u Fêté le 13 septembre u
© Alban de Châteauvieux
Antioche de Syrie, octobre 397. Aux chapelles des martyrs où le gouverneur l’a prié de se rendre, dès son arrivée, le prêtre Jean est emmené sans qu’il sache pourquoi. Et le voilà embarqué dans un long périple, depuis sa ville natale jusqu’à Constantinople, capitale de l’Empire romain d’Orient. Mais pourquoi donc l’empereur le convoque-t-il ? Aurait-il eu vent de ses prêches enflammés où riches, bourgeois et « demi-chrétiens » sont mis face à leurs incohérences, à leur tiédeur ? Depuis qu’il a été ordonné prêtre en 386, une chose est sûre : Jean ne fait pas dans le politiquement correct. Armé de la Parole, plus coupante qu’une épée à deux tranchants (He 4, 12), il pourfend les grands de ce monde et défend les nouveaux Lazare. Et comment pourrait-il faire autrement ? Comment supporter que l’Évangile ne soit pas vécu dans toute sa radicalité dans la ville même où, pour la première fois, les disciples [du Christ] ont reçu le nom de « chrétiens » (Ac 11, 26) ?
Quand il arrive enfin à Constantinople, Jean est tout bonnement propulsé sur le siège épiscopal de la seconde Rome ! Comme quoi, le renom de ses écrits et son éloquence de prédicateur – d’où son surnom posthume de « Chrysostome », Bouche d’or, en grec – s’étaient étendus jusqu’aux confins de l’Empire. Désormais premier évêque d’Orient et prédicateur officiel à la cour impériale, le futur docteur de l’Église va-t-il mettre de l’eau dans son vin ? « Certes non ! » dirait saint Paul qu’il vénère (il lui a consacré pas moins de 250 homélies sur les 800 qui nous sont parvenues). De fait, les deux hommes sont faits du même bois, brûlent du même feu, celui de la parole de Dieu. La passion de Jean pour la Bible remonte à sa jeunesse, lorsqu’il s’était retiré pendant plusieurs années dans les solitudes montagneuses de Syrie. Là, il avait pris conscience de la nécessité urgente d’ouvrir l’esprit de tous les baptisés à l’intelligence des Écritures.
Dans la ville même du pouvoir et au milieu des plus grandes richesses, « la bouche d’or » appelle plus que jamais à la conversion, à la réforme des mœurs, à la mise en pratique de l’Évangile. Avec la même fougue que saint Paul, il proclame la Parole, intervien[t] à temps et à contretemps, dénonce le mal, fai[t] des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire (2 Tm 4, 2). Aux paroles – « Ton chien est repu et le Christ est dévoré par la faim » – il joint les gestes, en imposant, par exemple, une grande sobriété dans le palais épiscopal. Sa sollicitude envers les pauvres lui vaut nombre d’amis parmi les petites classes qui le surnomment Jean l’Aumônier, mais aussi quelques ennemis parmi les puissants… Ainsi de l’évêque d’Alexandrie et de l’impératrice Eudoxie dont il aurait dénoncé les excès. « Hérodiade est encore furieuse, elle demande encore une fois la tête de Jean », se serait-il écrié un jour avec cette liberté de ton qui le caractérise. Et il ne pensait pas si bien dire ! En 404, il est déposé, envoyé en exil en Arménie, puis à l’extrémité de la mer Noire. Destination qu’il n’atteindra jamais puisqu’il meurt d’épuisement sur la route, le 14 septembre 407, en disant : « Que Dieu soit glorifié en toutes choses ! » n