© Alban de Châteauvieux
u Fêté le 18 mars u
En ce Carême de l’année 350, ou aux alentours, Jérusalem est en pleine effervescence. Des chrétiens de partout convergent vers la basilique du Saint-Sépulcre que l’empereur Constantin a inaugurée une quinzaine d’années plus tôt. Les fidèles sont d’autant plus nombreux ce jour-là que le tout nouvel évêque de l’Église Mère, l’ancien moine Cyrille, doit prêcher. Il doit livrer sa première catéchèse destinée aux hommes et aux femmes qui recevront le baptême à Pâques.
Vis pour la justice
Sa parole, toute pétrie des Écritures qu’il rumine depuis son enfance jérusalémite, se fait bientôt entendre près du calvaire et du tombeau : « Tu es tombé dans les filets de l’Église. Laisse-toi donc prendre vivant ; ne t’enfuis pas, car c’est Jésus qui te prend à son hameçon, non pour te donner la mort mais la résurrection après la mort. Tu dois en effet mourir et ressusciter. Meurs au péché, et vis pour la justice dès aujourd’hui. » C’est un véritable programme de renaissance que l’évêque propose aux candidats au baptême ! Et tout l’enjeu du cycle des vingt-quatre catéchèses baptismales et mystagogiques qu’il ouvre en ce jour est d’initier les catéchumènes, puis les néophytes, à cette nouvelle vie en Christ, de les encourager à transposer le mystère pascal dans leur propre existence, de les prévenir du danger également : « Le long de la route, le dragon guette les passants : attention à sa morsure, l’incrédulité. »
Depositum fidei
Comme saint Paul, dont il cite abondamment les Épîtres, l’évêque sait que la foi naît de ce que l’on entend ; et ce que l’on entend, c’est la parole du Christ (Rm 10, 17). Il a bien à l’esprit cet avertissement de l’Apôtre : Vous serez sauvés si vous […] gardez [l’Évangile] tel que je vous l’ai annoncé ; autrement, c’est pour rien que vous êtes devenus croyants (1 Co 15, 2). Aussi, le pasteur Cyrille désire-t-il transmettre à ses brebis le depositum fidei dans son intégrité, sans rien y retrancher ni ajouter. D’où, sans doute, son insistance sur les articles du Credo qu’il explicitera au fil de ses homélies, avec simplicité et profondeur, dans un langage riche d’images à l’exemple de son Maître. La fidélité à la vérité de la parole du Christ, il ne se contente pas de la prêcher, il l’incarne avec courage et persévérance. En effet, alors que la crise arienne, attisée par des rivalités politiques, jette l’Église d’Orient dans la tourmente, le futur Père et docteur de l’Église tient ferme dans sa foi en la divinité du Christ, « vrai Dieu, Dieu de Dieu », comme il le confesse dans une de ses catéchèses. Son combat contre l’arianisme – hérésie pourtant condamnée au concile de Nicée de 325 – lui vaut même d’être chassé de son siège épiscopal et exilé à trois reprises en l’espace de vingt ans. L’orthodoxie de sa foi est finalement reconnue et saluée après le concile de Constantinople de 381 auquel il a participé, et il peut enfin se consacrer entièrement à la pacification et à l’unification de l’Église de Jérusalem. Il s’y attellera jusqu’à sa mort, en 386, avec cette conviction : « L’erreur a des formes multiples mais la vérité n’a qu’un seul visage. » n
À l’écoute de Cyrille de Jérusalem
Ne t’arrête pas aux lèvres de l’homme qui parle, mais à Dieu qui agit. Garde ton âme imprenable, pour qu’ayant persévéré dans l’espérance, tu sois héritier du salut éternel. Humbles hommes, voilà ce que nous annonçons et enseignons. Faites en sorte que notre édifice soit autre chose que foin, paille et chaume, de crainte que notre œuvre ne brûle et que nous soyons punis ; mais faites de l’œuvre un édifice d’or, d’argent et de pierres précieuses. Mon rôle est en effet de parler, le tien d’acquiescer, celui de Dieu de mener à bonne fin. Affermissons nos intelligences, tendons nos âmes, préparons nos cœurs. Nous jouons notre âme, notre espérance a pour objet des biens éternels.
Catéchèse baptismale préliminaire
(Journaliste, Marie de Chamvres collabore régulièrement à Magnificat.
