Alban de Châteauvieux
Fêté le 10 juin
Telle la lampe du tabernacle qui inlassablement se consume, ainsi fut la vie du bienheureux Édouard Poppe, prêtre belge, mort à 33 ans en 1924. Issu d’une famille pieuse et modeste, il fut animé dès son plus jeune âge d’un immense désir de devenir prêtre, inséparable d’une conception très exigeante de cette vocation : il voulait devenir saint pour faire des saints.
Un prêtre pauvre pour les pauvres
Ordonné prêtre en pleine Première Guerre mondiale, en 1916, son ministère se tourna résolument vers les « périphéries » de sa paroisse Sainte-Colette de Gand : les ouvriers perméables au socialisme athée, les plus miséreux, les enfants qu’il voulait, selon les désirs du pape saint Pie X, conduire à l’eucharistie. Il créa d’ailleurs pour eux la Ligue de la communion fréquente, « association d’enfants qui aiment Jésus et veulent se sanctifier en se soutenant mutuellement et en donnant partout le bon exemple ». Pour rejoindre ces périphéries, il dut apprendre à vaincre sa timidité héritée de l’enfance et trouver de l’assurance dans ses paroles comme dans ses écrits. Surtout, il s’engagea sur la voie d’une ascèse radicale, marquée par l’idéal franciscain – il était membre du tiers ordre – qui reflétait non pas tant un désir d’héroïsme que celui d’imiter Jésus et de se rapprocher des plus pauvres : il inspectait chaque mois scrupuleusement sa chambre pour en expulser le superflu ! Chérissant également l’humilité, il refusa un jour de couper une branche d’un poirier de son jardin pour avoir à se courber quand il passait dessous et se rappeler ainsi sa petitesse. Un voyage à Lisieux, en 1920, lui fit découvrir sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, dont il adopta aussitôt la petite voie pour en faire son « chemin intérieur ». Dès lors, l’austérité de sa vie fut teintée de l’onction de douceur propre à Thérèse.
« Je me nourris en nourrissant les autres »
Très vite, dès 1918, l’épuisement atteignit ce prêtre qui se faisait « tout à tous » et les ennuis de santé, notamment des crises cardiaques, se multiplièrent. Il prit alors de plus en plus conscience que l’apostolat n’est rien séparé de la prière : « Sans oraison, je me sens vide. » D’une docilité sans faille vis-à-vis de sa hiérarchie, il accepta de bon cœur les changements d’affectation que lui imposèrent ses supérieurs, notamment le cardinal Mercier, pour ménager sa santé : aumônier de religieuses, puis des séminaristes en service militaire. À la fin de sa courte vie, son apostolat s’élargit en direction de ses confrères prêtres qu’il voulait édifier, soutenir, consoler, en leur rappelant la centralité de la messe dans leur vie. De fait, la spiritualité d’Édouard Poppe est tout entière une spiritualité sacerdotale centrée sur le sacrifice que le prêtre-victime doit faire de lui-même à Dieu par les mains de Marie. En s’offrant ainsi, « en se conformant au Christ Pasteur », comme le dit saint Jean-Paul II qui le béatifia en 1999, Édouard Poppe avait trouvé la joie et la paix dont témoignent tous ceux qui l’ont rencontré et qui rayonnent sur les photographies que nous avons conservées de lui. n
À l’écoute d’Édouard Poppe
Beaucoup sans doute songent : « Je voudrais bien devenir un saint… » mais peu disent : « Je vais le devenir. » Et cependant, c’est cette parole décidée : « Je vais… » que Jésus attend de nous, pour nous prendre par la main et nous aider à monter le chemin escarpé. Beaucoup n’osent pas prononcer le mot décisif parce qu’au fond ils comptent uniquement sur eux-mêmes et que, aveuglés par la crainte de la souffrance et conscients de leur faiblesse, ils perdent de vue la force de la grâce et le doux et mystérieux réconfort que donne Jésus.
(Guillaume Vanier, diplômé en Théologie, est libraire à La Procure.