Les trésors de la rédaction

Ouvre-toi

Par Serge Kerrien

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« Ouvre-toi ! » dit le Christ au sourd-muet (Mc 7, 34 ; 23e dimanche ordinaire). Une invitation à ne pas polariser notre énergie sur des tâches qui risqueraient de nous enfermer et de stériliser le sens même de nos engagements.

Les vacances s’achèvent. La rentrée se profile et, avec elle, la découverte d’un certain nombre de nouveautés pour chacun. Nos communautés chrétiennes se retrouvent. Une année pastorale nouvelle s’inaugure avec son lot d’activités à prévoir, de rencontres, de choix pastoraux à faire, de visages à découvrir, etc. Le risque est grand alors de donner priorité aux fonctionnements et d’oublier un peu l’essentiel. C’est alors que, comme par surprise, la liturgie nous invite à l’ouverture : « Ouvre-toi ! » dit le Christ au sourd-muet (Mc 7, 34 ; 23e dimanche ordinaire). Une invitation à ne pas polariser notre énergie sur des tâches qui risqueraient de nous enfermer et de stériliser le sens même de nos engagements.

S’ouvrir au Christ, parole de Dieu

Les textes des cinq dimanches de septembre sont une invitation claire à écouter la Parole qui, seule, peut éclairer nos engagements. Quelques verbes donnent l’orientation : écouter pour vivre et mettre la Parole en pratique ; réapprendre que Dieu nous sauve ; rendre grâce ; suivre le Christ sur le chemin qu’il ouvre pour mieux servir nos frères ; accueillir le Christ et accueillir les plus petits en qui Dieu se révèle ; se laisser guider par l’Esprit ; se déposséder de ce qui rend infirme de la grâce. Étonnant chemin, combien exigeant, qui nous fait réaliser à quel point l’écoute du Christ, parole de Dieu, nous sort de tous nos enfermements, transforme nos faiblesses en puissance, nos morts en vie. L’enjeu de l’ouverture au Christ est la vérité de nos structures et de nos engagements. Servent-ils à annoncer le salut, à proposer le Christ, à faire de chacun de nous le serviteur des plus petits, ou compromettent-ils la Parole ? Nous libèrent-ils de l’esclavage de l’égoïsme, de nos habitudes, de nos certitudes, voire de nos mépris, ou ouvrent-ils nos cœurs à l’Esprit qui rend brûlante la parole du Christ ? Voilà qui peut nous faire réfléchir sur nos choix communautaires et personnels. Une année pastorale nouvelle trouvera sa justesse si elle est pensée comme un chemin de vie spirituelle appuyé sur la parole de Dieu. La liturgie peut y conduire.

Liturgie et ouverture

La liturgie eucharistique commence par des « rites d’ouverture ». Mais de quelle ouverture s’agit-il ? La présentation générale du Missel romain le précise : « Les rites qui précèdent la liturgie de la Parole, c’est-à-dire le chant d’entrée, la salutation, l’acte pénitentiel, le Kyrie, le Gloria et la prière d’ouverture, ont le caractère d’une ouverture, d’une introduction et d’une préparation. Leur but est que les fidèles qui se réunissent réalisent une communion et se disposent à bien entendre la parole de Dieu et à célébrer dignement l’eucharistie » (n° 46). Il s’agit donc d’une mise en route, du début d’un chemin avec le Christ sur lequel l’Esprit nous entraîne à la rencontre du Père. Le but avoué est d’ouvrir le cœur de chacun à la parole de Dieu, qui fait entrer dans un des aspects du mystère du Christ. Ces rites offrent à celles et ceux qui arrivent à la célébration l’esprit chargé du poids du jour, le temps de s’habiller le cœur pour entreprendre le chemin de conversion spirituelle auquel la liturgie invite.

Les rites d’ouverture

Tout commence par le rassemblement et l’accueil de celles et ceux qui vont nous entourer, et que nous recevons comme des frères et sœurs, au nom du Christ. Il y a là une proposition d’ouverture à cet « autre » que je n’ai pas choisi et auquel je dois porter attention. Comment m’ouvrir au Christ si, d’abord, je ne m’ouvre pas à l’autre, qu’il soit connu ou étranger, ami ou ennemi, riche ou pauvre ? C’est alors que nos voix mêlées par le chant nous disent la réalité du Corps du Christ, dans lequel nous sommes tous frères, et rendent sensibles à la fois l’écoute des autres et l’unité réalisée dans une réalité nouvelle que construit le chant d’entrée.

Le signe de la croix par lequel chacun marque son corps du signe du salut montre notre désir d’entrer en relation avec le Père, par le Fils et dans l’Esprit, en actualisant la Pâque du Christ. Et la salutation de celui qui préside à la prière rappelle que l’assemblée, constituée comme Corps du Christ qu’anime l’Esprit, accepte de se laisser entraîner sur le chemin de vie où l’Esprit la conduit.

La préparation pénitentielle, quant à elle, nous met en présence de la croix du Christ, notre Sauveur. Devant lui, nous reconnaissons nos faiblesses mais, au lieu de nous enfermer sur nos manques qui peuvent constituer autant de prisons, nous ouvrons nos cœurs à la miséricorde infinie de Dieu. De là jaillit la louange du Gloire à Dieu. Certains de la miséricorde de Dieu et du salut qui nous est donné, le cœur ouvert à la louange par l’Esprit, nous glorifions le Père, ainsi que le Fils, Agneau vainqueur.

La prière d’ouverture fait mémoire de ce que Dieu a fait et fait encore pour son peuple tout en laissant monter la supplication de l’assemblée. Introduite par le silence, elle favorise la mise en commun d’une même attitude spirituelle et d’une ouverture du cœur à la présence de Dieu.

Ainsi, tous ces rites, si justement appelés « d’ouverture », répondent à une seule motivation : nous ouvrir aux autres, au mystère célébré, à la miséricorde de Dieu, à la louange, à la prière, nous préparant à recevoir la Parole et le Pain de la vie.

Un chemin de vie

L’intention de la liturgie est claire, et c’est une chance que de la saisir au moment où une nouvelle année pastorale commence, portée par une parole de Dieu aussi riche. Voilà ouvert pour chaque fidèle un chemin de vie spirituelle qu’il est convié à emprunter à la suite du Christ. Bien qu’il puisse sembler répétitif, le chemin ouvert par la liturgie est sans cesse nouveau, de la nouveauté même de la parole de Dieu et de l’expérience humaine de chacun. Nos habitudes et nos certitudes se transforment trop souvent en surdités et nous emprisonnent dans un mutisme de l’âme. Nos surdités spirituelles et nos manques d’ouverture stérilisent notre relation à Dieu et aux autres.

À l’inverse, les rites d’ouverture nous rendent participants du mystère du Christ. Parce qu’ils nous introduisent dans la réalité du mystère pascal, ils nous invitent à mourir à tous nos enfermements, à nos refus de relation à Dieu et aux autres, particulièrement à celles et ceux que le rassemblement ecclésial fait proches de nous. Ces rites nous incitent encore à regarder autrement le monde dont nous faisons partie et que nous apportons avec nous pour l’action de grâce et la prière. Ils nous préparent à écouter une parole de vie qui fera grandir en nous le désir de partager le pain de la vie, avant de retourner au monde pour lui annoncer que Dieu, par le Christ, le guérit et le sauve.

Bien plus encore que les rites eux-mêmes, ces dimanches de septembre peuvent guider, avec bonheur, nos engagements de service et nous faire éviter tout ce qui pourrait conduire une communauté chrétienne à s’enfermer sur elle-même, sur ses propres fonctionnements. Dès lors, comment penser une pastorale qui nourrisse et alimente la foi, qui propose le chemin d’une vie spirituelle appuyée sur la parole liturgique, et qui porte une attention particulière à tous ceux qui souffrent dans leur corps ou dans leur âme. L’enjeu n’est pas mince puisqu’il est de proposer, dans nos communautés et à l’extérieur, un vrai chemin pascal où nous pourrons mourir à ce qui nous enferme pour vivre du Christ et de l’Esprit.

La liturgie est une initiative de Dieu. Il nous y donne sa grâce en nous ouvrant au don de l’Esprit. Alors, ne fermons ni nos oreilles ni notre cœur.

© MGF no 310, septembre 2018

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Serge Kerrien

Ancien directeur adjoint du SNPLS, diacre permanent du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, Serge Kerrien porte le souci de la formation liturgique.

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