Moïse, le législateur qui préfigure le Christ à venir
Cette icône byzantine de grande taille (84 x 65 cm) est conservée au monastère Sainte-Catherine du mont Sinaï où elle a probablement été peinte au début du XIIIe siècle. Elle est construite autour d’une diagonale dynamique montant de la droite vers la gauche. Cette diagonale est dessinée par la figure de Moïse qui, au sommet du mont Sinaï, se projette pour se saisir des tables de la Loi que Dieu lui tend. Cependant, le peintre respecte l’interdit biblique de la représentation de Dieu : seule apparaît une main sortant des cieux noir d’encre, couleur qui signifie le mystère impénétrable de Dieu, mystère protégé par la nuée évoquée ici par le gris perle. La manchette qui se laisse voir du vêtement divin est d’or, matière précieuse qui ici symbolise Dieu lui-même. Cependant, le fond doré de l’icône signifie qu’a lieu un événement sacré rayonnant de la puissance divine.
Pour ne pas profaner la terre sanctifiée qu’il foule, symbolisée par la couleur verte, Moïse a retiré ses sandales, se conformant ainsi à l’ordre que Dieu lui avait déjà donné depuis le buisson ardent (cf. Ex 3, 5). Il est revêtu d’un grand châle dont il se recouvre les épaules et les mains, pour recevoir dignement les Tables sacrées. De même les prêtres de la nouvelle Alliance se couvrent-ils du voile huméral (de humerus en latin : « épaule ») pour porter le Saint-Sacrement. Sous le châle, on discerne une tunique bleu foncé : dans l’Ancien Testament, la toile de la tente de l’Alliance était de cette teinte, comme les vêtements du grand prêtre appelé à représenter le peuple devant Dieu.
Ce qui frappe dans cette icône, c’est qu’elle ne reprend aucune des conventions de représentation de Moïse. En fait, ce qu’elle veut nous donner à contempler, c’est Moïse en tant qu’il est la figure du Christ législateur à venir, en l’occurrence ce Jésus que saint Matthieu, dans son Évangile, présente comme le nouveau Moïse qui vient accomplir la Loi en plénitude (cf. Mt 5, 17). Le Moïse représenté a manifestement 33 ans, l’âge de Jésus à sa mort, et il est recouvert prophétiquement du voile rose, la couleur qui signifie la filiation divine.
Comment Jésus a-t-il accompli la loi de Moïse ?
Saint Matthieu ne cesse d’insister : le but ultime de la Loi – des dix commandements – était de préparer les cœurs des membres du peuple élu à reconnaître le Messie qui allait naître en son sein, alors même que ce Messie ne serait rien moins que le Fils de Dieu incarné. Révélatrice à cet égard est la réponse de Jésus aux pharisiens qui cherchent à le piéger en le mettant en porte-à-faux avec Moïse par la question : « Quel est le plus grand commandement de la Loi ? » (Mt 22, 36). Jésus ne se laisse pas piéger en citant le début du Shema (cf. Dt 6, 4-6). Mais aussitôt, il résume par un second commandement ce qui dans la Loi touche non plus à Dieu mais au prochain : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv 19,18). Et il ose équivaloir ce second commandement au premier. Pourquoi ? Parce qu’en lui, Dieu s’étant fait leur prochain, seule la pratique du deuxième commandement de la Loi pouvait permettre à ses interlocuteurs de le reconnaître, lui, comme le Messie. Et donc, en lui vrai homme, d’aimer en acte et en vérité le vrai Dieu. Hélas, les pharisiens ne voudront pas se rendre à la pédagogie divine. Ils se glorifient d’être fidèles à la Loi et d’aimer le Seigneur leur Dieu de tout leur cœur, de toute leur âme et de tout leur esprit… mais ils n’aiment pas leur prochain en la personne de Jésus. Tout est là. Ils finiront par condamner leur Seigneur, leur Dieu à mort, au nom du premier et du plus grand commandement de la Loi.
En équivalant le premier et le deuxième commandement de la Loi, Jésus voulait par la Loi préparer les cœurs à reconnaître le parfait accomplissement de la Loi en lui. Car dans l’Alliance nouvelle et éternelle, il ne sera plus question du plus grand commandement de la Loi, parce qu’il n’y aura plus qu’un seul commandement, le commandement nouveau, « mon commandement à moi, dira Jésus : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 13, 34). En Jésus, aimer Dieu et aimer son prochain, être aimé par Dieu et être aimé par son prochain, c’est tout un.
Pierre-Marie Varennes
Moïse reçoit les tables de la Loi, icône du début du XIIIe s., monastère Sainte-Catherine du mont Sinaï, Égypte. © 2024 by St Catherine’s Monastery at Mt Sinai.
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Moïse, le législateur qui préfigure le Christ à venir
Le 1 mars 2024
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Cette icône byzantine de grande taille (84 x 65 cm) est conservée au monastère Sainte-Catherine du mont Sinaï où elle a probablement été peinte au début du XIIIe siècle. Elle est construite autour d’une diagonale dynamique montant de la droite vers la gauche. Cette diagonale est dessinée par la figure de Moïse qui, au sommet du mont Sinaï, se projette pour se saisir des tables de la Loi que Dieu lui tend. Cependant, le peintre respecte l’interdit biblique de la représentation de Dieu : seule apparaît une main sortant des cieux noir d’encre, couleur qui signifie le mystère impénétrable de Dieu, mystère protégé par la nuée évoquée ici par le gris perle. La manchette qui se laisse voir du vêtement divin est d’or, matière précieuse qui ici symbolise Dieu lui-même. Cependant, le fond doré de l’icône signifie qu’a lieu un événement sacré rayonnant de la puissance divine.
Pour ne pas profaner la terre sanctifiée qu’il foule, symbolisée par la couleur verte, Moïse a retiré ses sandales, se conformant ainsi à l’ordre que Dieu lui avait déjà donné depuis le buisson ardent (cf. Ex 3, 5). Il est revêtu d’un grand châle dont il se recouvre les épaules et les mains, pour recevoir dignement les Tables sacrées. De même les prêtres de la nouvelle Alliance se couvrent-ils du voile huméral (de humerus en latin : « épaule ») pour porter le Saint-Sacrement. Sous le châle, on discerne une tunique bleu foncé : dans l’Ancien Testament, la toile de la tente de l’Alliance était de cette teinte, comme les vêtements du grand prêtre appelé à représenter le peuple devant Dieu.
Ce qui frappe dans cette icône, c’est qu’elle ne reprend aucune des conventions de représentation de Moïse. En fait, ce qu’elle veut nous donner à contempler, c’est Moïse en tant qu’il est la figure du Christ législateur à venir, en l’occurrence ce Jésus que saint Matthieu, dans son Évangile, présente comme le nouveau Moïse qui vient accomplir la Loi en plénitude (cf. Mt 5, 17). Le Moïse représenté a manifestement 33 ans, l’âge de Jésus à sa mort, et il est recouvert prophétiquement du voile rose, la couleur qui signifie la filiation divine.
Comment Jésus a-t-il accompli la loi de Moïse ?
Saint Matthieu ne cesse d’insister : le but ultime de la Loi – des dix commandements – était de préparer les cœurs des membres du peuple élu à reconnaître le Messie qui allait naître en son sein, alors même que ce Messie ne serait rien moins que le Fils de Dieu incarné. Révélatrice à cet égard est la réponse de Jésus aux pharisiens qui cherchent à le piéger en le mettant en porte-à-faux avec Moïse par la question : « Quel est le plus grand commandement de la Loi ? » (Mt 22, 36). Jésus ne se laisse pas piéger en citant le début du Shema (cf. Dt 6, 4-6). Mais aussitôt, il résume par un second commandement ce qui dans la Loi touche non plus à Dieu mais au prochain : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv 19,18). Et il ose équivaloir ce second commandement au premier. Pourquoi ? Parce qu’en lui, Dieu s’étant fait leur prochain, seule la pratique du deuxième commandement de la Loi pouvait permettre à ses interlocuteurs de le reconnaître, lui, comme le Messie. Et donc, en lui vrai homme, d’aimer en acte et en vérité le vrai Dieu. Hélas, les pharisiens ne voudront pas se rendre à la pédagogie divine. Ils se glorifient d’être fidèles à la Loi et d’aimer le Seigneur leur Dieu de tout leur cœur, de toute leur âme et de tout leur esprit… mais ils n’aiment pas leur prochain en la personne de Jésus. Tout est là. Ils finiront par condamner leur Seigneur, leur Dieu à mort, au nom du premier et du plus grand commandement de la Loi.
En équivalant le premier et le deuxième commandement de la Loi, Jésus voulait par la Loi préparer les cœurs à reconnaître le parfait accomplissement de la Loi en lui. Car dans l’Alliance nouvelle et éternelle, il ne sera plus question du plus grand commandement de la Loi, parce qu’il n’y aura plus qu’un seul commandement, le commandement nouveau, « mon commandement à moi, dira Jésus : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 13, 34). En Jésus, aimer Dieu et aimer son prochain, être aimé par Dieu et être aimé par son prochain, c’est tout un.
Pierre-Marie Varennes
Moïse reçoit les tables de la Loi, icône du début du XIIIe s., monastère Sainte-Catherine du mont Sinaï, Égypte. © 2024 by St Catherine’s Monastery at Mt Sinai.
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