La folie des repas

Le 31 août 2025

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dimanche 31 août

22e dimanche du temps ordinaire

La parabole du grand banquet,
gravure, xixe s.

La folie des repas

Père Philippe Lefebvre, o.p.

Dans l’Évangile de la semaine dernière, nous entendions le Christ proposer une parabole étonnante. Un maître de maison refuse l’entrée de son logis à ceux qui seraient, à l’évidence, ses amis et ses partisans. Par contre, il invite pour un banquet grandiose les patriarches de la Genèse, les prophètes, mais aussi toute une population interlope, sortie on ne sait d’où (cf. Lc 13, 25-30). Le royaume de Dieu – car c’est bien de cette mystérieuse réalité qu’il est question – apparaît donc comme un monde paradoxal qui déjoue tous les pronostics sur ceux qui sont habilités à y entrer.

Une parabole semble souvent, à première vue, relever d’une sorte d’imaginaire religieux : elle donne à penser, certes, mais il n’est pas possible pourtant, dit-on, de l’appliquer telle quelle dans les faits. Or, dans l’Évangile de ce jour, la réalité semble rattraper la fiction du conte ; à moins que ce ne soit le conte, la parabole, qui nous emmène vers la réalité avec des yeux nouveaux. Que se passe-t-il aujourd’hui ? Jésus participe bel et bien à un banquet, ayant été invité par le gratin religieux d’une ville d’Israël. Au lieu de se taire poliment et d’accepter les usages comme ils sont, il intervient de manière intempestive, lui qui n’est qu’un hôte : les invités, lance-t-il, devraient renoncer à se placer près du maître de maison et ce dernier, plutôt que de convier à son repas les amis qui appartiennent à son milieu, devrait faire entrer chez lui tous les va-nu-pieds des environs. Il y a là de quoi refroidir une ambiance. Dans un banquet réel, fait selon les usages, Jésus importe la « folie » d’une parabole qu’il voudrait voir à l’instant mise en œuvre…

La folie du dernier repas

Est-ce là une simple manière de dire pour bousculer les convives ? Il semble plutôt que Jésus réveille nos mémoires bibliques. Les repas dans l’Ancien Testament sont nombreux et, bien souvent, ils dépassent les bornes. Abraham reçoit trois mystérieux visiteurs et prépare avec Sara un menu somptueux ; un de ces visiteurs s’avère être le Seigneur lui-même accompagné de deux anges (cf. Gn 18). Plus tard, les fils de Jacob pique-niquent dans la campagne après avoir jeté leur frère Joseph dans une citerne sèche ; ils l’en retireront pour le vendre comme esclave et le feront passer pour mort. Et l’on pourrait continuer ce parcours : lors des repas, les humains apparaissent dans une sorte de vérité fondamentale et Dieu apparaît lui aussi, mystérieusement présent. Vers la fin des Évangiles, un dîner célèbre est présenté : le dernier repas de Jésus avec les siens où il donnera sa chair à manger, son sang à boire pour que les siens aient la vie. Si Jésus a volontiers bousculé l’ordre des choses lors des banquets, il déclenche, lors de son souper pascal, le plus énorme bouleversement qui se soit jamais produit lors d’un repas ! n

Découvrez après les lectures de la messe notre suggestion de prière universelle. Ces intentions sont à adapter en fonction de l’actualité et de l’assemblée qui célèbre.

Bonne fête ! Aristide, Nicodème

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Le Christ à la mer de Galilée, Circle of Jacopo Tintoretto (Probably Lambert Sustris), Anonymous Artist - Venetian, 1518 or 1519 - 1594. © National Gallery of Art, New-York