Une âme qui parle à notre âme

Le 1 octobre 2025

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Exactement contemporain de Claude Monet (1840-1926) et des impressionnistes, Ferdinand Roybet (1840-1920) fut, à cette époque, le plus grand maître de la peinture historique. Célèbre en France, il le fut plus encore aux États-Unis où ses œuvres s’arrachaient à prix d’or – ainsi en 1893, le milliardaire Cornelius Vanderbilt paie 100 000 francs (l’équivalent d’environ 290 000 euros actuels) ses Propos galants exposés au Salon de Paris. On peut les découvrir au MET à New York, au Musée d’Orsay à Paris, mais surtout au musée Roybet Fould, à Courbevoie, qui leur est dédié.

Après la mort de Thérèse (le 2 octobre 1897), sa sœur Pauline (1861-1951, en religion mère Agnès de Jésus), ayant été réélue à plusieurs reprises prieure du carmel de Lisieux, s’occupa activement de la béatification de sa petite sœur (en religion sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus de la Sainte-Face). Cette perspective devenant chaque jour plus assurée, elle entreprit de commander « au plus célèbre artiste de France », Ferdinand Roybet, un portrait de la « bienheureuse Thérèse » déclarée telle depuis 1923 après avoir reçu le titre de vénérable, en 1921. La baronne Gérard l’assista dans ce projet et s’offrit à en couvrir les dépenses. D’après Céline Martin (1869-1959, en religion sœur Geneviève de la Sainte-Face) qui fut elle aussi associée à l’entreprise, il en coûta « seulement » 10 000 francs en 1917 (environ 25 000 euros). Le cahier des charges était de s’inspirer le plus possible du tableau Thérèse aux anges, peint par Céline en 1913. Finalement l’œuvre fut achevée en 1917. De nos jours, elle est exposée dans la grande sacristie de la Basilique du sanctuaire.

Avant de se mettre à l’œuvre, le peintre a sans doute soumis plusieurs esquisses à ses commanditaires. L’œuvre qui orne la couverture de votre Magnificat est probablement l’une de ces esquisses. On peut supposer qu’elle ne fut pas retenue, puisque l’œuvre finale donne à voir une figure de Thérèse qui est une copie graphiquement améliorée de la Thérèse aux anges de Céline. Hélas, car si dans sa naïveté l’œuvre de Céline ne manque pas de charme, sa copie sans naïveté dans l’exécution perd tout intérêt, surtout placée dans un décor pompeux qui fait tout sauf évoquer « la petite voie ».

En revanche, comme vous pouvez le constater, la vision libre de l’artiste qui inspire son esquisse se révèle non seulement d’une plastique simple et belle, mais encore très touchante émotionnellement et spirituellement. Le visage, le regard, les mains jointes, les roses, tout est vie dans cette œuvre, tout nous donne à contempler l’âme de la « petite Fleur » telle qu’elle parle à notre âme dans ses manuscrits. Pour se faire le miroir d’une si belle âme, l’artiste a réussi à s’élever à un haut niveau artistique, et à le faire tout en respectant substantiellement le cahier des charges qui était d’exprimer la vision naïve et fervente que seule une sœur, selon la chair et selon l’esprit, pouvait avoir de sa petite sœur chérie (1).

« Je veux faire aimer l’amour »

Quelque mois avant sa mort, Thérèse nous fait partager sa méditation sur le commandement nouveau de Jésus, « son commandement à lui », insiste-t-elle :

« Ce n’est plus d’aimer son prochain comme soi-même que Jésus parle, mais de l’aimer comme Lui, Jésus, l’a aimé, comme il l’aimera jusqu’à la consommation des siècles. Ah ! Seigneur… C’est parce que vous vouliez m’accorder cette grâce que vous avez fait un commandement nouveau… Oh ! que je l’aime puisqu’il me donne l’assurance que votre volonté est d’aimer en moi ceux que vous me commandez d’aimer ! »

C’est une merveilleuse bonne nouvelle que nous annonce Thérèse ! et nous devrions nous la répéter chaque jour à la prière du matin, comme programme de notre journée. Par le commandement de l’Amour, Jésus ne nous confie rien moins que l’accomplissement dans les siècles de son œuvre, jusqu’à ce qu’il revienne, afin que, nous en lui et lui en nous, nos vies soient une eucharistie vivante à la gloire du Père.

La petite voie de Thérèse est le chemin le plus sûr pour nous conduire à faire que l’Amour de Dieu atteigne en nos vies sa perfection. « Aimer, c’est tout donner et se donner soi-même », nous dit-elle. On ne peut mieux dire ce qu’il faut faire pour mettre en pratique le « comme je vous ai aimés » du « commandement nouveau ».

Pierre-Marie Varennes

1. Découvrez aussi les œuvres de Céline sur le site du carmel de Lisieux : https://archives.carmeldelisieux.fr/naissance-dune-sainte/iconographie-theresienne/tableaux-2/

 

Sainte Thérèse de Lisieux, Ferdinand Roybet (attribué à, 1840-1920), collection particulière. © Photo Clément Guillaume.


Thérèse aux anges – Céline

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