Mes sœurs les hirondelles…
Cette miniature est tirée d’un précieux manuscrit, daté de 1478, qui reprend et illustre La vie et les Miracles de saint François, œuvre écrite par saint Bonaventure († 1274) alors ministre général de l’ordre franciscain. C’est en 1260 que le chapitre général des frères mineurs de Narbonne lui demande d’écrire une hagiographie de celui qui fut surnommé « l’alter Christus ». Soucieux de rétablir l’esprit franciscain originel, Bonaventure fait une enquête fouillée et revient sur les lieux pour recueillir tous les témoignages de ceux qui ont connu François, mort une trentaine d’années auparavant.
Voici donc l’épisode célèbre de saint François prêchant aux oiseaux et les bénissant. Nous sommes au printemps, selon certaines sources, sur les flancs du mont Subiasio qui surplombe Assise, à l’endroit où sera implanté l’ermitage delle Carceri, selon d’autres, non loin de la ville de Pérouse à une vingtaine de kilomètres d’Assise. Alors que la végétation exprime sa joie du renouveau par une profusion de fleurs, le saint enseigne les oiseaux. L’un d’eux semble descendu du ciel et authentifie la scène comme une manifestation de l’Esprit Saint. Derrière François se tient frère Massée, l’un de ses tout premiers disciples. L’artiste qui a réalisé cette miniature est une sœur clarisse d’un couvent de Fribourg, Sibilla von Bondorf. Son œuvre exprime une candeur d’âme quasi enfantine qui traduit bien la vision délicieusement naïve qui marque la spiritualité franciscaine. Les personnages y arborent la mine réjouie de bienheureux, comme s’ils étaient redescendus du ciel pour rejouer cette scène, paradisiaque à bien des égards. La dimension franciscaine d’une nature réconciliée et toute d’harmonie a été admirablement rendue dans le tableau 6 du prodigieux opéra du compositeur français Olivier Messiaen († 1992), Saint François d’Assise.
En réalité, le charisme de saint François n’est pas si extraordinaire qu’on le répute. Toute âme simple et aimante peut l’expérimenter. Et si vous me permettez une confidence, je peux témoigner que ma bien-aimée dialogue couramment avec les passereaux et que sa conversation est très recherchée par ses sœurs les hirondelles.
Mais laissons saint Bonaventure nous raconter dans quelles circonstances ce merveilleux épisode advint :
« Non loin de Bevagna, François trouva un lieu où s’étaient réunis en grand nombre des oiseaux de toutes sortes. L’homme de Dieu courut à eux avec joie et les salua comme s’ils eussent été doués de raison. Arrivé à eux, il les avertit d’écouter la parole de Dieu avec attention, et leur dit : “Mes frères les oiseaux, vous devez louer beaucoup votre Créateur, qui vous a accordé des plumes pour vous couvrir, des ailes pour voler, la région la plus pure de l’air pour demeure, et qui vous nourrit sans aucune sollicitude de votre part.” Pendant qu’il leur parlait ainsi, les oiseaux témoignant leur joie d’une façon admirable, commencèrent à tendre le cou, à agiter leurs ailes et à ouvrir le bec en regardant le serviteur de Dieu. Et lui, tout plein d’une ferveur merveilleuse, passant au milieu d’eux, les effleurait du bord de sa robe. Mais aucun n’en fut effrayé. Enfin, leur ayant donné sa bénédiction par un signe de croix et la permission de s’en aller, tous s’envolèrent. Ses compagnons considéraient toutes ces choses du chemin où ils l’attendaient. Lorsqu’il fut revenu à eux, cet homme simple et vraiment pur s’accusa de négligence pour n’avoir pas encore, jusqu’à ce jour, prêché aux oiseaux.
Ensuite il passa par les villages voisins, annonçant la parole de Dieu, et arriva à un bourg appelé Alviano, où il assembla le peuple. Après avoir invité la foule au silence, il commença ; mais des hirondelles qui avaient leurs nids tout proches faisaient un tel bruit qu’à peine pouvait-on entendre ses paroles. L’homme de Dieu s’adressa donc à elles en présence de tout le monde, et leur dit : “Mes sœurs les hirondelles, vous avez parlé jusqu’à ce moment ; c’est à mon tour maintenant. Écoutez la parole de Dieu, et demeurez en silence jusqu’à ce que j’aie fini mon discours.” Aussitôt elles se turent comme si elles eussent compris, et ne s’éloignèrent pas que la prédication fût terminée. »
Bienheureux les pauvres de cœur (Mt 5, 3) : notre Père céleste leur a donné les petits oiseaux du ciel pour confidents.
Pierre-Marie Varennes
Saint François prêchant aux oiseaux, enluminure tirée de Vie et miracles de saint François d’Assise par saint Bonaventure (av. 1478), ms. 15710, fol. 107, The British Library, Londres, Angleterre. © British Library Board. All Rights Reserved / Bridgeman Images.
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Mes sœurs les hirondelles…
Le 1 octobre 2022
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Cette miniature est tirée d’un précieux manuscrit, daté de 1478, qui reprend et illustre La vie et les Miracles de saint François, œuvre écrite par saint Bonaventure († 1274) alors ministre général de l’ordre franciscain. C’est en 1260 que le chapitre général des frères mineurs de Narbonne lui demande d’écrire une hagiographie de celui qui fut surnommé « l’alter Christus ». Soucieux de rétablir l’esprit franciscain originel, Bonaventure fait une enquête fouillée et revient sur les lieux pour recueillir tous les témoignages de ceux qui ont connu François, mort une trentaine d’années auparavant.
Voici donc l’épisode célèbre de saint François prêchant aux oiseaux et les bénissant. Nous sommes au printemps, selon certaines sources, sur les flancs du mont Subiasio qui surplombe Assise, à l’endroit où sera implanté l’ermitage delle Carceri, selon d’autres, non loin de la ville de Pérouse à une vingtaine de kilomètres d’Assise. Alors que la végétation exprime sa joie du renouveau par une profusion de fleurs, le saint enseigne les oiseaux. L’un d’eux semble descendu du ciel et authentifie la scène comme une manifestation de l’Esprit Saint. Derrière François se tient frère Massée, l’un de ses tout premiers disciples. L’artiste qui a réalisé cette miniature est une sœur clarisse d’un couvent de Fribourg, Sibilla von Bondorf. Son œuvre exprime une candeur d’âme quasi enfantine qui traduit bien la vision délicieusement naïve qui marque la spiritualité franciscaine. Les personnages y arborent la mine réjouie de bienheureux, comme s’ils étaient redescendus du ciel pour rejouer cette scène, paradisiaque à bien des égards. La dimension franciscaine d’une nature réconciliée et toute d’harmonie a été admirablement rendue dans le tableau 6 du prodigieux opéra du compositeur français Olivier Messiaen († 1992), Saint François d’Assise.
En réalité, le charisme de saint François n’est pas si extraordinaire qu’on le répute. Toute âme simple et aimante peut l’expérimenter. Et si vous me permettez une confidence, je peux témoigner que ma bien-aimée dialogue couramment avec les passereaux et que sa conversation est très recherchée par ses sœurs les hirondelles.
Mais laissons saint Bonaventure nous raconter dans quelles circonstances ce merveilleux épisode advint :
« Non loin de Bevagna, François trouva un lieu où s’étaient réunis en grand nombre des oiseaux de toutes sortes. L’homme de Dieu courut à eux avec joie et les salua comme s’ils eussent été doués de raison. Arrivé à eux, il les avertit d’écouter la parole de Dieu avec attention, et leur dit : “Mes frères les oiseaux, vous devez louer beaucoup votre Créateur, qui vous a accordé des plumes pour vous couvrir, des ailes pour voler, la région la plus pure de l’air pour demeure, et qui vous nourrit sans aucune sollicitude de votre part.” Pendant qu’il leur parlait ainsi, les oiseaux témoignant leur joie d’une façon admirable, commencèrent à tendre le cou, à agiter leurs ailes et à ouvrir le bec en regardant le serviteur de Dieu. Et lui, tout plein d’une ferveur merveilleuse, passant au milieu d’eux, les effleurait du bord de sa robe. Mais aucun n’en fut effrayé. Enfin, leur ayant donné sa bénédiction par un signe de croix et la permission de s’en aller, tous s’envolèrent. Ses compagnons considéraient toutes ces choses du chemin où ils l’attendaient. Lorsqu’il fut revenu à eux, cet homme simple et vraiment pur s’accusa de négligence pour n’avoir pas encore, jusqu’à ce jour, prêché aux oiseaux.
Ensuite il passa par les villages voisins, annonçant la parole de Dieu, et arriva à un bourg appelé Alviano, où il assembla le peuple. Après avoir invité la foule au silence, il commença ; mais des hirondelles qui avaient leurs nids tout proches faisaient un tel bruit qu’à peine pouvait-on entendre ses paroles. L’homme de Dieu s’adressa donc à elles en présence de tout le monde, et leur dit : “Mes sœurs les hirondelles, vous avez parlé jusqu’à ce moment ; c’est à mon tour maintenant. Écoutez la parole de Dieu, et demeurez en silence jusqu’à ce que j’aie fini mon discours.” Aussitôt elles se turent comme si elles eussent compris, et ne s’éloignèrent pas que la prédication fût terminée. »
Bienheureux les pauvres de cœur (Mt 5, 3) : notre Père céleste leur a donné les petits oiseaux du ciel pour confidents.
Pierre-Marie Varennes
Saint François prêchant aux oiseaux, enluminure tirée de Vie et miracles de saint François d’Assise par saint Bonaventure (av. 1478), ms. 15710, fol. 107, The British Library, Londres, Angleterre. © British Library Board. All Rights Reserved / Bridgeman Images.
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