Cette icône, dite du Christ en gloire, est conservée à Odessa, en Ukraine. Elle a été peinte au xvie siècle, reprenant fidèlement le vénérable langage iconographique tel que, un siècle plus tôt, il avait été porté à son sommet artistique par saint André l’iconographe (Andrei Roublev, † 1438). Le Christ apparaît au centre de trois univers figurés par un losange et un rectangle pourpres (la couleur de la splendeur divine), sertis d’une ellipse bleue (couleur des cieux, demeure de Dieu). Le losange et l’ellipse sont littéralement habités par des myriades de séraphins et de chérubins. Aux angles du rectangle sont représentés les évangélistes dont les témoignages inspirés ne cessent de susciter la foi de ceux qui croient sans avoir vu (Jn 20, 29). Ces quatre Vivants (Ap 4, 6) sont représentés allégoriquement par des figures qui forment ensemble ce qu’il est convenu d’appeler le tétramorphe (« quatre formes »). Matthieu prend la forme d’un homme, Marc celle d’un lion, Luc celle d’un taureau et Jean celle d’un aigle.
Le Christ est représenté assis sur son trône de gloire, il tient de la main gauche le livre récapitulant toute Révélation. Ouvert, il proclame ce texte : Moi, je suis l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin (Ap 22, 13). Le geste de son bras droit est celui du maître qui enseigne toute vérité. Il sera aussi le geste du Juge souverain qui reviendra à la fin des temps pour séparer les bénis des maudits, avec comme seul critère le commandement nouveau donné par son Évangile (cf. Mt 25). Ses pieds reposent sur un parallélépipède, selon le premier verset du psaume 109 : Oracle du Seigneur à mon seigneur : « Siège à ma droite, et je ferai de tes ennemis le marchepied de ton trône. » Cette figure donne la signification profonde de cette icône, en référence à la promesse révélée par saint Paul :
Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père, après avoir anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance. Car c’est lui qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort, car il a tout mis sous ses pieds. Et, quand tout sera mis sous le pouvoir du Fils, lui-même se mettra alors sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous (1 Co 15, 24-26, 28).
Au principe de l’accomplissement de toute chose, le Christ a acquis sa royauté glorieuse au prix de sa mort : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît [sa Passion] pour entrer dans sa gloire ? » (Lc 24, 26) Le titre de cette icône se rapporte d’abord à la victoire, par la croix, du Christ sur Satan, partant sur la mort. En ce sens, l’inspiration de cette icône repose essentiellement sur les versets 7 à 10 du psaume 23 (1) :
Portes, levez vos frontons, élevez-vous, portes éternelles :
qu’il entre, le roi de gloire !
Qui est ce roi de gloire ?
C’est le Seigneur, le fort, le vaillant, le Seigneur, le vaillant des combats.
Portes, levez vos frontons, levez-les, portes éternelles :
qu’il entre, le roi de gloire !
Qui donc est ce roi de gloire ?
C’est le Seigneur, Dieu de l’univers ; c’est lui, le roi de gloire.
Ce psaume était entonné au moment où la procession allait entrer dans le Temple. Un chœur chantait le Roi de gloire qui venait habiter son Temple, l’autre chœur demandait qui est ce personnage et s’entendait aussitôt répondre : « C’est Yahvé Sabaoth ! » Dans l’Évangile de Nicodème (apocryphe), ce psaume est chanté par les armées célestes quand le Christ brise les portes de l’Enfer et y fait une entrée triomphale, anéantissant le pouvoir de Satan et de Hadès, et délivrant les justes pour les conduire au Paradis. Et Hadès de dire à Satan : « Vois, il ne me reste plus de morts, et tous ceux que tu avais gagnés par l’arbre de la connaissance [du bien et du mal], le Christ te les a repris par l’arbre de la Croix… En gagnant la mort du Roi de gloire, tu t’es tué toi-même. »
Réjouissons-nous alors, et rendons grâce en contemplant cette icône : c’est la destruction des Puissances du mal et de la mort qui vaut au Roi premier-né d’entre les morts d’être glorieux d’une victoire sans prix, pour le bien inamissible de l’humanité.
(1) Nous suivons ici l’analyse de Piotr Skubiszewski in Civilisation Médiévale, année 1996/2 p. 229-258.
Pierre-Marie Varennes
Christ en majesté, école russe, XVIe s., Odessa (Ukraine), musée des Beaux-Arts. © Odessa Art Museum / Bridgeman Images.
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Ainsi, Dieu sera tout en tous
Le 1 novembre 2022
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Cette icône, dite du Christ en gloire, est conservée à Odessa, en Ukraine. Elle a été peinte au xvie siècle, reprenant fidèlement le vénérable langage iconographique tel que, un siècle plus tôt, il avait été porté à son sommet artistique par saint André l’iconographe (Andrei Roublev, † 1438). Le Christ apparaît au centre de trois univers figurés par un losange et un rectangle pourpres (la couleur de la splendeur divine), sertis d’une ellipse bleue (couleur des cieux, demeure de Dieu). Le losange et l’ellipse sont littéralement habités par des myriades de séraphins et de chérubins. Aux angles du rectangle sont représentés les évangélistes dont les témoignages inspirés ne cessent de susciter la foi de ceux qui croient sans avoir vu (Jn 20, 29). Ces quatre Vivants (Ap 4, 6) sont représentés allégoriquement par des figures qui forment ensemble ce qu’il est convenu d’appeler le tétramorphe (« quatre formes »). Matthieu prend la forme d’un homme, Marc celle d’un lion, Luc celle d’un taureau et Jean celle d’un aigle.
Le Christ est représenté assis sur son trône de gloire, il tient de la main gauche le livre récapitulant toute Révélation. Ouvert, il proclame ce texte : Moi, je suis l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin (Ap 22, 13). Le geste de son bras droit est celui du maître qui enseigne toute vérité. Il sera aussi le geste du Juge souverain qui reviendra à la fin des temps pour séparer les bénis des maudits, avec comme seul critère le commandement nouveau donné par son Évangile (cf. Mt 25). Ses pieds reposent sur un parallélépipède, selon le premier verset du psaume 109 : Oracle du Seigneur à mon seigneur : « Siège à ma droite, et je ferai de tes ennemis le marchepied de ton trône. » Cette figure donne la signification profonde de cette icône, en référence à la promesse révélée par saint Paul :
Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père, après avoir anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance. Car c’est lui qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort, car il a tout mis sous ses pieds. Et, quand tout sera mis sous le pouvoir du Fils, lui-même se mettra alors sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous (1 Co 15, 24-26, 28).
Au principe de l’accomplissement de toute chose, le Christ a acquis sa royauté glorieuse au prix de sa mort : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît [sa Passion] pour entrer dans sa gloire ? » (Lc 24, 26) Le titre de cette icône se rapporte d’abord à la victoire, par la croix, du Christ sur Satan, partant sur la mort. En ce sens, l’inspiration de cette icône repose essentiellement sur les versets 7 à 10 du psaume 23 (1) :
Portes, levez vos frontons, élevez-vous, portes éternelles :
qu’il entre, le roi de gloire !
Qui est ce roi de gloire ?
C’est le Seigneur, le fort, le vaillant, le Seigneur, le vaillant des combats.
Portes, levez vos frontons, levez-les, portes éternelles :
qu’il entre, le roi de gloire !
Qui donc est ce roi de gloire ?
C’est le Seigneur, Dieu de l’univers ; c’est lui, le roi de gloire.
Ce psaume était entonné au moment où la procession allait entrer dans le Temple. Un chœur chantait le Roi de gloire qui venait habiter son Temple, l’autre chœur demandait qui est ce personnage et s’entendait aussitôt répondre : « C’est Yahvé Sabaoth ! » Dans l’Évangile de Nicodème (apocryphe), ce psaume est chanté par les armées célestes quand le Christ brise les portes de l’Enfer et y fait une entrée triomphale, anéantissant le pouvoir de Satan et de Hadès, et délivrant les justes pour les conduire au Paradis. Et Hadès de dire à Satan : « Vois, il ne me reste plus de morts, et tous ceux que tu avais gagnés par l’arbre de la connaissance [du bien et du mal], le Christ te les a repris par l’arbre de la Croix… En gagnant la mort du Roi de gloire, tu t’es tué toi-même. »
Réjouissons-nous alors, et rendons grâce en contemplant cette icône : c’est la destruction des Puissances du mal et de la mort qui vaut au Roi premier-né d’entre les morts d’être glorieux d’une victoire sans prix, pour le bien inamissible de l’humanité.
(1) Nous suivons ici l’analyse de Piotr Skubiszewski in Civilisation Médiévale, année 1996/2 p. 229-258.
Pierre-Marie Varennes
Christ en majesté, école russe, XVIe s., Odessa (Ukraine), musée des Beaux-Arts. © Odessa Art Museum / Bridgeman Images.
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