Magnificat

Voici le Dieu qui me sauve !

Le 1 septembre 2023

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L’arbre de Jessé est une figure symbolique qui apparut vers la fin du XIe siècle dans l’illustration des manuscrits à miniatures. Il fut repris ensuite dans l’art du vitrail et même de la sculpture. Contrairement aux apparences, il ne s’agit pas d’un arbre généalogique de Jésus, même si les artistes s’inspirèrent peu ou prou de la généalogie inaugurale de l’Évangile selon saint Matthieu, au point que l’arbre de Jessé, perdant sa vocation première, servit souvent de frontispice aux manuscrits du premier Évangile, donc des évangéliaires. Quoi qu’il en soit, l’arbre de Jessé demeure essentiellement un message qui donne à voir l’accomplissement des Écritures, selon la prophétie d’Isaïe (Is 11, 1-2a.10 ; 12, 2-4) :

Un rameau sortira de la souche de Jessé, père de David,

un rejeton jaillira de ses racines. Sur lui reposera l’esprit du Seigneur.

Ce jour-là, la racine de Jessé, père de David,

sera dressée comme un étendard pour les peuples,

les nations la chercheront, et la gloire sera sa demeure.

Voici le Dieu qui me sauve :  j’ai confiance, je n’ai plus de crainte.

Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ; il est pour moi le salut.

Exultant de joie, vous puiserez les eaux aux sources du salut.

Ce jour-là, vous direz : « Rendez grâce au Seigneur,

proclamez son nom, annoncez parmi les peuples ses hauts faits ! »

Redites-le : « Sublime est son nom ! »

Ainsi en est-il en ce qui concerne la miniature du XVIe siècle qui enlumine la couverture de votre Magnificat : l’arbre né de la racine de Jessé ne conduit pas généalogiquement à l’enfant Jésus par Joseph, descendant de David – l’époux de Marie – comme le rapporte saint Matthieu (1, 16), mais en jouant sur les mots latins virga, tige, et Virgo, Vierge, cette image nous montre que la tige de Jessé à son summum fait éclore la fleur de la promesse, Marie, qui donne au monde son fruit, Jésus.

Adorons cet enfant, roi nu

Précédant la Vierge à l’enfant, ont éclos sur la tige de Jessé douze rois d’Israël, David en premier lieu, bien qu’il ne soit pas ici reconnaissable à son attribut traditionnel, la lyre. Le nombre de 12 est une pure convention : 12 est le nombre sublime par excellence, parce que le nombre et la somme de ses diviseurs sont tous deux des nombres parfaits. C’est le nombre du peuple élu, composé de 12 tribus. Ce sera le nombre conventionnel des élus dans l’Apocalypse (12×12 = 144 ; 144×1 000 [qui signifie la multitude] = 144 000). Ici, les 12 rois figurent tous ceux qui ont conduit Israël – prêtres, prophètes et rois – jusqu’à l’accomplissement des temps. Ils préfigurent aussi les 12 Apôtres qui conduiront l’Église au long de son pèlerinage sur la Terre.

Ainsi, de même qu’à la racine de l’arbre, Jessé le berger atteste que l’enfant de la Vierge Marie est bien le bon Pasteur prophétisé par Isaïe, les 12 rois nés de sa sève attestent que l’enfant Jésus va incarner et accomplir au-delà de toute espérance la vocation de la royauté d’Israël, en l’étendant à toutes les nations, à l’univers entier et jusqu’à la droite de Dieu. En ce sens, le dernier dimanche de l’année liturgique célèbre le Christ Roi de l’univers.

Alors, adorons cet enfant, roi nu, dépouillé de toute puissance humaine. Et pourtant, impatient d’être aux affaires de son Père qui est aux cieux et de faire sa volonté : voici qu’il se jette vers le roi qui est à sa droite, pour lui prendre des mains le rouleau (sefer) de la Torah – ici la Loi et les Prophéties – qu’il a vocation à accomplir. Cependant, le roi qui est à sa gauche lui présente religieusement les attributs qui vont être ceux du Salvator Mundi, l’orbe, qui symbolise la Création sauvée, surmonté de la Croix qui dit à quel prix.

Pierre-Marie Varennes

L’Arbre de Jessé (v. 1535), Gerolamo Genga (1476-1551), Londres, National Gallery. © Heritage Images / Fine Art Images / akg-images.

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