), et enfin, en arrière-plan, les méandres de la Loire avec ses rives vallonnées où dominent les célèbres châteaux. Ainsi, dans l’œuvre de Bourdichon, les saints sont-ils faits proches de nous, comme l’un ou l’une d’entre nous, chacun et chacune dans son rôle et sa vocation propres, et ce avec un charme infini auquel, aujourd’hui encore, le tréfonds de notre âme demeure sensible.
Cette année, le 14 septembre, la fête de la Croix glorieuse prend un relief particulier, non seulement parce qu’elle est célébrée un dimanche (ce qui se produit tous les cinq ou six ans), mais encore parce qu’en cette année 2025, sa célébration éclaire d’une lumière parfaitement appropriée le fruit du Jubilé : l’Espérance. En effet, en ce dimanche, l’Église nous invite à célébrer la Croix, en tant qu’elle est notre unique Espérance, dans la gloire de son triomphe, comme le chante si bien l’hymne Vexilla Regis (3) :
[Ô Croix] Arbre magnifique et resplendissant,
empourpré du sang du Roi ;
fût sacré, digne de coudoyer
la Chair toute de sainteté.
Arbre bienheureux,
aux branches duquel a été suspendu le prix du monde :
tu as pesé la valeur de ce Corps,
pour racheter les otages de l’Enfer.
Dans la gloire de ton triomphe (4),
salut, ô Croix, notre unique Espérance !
Comble de grâce les fidèles,
aussi bien que des pécheurs tu remets les fautes.
Et Toi, source du Salut,
Trinité dont les chœurs angéliques chantent les louanges,
Toi qui par la Croix nous donnas la victoire :
ceins à jamais nos têtes de la couronne de gloire (5) !
Pierre-Marie Varennes
Sainte Hélène et l’invention de la sainte croix, enluminure tirée des Grandes Heures d’Anne de Bretagne, Latin 9474, fol. 207v, Jean Bourdichon (v. 1457-1521), Bibliothèque nationale de France, Paris. © BnF, Dist. RMN-GP / image BnF.
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1. C’est en 326 (ou 327) que l’expédition de recherche dirigée, en qualité d’Augusta, par sainte Hélène, mère de l’empereur Constantin le Grand, découvre la vraie Croix du Christ, sous l’esplanade et le temple de Vénus qui avaient été aménagés sur le lieu de la crucifixion par l’empereur Hadrien (76-138). À noter que la relique authentique du corps de sainte Hélène peut toujours être vénérée en la crypte de l’église Saint-Leu-Saint-Gilles, à Paris.
2. Vers 1505, à Tours, la construction de la tour nord de la cathédrale Saint-Gatien s’achève, celle de la tour sud ne sera menée à bien que 40 ans plus tard.
3. En 552, Radegonde, reine des Francs, épouse de Clotaire Ier, fils de Clovis, ne voulant plus partager la vie du roi meurtrier de son frère, fonde à Poitiers le monastère de Notre-Dame et s’y retire comme simple moniale. En 569, l’empereur de Constantinople, Justin II, lui envoie un morceau de la vraie Croix découverte par sainte Hélène. Pour la réception solennelle de cette relique insigne, Radegonde commande une hymne à Venance Fortunat, célèbre poète qui deviendra évêque de Poitiers : ce sera le Vexilla Regis. Aujourd’hui encore, on peut chanter cette hymne du dimanche des Rameaux au Vendredi saint, ainsi que le 14 septembre, aux vêpres de la fête de la Croix glorieuse. Radegonde et Venance Fortunat seront canonisés.
4. L’usage de ce vers est réservé à la fête de la Croix glorieuse. Au temps de la Passion, on chante : « Dans les temps de la Passion. »
5. Traduction de l’auteur. Il existe plusieurs versions de cette hymne qui a été remaniée au long des 1546 ans qui nous séparent de sa composition. Pour trouver la version liturgique usuelle en latin, avec la partition grégorienne et la traduction en français, cliquez-ici.
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