Alban de Châteauvieux
Fêté le 27 février
La vie de Grégoire est inséparable du monastère de Narek, auquel il est confié dès la fin de sa petite enfance, à la mort de sa mère, par son père qui devient évêque. Le monastère de Narek est situé dans une Arménie récemment libérée du joug sassanide, mais toujours tiraillée entre l’Empire byzantin et l’Empire arabe. Fondé quelque temps plus tôt par l’abbé Ananie, proche parent de la mère de Grégoire et qui s’occupe de sa formation, ce monastère entretient de bonnes relations avec l’Église byzantine. Pour preuve l’adoption à Narek de la doctrine de Chalcédoine sur le Christ « une personne en deux natures ».
La science au service de la foi
Grégoire, après avoir prononcé ses vœux, est ordonné prêtre. Ses années de jeunesse sont nourries de son lien très étroit avec son frère Jean, confié en même temps que lui au monastère, ainsi que de solides études théologiques et littéraires : la grammaire, la rhétorique, la prosodie sont autant d’arts qu’il va maîtriser, auxquels il ajoute des connaissances en architecture, mathématiques, astronomie ou encore médecine. Il devient à son tour instructeur au monastère, menant une humble vie religieuse, conforme à la règle de saint Basile, partagée en travail et prière, toujours animée par un amour brûlant pour le Christ et pour la Vierge Marie. La renommée de sa science et de sa charité est telle qu’elle se répand à travers l’Arménie dès son vivant. Il est sollicité autant par des évêques que par le peuple, auxquels il livre sermons, hymnes et traités. Il laisse notamment des Odes, des Paroles à Dieu et surtout Le Livre de prières, auquel les Arméniens sont toujours très attachés.
La charité parfaite
Les écrits qu’il nous a transmis permettent de brosser le portrait d’une vie spirituelle intense portée à une haute mystique, d’une vraie justesse doctrinale, et exprimée avec une grande sensibilité poétique. « Il n’est pas à proprement parler un théologien didactique, ni un pur poète. Il est, peut-on dire, un spirituel doté d’un sens poétique éminent, à la façon d’un saint Jean de la Croix. Plus qu’une doctrine, c’est une spiritualité qui s’exprime par lui. Ainsi, on a dit que c’est le sentiment du péché plutôt que le péché qu’il décrit » (Isaac Kéchichian). Grégoire fait l’expérience de la profondeur de son péché, qu’il sonde à la lumière de l’amour miséricordieux de Dieu dont il a la connaissance intime. Il parvient de fait à la perfection de l’amour, avivée par la conscience de la menace du mal et de la récompense promise à ceux qui le combattent, en maintenant ce que les Pères du désert nommaient « la garde du cœur ». L’ensemble de sa vie, matière de ses écrits spirituels, fut donc placé sous le signe de la charité parfaite, constamment visée et quotidiennement vécue. Saint de l’Église apostolique arménienne et de l’Église catholique, il a été proclamé docteur de l’Église le 21 février 2015 par le pape François. n
À l’écoute de Grégoire de Narek
Si nous venons examiner ici quelle est la meilleure vertu et la plus agréable à Dieu, nous voyons que c’est la foi qui obtient la priorité. C’est en effet par elle que nous nous disposons à entrer dans le Saint des Saints.
Sans elle, même le Seigneur de gloire n’a pas accompli en notre faveur ses miracles merveilleux : il a d’abord exigé l’union, à sa bonté, de notre foi.
C’est pourquoi celle-ci est capable par elle-même de donner la vie, parce qu’elle touche Dieu de près. Car ces mots « Ta Foi t’a sauvée », c’est la bouche bénie de Dieu qui les a affirmés.
Car en vérité, vue limpide et sagesse parfaite, familiarité divine et connaissance du Très-Haut, que le don de la Foi, nom bienheureux et choisi ; elle qui demeure d’une manière permanente, infaillible et sans entrave, et qui partage l’honneur avec la Charité et l’Espérance.
Dixième prière, dans Le Livre de prières, SC 78, p. 95-96