Reine de la Paix

Le 1 janvier 2025

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L’Espérance ne déçoit pas (Rm 5, 5), tel est le thème du Jubilé que le pape a proclamé, faisant de l’année 2025 une Année sainte. Or, « le premier signe d’espérance doit se traduire par la paix pour le monde plongé, une fois encore, dans la tragédie de la guerre. Le Jubilé doit rappeler que ceux qui se font artisans de paix pourront être appelés fils de Dieu (Mt 5, 9) (1)  ». Je vous propose de méditer cette grâce du Jubilé avec Pinturicchio.

Bernardino di Betto di Biagio (1454-1513), surnommé « Pinturicchio » à cause de sa petite taille, fut le principal maître de Pérouse en Ombrie (la terre de saint François d’Assise). À partir de 1481, au moment où la Renaissance italienne entrait dans son plus admirable florissement, Pinturicchio allait s’illustrer, aux côtés du Pérugin (1446-1523), de Botticelli (1445-1510) et de Ghirlandaio (1448-1494), en couvrant la chapelle Sixtine de ses fresques ; avant que Michel-Ange (1475-1564) et Raphaël (1483-1520) ne parachevassent l’éclat ­insurpassable de cet écrin de chefs-d’œuvre.

La Madone de la Paix a été peinte en 1489-1490. Cette œuvre se révèle d’une beauté unique, à la fois exaltée jusqu’au sublime et attendrissante de réalisme, bouleversante même, où le peintre parvient à nous partager une empathie mystique immédiate avec la Vierge Marie et son enfant. Marie est une adolescente au visage d’une exquise beauté idéalisée, mais néanmoins touchante par l’expression délicate de sa profondeur d’âme et de la chasteté de son cœur immaculé. La représentation de l’Enfant Jésus reprend, en les adaptant avec une tendresse charmante, les grandes caractéristiques des Christ Pantocrator que Pinturicchio a pu longuement admirer à l’abside des antiques basiliques romaines. Debout sur les genoux de Marie, les pieds posés sur un cousin ­précieux qui souligne sa dignité royale, l’enfant, tel un empereur romain, porte une toge gris-bleu ourlée d’or sur une dalmatique de soie écrue rehaussée de broderies d’or et de pourpre, et à l’épaule sertie de perles rares.

Il est le Prince de la Paix, la figure eschatologique de la Paix prophétisée par Isaïe (9, 5), celui qui va nous aimer si bien qu’il va donner à chacun de nous le pouvoir de l’imiter, pour qu’agissant en instruments de paix, nous recevions le bonheur d’être « appelés fils de Dieu» (Mt 5, 9). En effet, alors, fils de Dieu, nous le serons en acte et en vérité. Les cheveux d’or fin du Prince de la Paix encadrent la délicieuse frimousse d’un amour d’enfant. Ses yeux, fenêtres de son âme, reflètent la contemplation où il se complaît du dessein bienveillant du Père, dessein qui en lui va s’accomplir, pour nous les hommes et pour notre Salut. La moue de sa bouche, dont la gravité s’illumine de l’esquisse retenue d’un sourire, nous parle à la fois de l’impensable exigence du baptême qu’il sait devoir traverser, mais aussi, comme une promesse, de la joie parfaite qu’il nous partagera quand, vainqueur des puissances du mal et de la mort, il nous donnera à tous la paix, sa Paix.

Dans sa main gauche, il tient l’orbe de la Création devenu transparent à la grâce divine, parce que placé sous le signe de la Croix. De sa main droite, il donne à l’univers visible et invisible ce qu’il est convenu d’appeler la benedictio latina – ses deux doigts repliés signifiant ses deux natures, humaine et divine, et les trois autres doigts déployés représentant la Trinité, à l’œuvre en lui.

Sous la lumière diaphane qui baigne et fait vivre ­harmonieusement toute l’œuvre, sans pourtant jamais se donner à être vue elle-même, voici que tout est calme, tout est serein, tout est paix, tout est grâce. Pour nous donner de contempler la douce Vierge Marie quand elle présente au monde le Prince de la Paix, le génie de Pinturicchio a su créer ce moment où tout est harmonie, où le temps est comme suspendu – un moment d’éternité pour ainsi dire – où, d’une seule voix avec le chœur des anges, toute la Création chante : Gloire à Dieu, au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes : il les aime tellement qu’il leur a donné son Fils !

Pierre-Marie Varennes

1. Cf. pape François, bulle d’indiction du Jubilé ordinaire de l’année 2025 Spes non Confundit, n° 8.

Notre-Dame de la Paix (détail, v. 1488-1490), Bernardino Pinturicchio (v. 1452–1513), San Severino Marche (Italie), Pinacoteca Comunale. © akg-images / De Agostini Picture Lib. / A. De Gregorio.

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