Les trésors de la rédaction

L’Esprit Saint et le Corps du Christ

Par Père Gaëtan Baillargeon

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Les solennités de la Pentecôte et du Saint-Sacrement mettent en lumière le rôle de l'Esprit Saint dans l'eucharistie. Par l'épiclèse, l'assemblée des chrétiens devient Corps du Christ, unissant la communauté dans l'espérance de la résurrection et la nouvelle création.

La date tardive de Pâques nous fait célébrer plusieurs solennités au cours de ce mois de juin, notamment la Pentecôte et le Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ. Ce calendrier est une invitation à contempler le rôle de l’Esprit Saint dans la célébration eucharistique.

Au cours de la prière eucharistique, nous l’invoquons à deux reprises : d’abord sur le pain et le vin pour qu’ils deviennent le sacrement du corps et du sang du Christ, c’est l’épiclèse de consécration ; puis sur l’assemblée qui prend part au repas du Seigneur, c’est l’épiclèse de communion. Ainsi l’Esprit Saint fait advenir le corps sacramentel et le corps ecclésial du Christ, le premier engendrant en quelque sorte le second.

« Humblement, nous te demandons qu’en ayant part au corps et au sang du Christ, nous soyons rassemblés par l’Esprit Saint en un seul corps. » Ainsi s’exprime la seconde épiclèse de la prière eucharistique II. La formule est concise et riche, tout à la fois. Elle manifeste le lien étroit entre le corps sacramentel du Christ et son corps ecclésial. L’Esprit sanctifie l’assemblée et il l’édifie comme Corps du Christ.

L’assemblée eucharistique

« Un seul corps », dit le texte. Mais qui est cet « un seul corps » ? À n’en pas douter, le premier sens qu’il faut lui attribuer est bien celui de l’assemblée eucharistique, de ceux et celles qui vont communier au sacrement. « Quand nous serons nourris de son corps et de son sang et remplis de l’Esprit Saint, accorde-nous d’être un seul corps et un seul esprit dans le Christ », demandons-nous dans la troisième prière eucharistique.

Il convient d’évoquer ici les catéchèses de saint Augustin aux néophytes. « Mais quel est-il, ce pain unique ? Saint Paul nous le dit, en une formule des plus courtes : La multitude que nous sommes est un seul corps (1 Co 10, 17). Voici du pain, corps du Christ, dont parle l’Apôtre en désignant l’Église : Or vous êtes corps du Christ et […] vous êtes membres de ce corps (1 Co 12, 27) (1)  . »

Le corps ecclésial du Christ

Par l’action de l’Esprit Saint, l’assemblée devient Église, corps ecclésial du Christ, en communiant au corps sacramentel. Certes, cette assemblée n’est pas à elle seule toute l’Église, mais elle l’est pleinement. Elle en est une réalisation partielle, ici et maintenant, elle est Église une, sainte, catholique et apostolique.

L’Esprit Saint fait entrer l’assemblée eucharistique dans la communion avec toute l’Église, répandue dans tout l’univers. Chaque assemblée eucharistique est en communion avec son évêque propre et, par lui, en communion avec l’évêque de Rome qui préside à la charité de toutes les Églises de Dieu.

Corps du Christ ressuscité

L’Esprit ne fait pas de l’assemblée son propre corps, ni le corps des chrétiens, mais bien le Corps du Christ. « Que la force de ton Esprit fasse de nous, dès maintenant et pour toujours, les membres de ton Fils ressuscité, par notre communion à son corps et à son sang (2). »

La dimension ecclésiale nous conduit au mystère du Christ ressuscité, du Christ total, du Christ premier-né de la nouvelle création. Le corps du Christ ressuscité n’est pas un corps physique ou psychique, mais bien un corps spirituel ou pneumatique. Ainsi en est-il de la résurrection des morts. […] Ce qui est semé corps physique ressuscite corps spirituel (1 Co 15, 42.44).

Ainsi, par l’action de l’Esprit Saint, le corps du Christ s’édifie dans le temps et l’histoire d’une manière progressive jusqu’à ce qu’il atteigne sa plénitude. Et la célébration eucharistique accomplit dans l’assemblée, d’une manière réelle mais encore incomplète, la croissance du corps total du Christ ressuscité.

L’espérance de notre propre résurrection

Incorporée au corps du Christ ressuscité par l’Esprit, l’assemblée eucharistique reçoit la promesse de la résurrection de ses membres. « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6, 54). L’assemblée entre non seulement dans le mystère de la résurrection du Christ, mais aussi dans celui de sa propre résurrection.

C’est ce que suggère un commentaire très ancien de la liturgie eucharistique. Narsaï (399-502) explique ainsi la portée de l’épiclèse : « L’Esprit descend sur l’offrande […] et fait reposer la puissance de sa Divinité sur le pain et le vin, achevant le mystère de la résurrection de notre Seigneur d’entre les morts. […] C’est pourquoi cet Esprit qui l’a fait ressusciter d’entre les morts descend maintenant célébrer les mystères de la résurrection de son corps (3). »

Célébrer la résurrection de son corps ! Il s’agit bien sûr du corps ecclésial. Il y a donc un parachèvement de la résurrection du Christ par celle du corps entier. Nous y avons part à chaque fois que nous célébrons l’eucharistie. C’est ainsi que nous entrons dans ce mouvement de résurrection commencé avec celle du Seigneur ressuscité.

Devenir le corps cosmique du Christ

Mener les temps à leur plénitude, récapituler toutes choses dans le Christ, celles du ciel et celles de la terre (Ep 1, 10). Le Christ ressuscité préside « en lui » à la recréation eschatologique non seulement de l’humanité, mais aussi du monde et du cosmos. Cette nouvelle création est commencée depuis l’ascension-exaltation du Christ ressuscité et la Pentecôte ; mais elle n’atteindra sa perfection que le jour où tout sera mis sous le pouvoir du Fils [qui] se mettra alors sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous, comme le dit saint Paul (1 Co 15, 28).

D’ici là, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore (Rm 8, 22). La mission du Christ se poursuit, car il est le premier-né d’entre les morts et le nouvel Adam. Il est le maître de l’Histoire qu’il porte à son achèvement.

Chaque fois que nous partageons le repas du Seigneur, nous célébrons dans l’attente de sa venue dans la gloire. Notre communion au mystère du corps du Christ nous intègre dans cette histoire que le Christ dirige. « Que cette communion au mystère de ton Fils nous fasse entrer, libres de tout vieillissement, dans la nouvelle création », demande une prière après la communion (Missel romain). Nous participons déjà à cette nouvelle création, nous anticipons le jour final où l’humanité recréée aura surmonté toute division et trouvé son unité. L’assemblée eucharistique en est non seulement le signe, mais aussi une réalisation partielle. La célébration constitue un moment de cette recréation.

Être et devenir le Corps du Christ

Comme on vient de l’évoquer, l’eucharistie nous donne de communier au corps sacramentel, ecclésial, pneumatique et cosmique du Christ. Nous disons notre « Amen » au mystère du corps du Christ pour qu’il s’accomplisse en nous-mêmes et dans l’assemblée, mais aussi dans toute la création. Cette participation au sacrement du corps du Christ nous tourne vers l’avenir, car toute eucharistie est célébrée dans l’espérance du jour où, « au cœur de la création nouvelle enfin libérée de la corruption, nous pourrons chanter vraiment l’action de grâce du Christ à jamais vivant (4)». Et tout cela ne peut advenir que par la force et la puissance de l’Esprit Saint, Esprit de Pentecôte, Esprit qui renouvelle la face de la terre.


(1) Augustin, Sermon pour le jour de Pâques, dans L’Eucharistie, Paris, Migne, coll. « Lettres chrétiennes », n° 9, 1981.
(2) Prière eucharistique pour des circonstances particulières.
(3) Narsaï, Homélie 17, dans L’Initiation chrétienne, Paris, Migne, coll. « Lettres chrétiennes », n° 7, 1980.
(4) Prière eucharistique de la réconciliation, I.


©MGF no 319 – Juin 2019

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Père Gaëtan Baillargeon

Gaëtan Baillargeon est prêtre de l’archidiocèse de Sherbrooke. Docteur en théologie et en histoire des religions, il a assuré la direction de l’Office national de liturgie de la Conférences des évêques catholiques du Canada de 2002 à 2013.

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“Le désir de voir Dieu n’est pas une simple curiosité, mais une impulsion profonde de la foi chrétienne. “Le verbe s’est fait chair, il a habité parmis nous, et nous avons vu sa gloire” (Jn 1, 14).”

Monseigneur Timothy Verdon est l’un des historiens de l’art chrétien les plus respectés. Diplômé de l’Université de Yale, il vit en Italie depuis plus de 50 ans. Chanoine de la cathédrale Santa Maria del Fiore à Florence, il y dirige le service diocésain d’art sacré ainsi que le musée de la Cathédrale (Museo dell’Opera del Duomo).

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