Alban de Châteauvieux
Fêté le 2 octobre
Noël 1856. Le vicaire de Saint-André de La Guillotière, un faubourg ouvrier de Lyon, médite devant la crèche. Le père Antoine Chevrier lit l’Évangile de Jean : Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous (Jn 1, 14). Bouleversé, il réalise combien Dieu, en Jésus, a choisi la pauvreté pour venir jusqu’à nous. « C’est en méditant la nuit de Noël sur la pauvreté de notre Seigneur et son abaissement parmi les hommes que j’ai résolu de tout quitter et de vivre le plus pauvrement possible », écrira-t-il plus tard. La pauvreté de la crèche et celle des rues de « La Guille » se confondent. Dieu vient là aussi, jusque dans les bas-fonds de ce quartier mal famé, jusque dans les trous des miséreux.
Le jeune prêtre a des origines modestes : son père était employé à l’octroi municipal, sa mère, ouvrière. Après cette nuit de Noël, Antoine veut changer de vie. Se faire encore plus pauvre, un pauvre prêtre parmi les pauvres.
Il rencontre le curé d’Ars et se lie avec Camille Rambaud, un laïc lyonnais qui a quitté son milieu bourgeois pour catéchiser les petits miséreux et abandonnés. Antoine le rejoint à la Cité de l’Enfant-Jésus, à la Part-Dieu. Les deux hommes y vivent une expérience de dépouillement extrême. « Je n’ai pas assez de temps pour parler de Jésus », se lamente-t-il. Il veut préparer ces enfants des rues à la première communion et en profiter pour les alphabétiser et leur donner une base d’instruction.
Une école pour enfants pauvres
Une salle de bal, le Prado, est à vendre. C’était un lieu de débauche, il en fera un lieu d’édification humaine et spirituelle. Il y accueille garçons et filles de 12 ans à 20 ans, ceux qui travaillent déjà à la « fabrique » comme les jeunes qui sortent de prison. Les adolescents peuvent y séjourner gratuitement cinq ou six mois, en pension complète. Dans la salle de bal reconvertie en chapelle, il affiche sa devise : « Aimez-vous comme je vous ai aimés. » La Providence du Prado est née. Ils sont de plus en plus d’adolescents à vouloir y étudier. Antoine Chevrier acquiert une propriété à la campagne, au nord de Lyon, pour les accueillir.
Le rosaire, son ancrage spirituel
Le Christ et la Vierge Marie occupent une place majeure dans sa vie spirituelle. Il s’appuie sur le rosaire pour inviter les gens à contempler la vie de Jésus. Car le Christ est au centre de tout. Inutile d’utiliser un ton moralisateur avec des personnes qui ploient sous le poids de la fatigue. Il risquerait de les désespérer encore plus.
Son ambition va plus loin. Il souhaite former des prêtres pour les pauvres, prêts à devenir pauvres eux-mêmes, et des religieuses vouées à la pauvreté évangélique, les sœurs du Prado. En 1866, il ouvre une petite école pour les fils d’ouvriers qui auraient le désir d’être prêtres. Soucieux de la formation de « ses » prêtres, il rédige pour eux un manuel, Le Véritable Disciple, qui reste inachevé.
Car sa santé se dégrade. Un ulcère à l’estomac l’emporte le 2 octobre 1879. Selon son vœu, il meurt au Prado, parmi les pauvres du quartier de La Guillotière où il commença son ministère.
Le Prado accompagne toujours des enfants, des jeunes et des adultes en difficulté. Il emploie 550 personnes dans les champs de la protection de l’enfance et de la réinsertion sociale et professionnelle. n
À l’écoute d’Antoine Chevrier
Le rosaire, le chemin de la croix et la sainte Messe : sachez bien ces trois choses et vous saurez tout. La crèche, le calvaire et le tabernacle, voilà nos trois stations, où je veux vous laisser toujours. Que les mystères de Notre Seigneur vous soient si familiers que vous puissiez en parler comme d’une chose qui vous est propre. En lisant, prenez pour fondement de vos oraisons l’histoire du mystère, et étudiez chaque mot, chaque action, chaque vertu, et tâchez de les faire passer dans votre esprit, dans votre cœur et aussi dans votre conduite. Notez les choses qui vous frappent le plus, vous vous les rappellerez mieux, et plus tard cela vous servira.
Lettre 43 à l’abbé Jaricot (20 mars 1868),
dans Lettres du vénérable Antoine Chevrier,
Librairie catholique Emmanuel Vitte, Lyon-Paris, 1927