Se laisser conduire par l’Enfant Jésus pour sauver le monde

Le 24 mars 2024

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(Œuvre présentée en 1re de couverture)

« Si je pouvais recommencer ma vie, je voudrais n’être qu’un tout petit enfant donnant sans cesse la main à l’Enfant Jésus. » Telle fut la dernière parole de Bossuet (1627-1704) sur son lit de mort. Céline Martin (sœur Geneviève de la Sainte-Face) citait ces ultima verba de l’Aigle de Meaux comme la plus belle formulation de la « petite voie » de sa sœur Thérèse, la voie de l’enfance et de l’abandon.

Dans cet esprit, en couverture de ce Magnificat de la Semaine sainte, un grand peintre contemporain de Bossuet, Mathieu Le Nain (1607-1677), donne à voir jusqu’où l’Enfant Jésus pourrait nous conduire par la main, si toutefois nous consentions à le suivre.

Contempler les arma Christi

L’atmosphère crépusculaire, renforcée par le rideau funèbre pourpre sombre qui dévoile la scène, donne au tableau une dimension dramatique. Cependant, au plus haut du ciel ténébreux, une trouée de lumière dorée vient illuminer un bel enfant vêtu d’une tunique, blanche et trop grande pour lui car elle est prédestinée à devenir celle du Transfiguré, du Ressuscité.

L’Enfant a l’âge de raison, 7-8 ans, il a déjà commencé à grandir en taille, en sagesse et en grâce. Son beau visage discrètement auréolé est empreint de gravité. Il reflète la profondeur d’une vie intérieure aussi humainement contemplative que ­divinement animée. À genoux, les bras croisés et la main droite sur le cœur, l’Enfant Jésus contemple les instruments de la Passion : la croix, réduite à sa taille ; derrière lui, la lanterne des gardes qui viendront l’arrêter et l’échelle qui permettra de déposer sa dépouille mortelle ; devant lui, les tenailles, le marteau ; et encore, la cuvette, le hanap et le linge qui vont permettre à Pilate de se laver les mains de la condamnation de Dieu à mort ; puis la lance, les dès avec lesquels les soldats joueront la tunique sans couture, et les clous ; plus loin, la colonne où l’homme de douleur sera lié pour la flagellation ; enfin, un peu plus loin à droite, encore plantée en terre, la frêle branche d’hysope qui servira à hisser jusqu’aux lèvres du Crucifié l’éponge imbibée de vinaigre.

Notre raison d’être chrétiens

Ce chef-d’œuvre nous invite d’abord à considérer que Jésus fut – aussi bien que pendant sa Passion – Sauveur du monde pendant les trente ans qu’il a passés à vivre séculièrement « comme tout le monde », enfant, adolescent, adulte, en famille, en société, en charpentier. Aussi bien, ne doutons pas un instant qu’en donnant la main à cet Enfant, par la grâce du sacrement eucharistique et du Commandement nouveau, chacun de nous peut communier en plénitude, dans son existence quotidienne – familiale, sociale, professionnelle –, à l’œuvre de Salut accomplie par Jésus pendant ce qu’il est convenu d’appeler sa « vie cachée ». Mais bien sûr, ce tableau de Jésus enfant contemplant les instruments de sa Passion, nous invite plus explicitement encore à ne cesser de donner la main à l’Enfant Jésus, jusqu’à contempler avec lui ce qui nous reste à souffrir dans notre propre chair des épreuves du Christ.1

Au long de cette Semaine sainte, sans jamais lâcher la main de l’Enfant Jésus, nous pourrons être conduits à contempler pour mieux la discerner la dimension salvifique de toute notre vie, en ce compris notre propre passion et notre propre mort quand l’heure sera venue. Car telle est bien notre mission de chrétiens : ne cesser d’être, dans le lieu historique de notre vocation propre, un membre actif du Fils de Dieu Sauveur.

Pierre-Marie Varennes

1. Développement inspiré par l’affirmation hardie de saint Paul en ­Colossiens 1, 24, pour signifier qu’il reste à chacun de nous à actualiser dans sa propre vie ­l’offrande parfaite que Jésus a faite de sa vie à son Père.

Jésus enfant en adoration de la croix, frères Le Nain (XVIIe s.), collection privée. Image : Maison de vente aux enchères Rouillac, www.rouillac.com

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