Les trésors de la rédaction

Liturgie et mission

Par Père Arnaud Toury

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En ce mois d’octobre traversé par la Semaine missionnaire mondiale, interrogeons-nous sur la place que doit occuper la mission dans notre vie de foi.

Ce mois de célébration de la Semaine missionnaire mondiale offre l’occasion de prêter attention au double mouvement dont toute liturgie est porteuse. D’une part, un mouvement d’attraction appelle les fidèles à la communion avec le Christ, dans son offrande au Père et au monde dans l’Esprit ; et d’autre part, un mouvement d’envoi, indissociable du premier, tourne les cœurs et l’action des fidèles vers les autres. Ce double mouvement exprime la nature profondément missionnaire de la liturgie, dans deux dimensions : la mission dans son étendue, et la ­mission « en épaisseur ».

L’attraction, ou la mission « en épaisseur »

Outre la glorification de Dieu, la liturgie a pour fonction de sanctifier les fidèles. Cette sanctification résulte de leur participation pleine, consciente et active au mystère du Christ que l’Église célèbre (constitution Sacrosanctum concilium sur la sainte liturgie, n° 14). La liturgie vise, en effet, à rendre présents à l’œuvre du Christ qui s’accomplit celles et ceux qui y participent. Et cette œuvre, c’est le mystère pascal par lequel il donne [sa] vie pour la recevoir de nouveau (Jn 10, 17). Attirés par le Christ (cf. Jn 12, 32), les fidèles sont invités à entrer avec lui dans cette offrande totale (cf. Rm 12, 1) pour accueillir la vie nouvelle des enfants de Dieu (cf. Rm 6, 4). De la sorte, ce mouvement d’attraction les conduit à une transformation intime d’eux-mêmes, par la conversion et par l’accueil de la grâce. C’est ainsi que la liturgie réalise la mission « en épaisseur au fond des masses humaines, en profondeur, là où l’esprit de l’homme interroge le monde et oscille entre le mystère d’un Dieu qui le veut petit et dépouillé ou le mystère du monde qui le veut puissant et grand » (Madeleine Delbrêl).

Devenir l’Église

La mission en épaisseur ne concerne pas que l’intimité, le cœur profond de chacun des fidèles participant à la liturgie, de manière individuelle. Car cette transformation intérieure appelle nécessairement une transformation de la façon de vivre ensemble. L’attraction exercée par le Christ façonne une communauté humaine nouvelle, dont la caractéristique première est, ou doit être, la fraternité. Le Corps du Christ, auquel chacun communie, n’est pas une réalité virtuelle, ou uniquement mystique, mais bien la communauté concrète édifiée par le Christ, ici et maintenant. La fécondité authentique de la liturgie, c’est la charité, l’amour serviteur, vécus au sein de la communauté. De la sorte, la mission en épaisseur dépasse les profondeurs individuelles pour atteindre les « masses humaines » et leur donner leur forme nouvelle, l’Église. Celle-ci est toujours à entendre comme le projet de Dieu en train de s’accomplir, et qui ne sera achevé que lorsqu’il sera tout en tous (1 Co 15, 28).

La liturgie fait signe

Chaque fois qu’ils se rassemblent, mais plus particulièrement dans la liturgie où ils célèbrent l’œuvre de Dieu, les fidèles montrent la réalité profonde du Christ et de son Corps qu’est l’Église, « le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » selon les termes du dernier concile (constitution Lumen gentium sur l’Église, n° 1). « La liturgie […] contribue au plus haut point à ce que les fidèles, en la vivant, expriment et manifestent aux autres le mystère du Christ et la nature authentique de la véritable Église. […] C’est d’une façon admirable qu’elle fortifie leurs énergies pour leur faire proclamer le Christ, et ainsi elle montre l’Église à ceux qui sont dehors comme un signal levé sur les nations, sous lequel les enfants de Dieu dispersés se rassemblent dans l’unité jusqu’à ce qu’il y ait un seul bercail et un seul pasteur » (constitution SC, n° 2). Le simple fait de prier et de chanter ensemble les psaumes, d’écouter ensemble la parole de Dieu, de confesser ensemble la même foi, est un acte missionnaire dont nul ne mesure la portée. Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler la conversion de Paul Claudel pendant le chant des Vêpres de Noël 1886 à Notre-Dame de Paris.

L’envoi en mission

Toutefois, le dynamisme missionnaire de la liturgie ne se réduit pas à la force d’attraction qu’elle peut exercer. Car si la liturgie convoque, rassemble et édifie, elle renvoie nécessairement les fidèles dans le monde, pour y vivre et le transformer. Les ajouts récents apportés aux rites d’envoi, dans la nouvelle traduction du Missel romain, disent bien l’importance renouvelée de cette dimension centrifuge de la liturgie. Ainsi, le diacre ou, à défaut, un prêtre disposent désormais de plusieurs formules pour renvoyer l’assemblée : « Allez, dans la paix du Christ » ; « Allez porter l’Évangile du Seigneur » ; « Allez en paix, glorifiez le Seigneur par votre vie » ; « Allez en paix. » Ces formules viennent préciser la formule première : la paix du Christ dans laquelle il s’agit d’aller, c’est la puissance de sa résurrection à l’œuvre en nous. C’est celle que le Ressuscité communique à ces disciples : « La paix soit avec vous » (Jn 20, 19.21.26), en les envoyant aussitôt, dans le souffle de l’Esprit, remettre les péchés (cf. v. 21-23). Ainsi la liturgie élargit-elle l’enjeu fraternel aux dimensions infinies du cœur de Dieu. Nul ne peut décemment prier le Notre Père sans se sentir envoyé vers tous, spécialement les plus lointains de soi, pour leur porter « l’Évangile du Seigneur » et pour glorifier Dieu par leur vie.

Comme un cœur battant, la liturgie convie ainsi tout homme à entrer dans le mystère du Christ, tout entier donné au Père et totalement livré au monde. Et elle permet à chacun de vivre la mission, toute mission, dans l’action de grâce qui jaillit perpétuellement du cœur de ceux qui se savent tellement aimés (cf. Ep 2, 4-10).  


©MGF no 359, octobre 2022

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Père Arnaud Toury

Le père Arnaud Toury, prêtre du diocèse de Reims, est délégué ­diocésain à la pastorale liturgique et sacramentelle, formateur en liturgie et en théologie sacramentelle.

Mgr Timothy Verdon

La prière dans l'art

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“Le désir de voir Dieu n’est pas une simple curiosité, mais une impulsion profonde de la foi chrétienne. “Le verbe s’est fait chair, il a habité parmis nous, et nous avons vu sa gloire” (Jn 1, 14).”

Monseigneur Timothy Verdon est l’un des historiens de l’art chrétien les plus respectés. Diplômé de l’Université de Yale, il vit en Italie depuis plus de 50 ans. Chanoine de la cathédrale Santa Maria del Fiore à Florence, il y dirige le service diocésain d’art sacré ainsi que le musée de la Cathédrale (Museo dell’Opera del Duomo).

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