Par Pierre-Marie Varennes
Hans Memling (v. 1435-1494) est, après Jan van Eyck (1390-1441), l’un des plus célèbres peintres qui aient exercé à Bruges (Belgique actuelle), alors ville phare du duché de Bourgogne. Il représente la plus aboutie des formes flamandes de la première Renaissance. Élève associé du célèbre Rogier van der Weyden (1400-1464), peintre officiel de la ville de Bruxelles, il prend son indépendance et s’installe à Bruges vers 1465, après la mort de son maître. L’œuvre qui orne la couverture de votre Magnificat date probablement de cette époque charnière dans la vie du peintre. Cet Ange porteur de paix était l’un des volets d’un triptyque, dont l’autre volet était un Ange porteur de glaive, et la partie centrale, une Pietà qui montrait Jésus mort reposant dans les bras de Marie, sa mère. À l’inventaire des biens de Marguerite d’Autriche (1480-1530), figure ce triptyque, attribué à Van der Weyden pour la Pietà centrale, et à Memling pour les anges des volets.
Voici donc l’Ange de la paix, reconnaissable comme tel à ce qu’il tient ostensiblement un rameau d’olivier porteur de fruits. Aux pays bibliques, quand se développèrent les civilisations sédentaires, les premières espèces d’oliviers cultivés mettaient vingt à trente ans depuis leur plantation avant de produire du fruit. Or, l’usage pendant les guerres était de couper et de brûler systématiquement tous les oliviers de l’ennemi. Ainsi donc, si l’on pouvait produire une branche d’olivier avec du fruit, c’était la preuve que la paix régnait depuis au moins vingt ans. De même, si la colombe a pu rapporter à Noé un rameau d’olivier bien garni, c’est qu’il se trouvait des terres émergées depuis longtemps.
Associé à l’image de la pietà, où l’on voit Jésus victime de n’avoir pas demandé à son Père d’envoyer plus de douze légions d’anges pour faire valoir son innocence et ses droits (cf. Mt 26, 53), cet ange signifie que Jésus est le Prince de la paix, que le royaume de Dieu est le Royaume de la paix, et que ses citoyens sont des artisans de paix. La main de l’ange posée sur sa poitrine atteste que les dispositions à la paix sont tout intérieures, ce sont la douceur et l’humilité de cœur.
« Ce sera bien pire pour ceux de sa maison »
Le pendant de l’Ange de la paix est l’Ange porteur de glaive. Sa main n’est pas posée sur son cœur mais projetée en avant et déployée en signe du grave avertissement de Jésus : « Je ne suis pas venu apporter la paix [sur la terre] mais le glaive ! » (Mt 10, 34) Et le tableau de la pietà nous montre la première personne qui a été frappée par ce glaive, en plein cœur : la Mère de Dieu ! Nul n’est au-dessus de son maître (Jn 15, 20). Si Jésus lui-même, vrai homme certes – mais vrai Dieu ! –, n’a pas échappé à la vindicte des forces du mal et de la mort, sa mère non plus. Et nous, ses disciples, à combien plus fortes raisons, nous n’y échapperons pas, car si les gens ont traité de Béelzéboul le maître de maison, ce sera bien pire pour ceux de sa maison (Mt 10, 25). À moins que…
En fait, il y a tellement de moyens d’échapper à ce bien pire qui nous est promis : trahir Jésus, le renier ; ou plus simplement séparer dans sa vie une sphère bien pieusement religieuse et une sphère bien politiquement correcte ; ou encore, plus confortablement, se contenter de regarder ailleurs quand on pourrait être amené à choisir entre l’amitié du monde et la fidélité à l’Évangile.
Pierre-Marie Varennes
Pour voir la pietà , cliquez ici
Pour voir l’Ange au glaive de Hans Memling, Wallace Collection, Londres, cliquez ici
Ange tenant un rameau d’olivier, Hans Memling (1435-1494), musée du Louvre, Paris. © RMN-GP / Gérard Blot.
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Je vous donne ma paix
Le 1 janvier 2023
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Hans Memling (v. 1435-1494) est, après Jan van Eyck (1390-1441), l’un des plus célèbres peintres qui aient exercé à Bruges (Belgique actuelle), alors ville phare du duché de Bourgogne. Il représente la plus aboutie des formes flamandes de la première Renaissance. Élève associé du célèbre Rogier van der Weyden (1400-1464), peintre officiel de la ville de Bruxelles, il prend son indépendance et s’installe à Bruges vers 1465, après la mort de son maître. L’œuvre qui orne la couverture de votre Magnificat date probablement de cette époque charnière dans la vie du peintre. Cet Ange porteur de paix était l’un des volets d’un triptyque, dont l’autre volet était un Ange porteur de glaive, et la partie centrale, une Pietà qui montrait Jésus mort reposant dans les bras de Marie, sa mère. À l’inventaire des biens de Marguerite d’Autriche (1480-1530), figure ce triptyque, attribué à Van der Weyden pour la Pietà centrale, et à Memling pour les anges des volets.
Voici donc l’Ange de la paix, reconnaissable comme tel à ce qu’il tient ostensiblement un rameau d’olivier porteur de fruits. Aux pays bibliques, quand se développèrent les civilisations sédentaires, les premières espèces d’oliviers cultivés mettaient vingt à trente ans depuis leur plantation avant de produire du fruit. Or, l’usage pendant les guerres était de couper et de brûler systématiquement tous les oliviers de l’ennemi. Ainsi donc, si l’on pouvait produire une branche d’olivier avec du fruit, c’était la preuve que la paix régnait depuis au moins vingt ans. De même, si la colombe a pu rapporter à Noé un rameau d’olivier bien garni, c’est qu’il se trouvait des terres émergées depuis longtemps.
Associé à l’image de la pietà, où l’on voit Jésus victime de n’avoir pas demandé à son Père d’envoyer plus de douze légions d’anges pour faire valoir son innocence et ses droits (cf. Mt 26, 53), cet ange signifie que Jésus est le Prince de la paix, que le royaume de Dieu est le Royaume de la paix, et que ses citoyens sont des artisans de paix. La main de l’ange posée sur sa poitrine atteste que les dispositions à la paix sont tout intérieures, ce sont la douceur et l’humilité de cœur.
« Ce sera bien pire pour ceux de sa maison »
Le pendant de l’Ange de la paix est l’Ange porteur de glaive. Sa main n’est pas posée sur son cœur mais projetée en avant et déployée en signe du grave avertissement de Jésus : « Je ne suis pas venu apporter la paix [sur la terre] mais le glaive ! » (Mt 10, 34) Et le tableau de la pietà nous montre la première personne qui a été frappée par ce glaive, en plein cœur : la Mère de Dieu ! Nul n’est au-dessus de son maître (Jn 15, 20). Si Jésus lui-même, vrai homme certes – mais vrai Dieu ! –, n’a pas échappé à la vindicte des forces du mal et de la mort, sa mère non plus. Et nous, ses disciples, à combien plus fortes raisons, nous n’y échapperons pas, car si les gens ont traité de Béelzéboul le maître de maison, ce sera bien pire pour ceux de sa maison (Mt 10, 25). À moins que…
En fait, il y a tellement de moyens d’échapper à ce bien pire qui nous est promis : trahir Jésus, le renier ; ou plus simplement séparer dans sa vie une sphère bien pieusement religieuse et une sphère bien politiquement correcte ; ou encore, plus confortablement, se contenter de regarder ailleurs quand on pourrait être amené à choisir entre l’amitié du monde et la fidélité à l’Évangile.
Pierre-Marie Varennes
Pour voir la pietà , cliquez ici
Pour voir l’Ange au glaive de Hans Memling, Wallace Collection, Londres, cliquez ici
Ange tenant un rameau d’olivier, Hans Memling (1435-1494), musée du Louvre, Paris. © RMN-GP / Gérard Blot.
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