dimanche 23 février
7e dimanche du temps ordinaire
Saint Martin,
Hans Baldung (v. 1484-1545),
MET, NYC.
Aimez vos ennemis !
Patrick Laudet
Aimer nos ennemis ? À l’heure où les réseaux sociaux sont une nouvelle arme de destruction massive et où, dans ce monde, tout se joue camp contre camp, l’ennemi est à abattre plutôt qu’à aimer. Qu’est-ce donc qu’aimer ceux qui nous blessent, qui nous font du mal ? Sans doute pas de se forcer pour eux à une affection obligée, plaquée, mécanique, artificielle. Un truc de catho en somme, trop rapide et un peu suspect. Nos ennemis sont nos ennemis, les changerons-nous ? Le mal qu’ils nous ont fait est parfois impardonnable ! Qu’est-ce à dire alors ? Essayer quand même de ne jamais perdre le sentiment d’une inaltérable fraternité avec eux. Fraternité impossible, abîmée, blessée sans doute, mais mystérieuse fraternité humaine. Si, pour nous, ils peuvent rester des frères en humanité, c’est alors à notre Père commun qu’il faut tout remettre. C’est dans son regard sur eux qu’il faut venir loger le nôtre. Juste pour les espérer. « En chaque être, une parcelle de toi, mon Dieu », disait Etty Hillesum. Les aimer ? C’est parfois penser au petit garçon ou à la petite fille qu’ils ont été un jour. Et croire qu’en eux, ce petit-là n’a pas encore dit son dernier mot.
Et présenter l’autre joue ?
« Présenter l’autre joue », un précepte qui a fait couler beaucoup d’encre. Utopie idéaliste ? Humilité exacerbée ? Aveu de faiblesse ? Le christianisme se ferait-il l’apôtre d’une non-violence excessive, d’une passivité complaisante devant le mal ? Dans l’expression devenue proverbiale, on s’attache trop à la deuxième joue, qui focalise l’attention et crée l’image d’un second coup : comme s’il s’agissait en vérité de bander stoïquement la volonté et de se préparer à prendre aussitôt une claque supplémentaire. Dans « l’autre joue », c’est moins le mot « joue » qui compte que le mot « autre ». Dans tous les cas, il s’agit moins d’endurer héroïquement une seconde agression que de changer résolument de côté. De trouver à inverser l’escalade de la brutalité, de passer sur un autre versant des choses, de changer de rive. Aucune passivité donc, mais une riposte subtile, fondée sur le pari d’un déplacement de la violence. « L’autre joue » qu’il s’agit, comme une offrande, de « présenter » ou de « tendre » (deux verbes magnifiques dans Luc ou Matthieu), c’est au fond celle du Christ lui-même, qui vient l’incarner en chaque visage. En nous, c’est lui qui tend à l’agresseur cette part mystérieuse du visage, de l’autre visage, capable alors de sortir de toute mesure, même légitime, comme le voulait encore la loi du talion (œil pour œil). Passer d’une jauge humaine à la jauge divine : grâce, en vérité, que lui seul donne. « Il a été dit […]. Eh bien ! moi, je vous dis » (Mt 5, 21…48). Faisons-lui confiance pour nous aider à la trouver ! n
Retrouvez après les lectures de la messe notre suggestion de prière universelle. Ces intentions sont à adapter en fonction de l’actualité et de l’assemblée qui célèbre.
Bonne fête ! Polycarpe, Sérène, Séréna, Willigis
Retrouvez un programme inédit de chants pour la messe dominicale sur www.magnificat.fr/celebrer