Magnificat

Le déploiement du manteau de Dieu

Le 1 février 2023

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Cette lettrine d’une qualité exceptionnelle est l’œuvre de Sano di Pietro (1405-1481), célèbre peintre siennois qui ne dédaignait pas, à l’occasion, enluminer des manuscrits.

Comme par le hublot d’une station orbitale, l’artiste nous découvre le globe terrestre tel qu’il fut au cœur du Ciel le quatrième jour de la création du monde.

Au premier plan, voici Dieu revêtu de magnificence, ayant pour manteau la lumière, et qui déploie celui-ci au firmament, telle une tenture, pour former les cieux (cf. Ps 103, 1-2). Déjà il a fabriqué la Grande Ourse, Orion, les Pléiades, les constellations du Sud et les myriades de leurs sœurs (cf. Jb 9, 7-10). Déjà, il a fixé le nombre des étoiles et a donné à chacune son nom
(cf. Ps 146, 4). À l’instant, il vient de créer le soleil pour éclairer et réchauffer la Terre :

Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures,
spécialement messire frère Soleil,
par qui tu nous donnes le jour, la lumière ;
il est beau, rayonnant d’une grande splendeur,
et de toi, le Très-Haut, il nous offre le symbole.
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur Lune et les étoiles :
dans le ciel tu les as formées,
claires, précieuses et belles. (1)

Tout a été créé par lui et en lui

Guidé par un sens théologique très sûr, l’artiste se refuse à représenter le Dieu créateur, notre Père, selon la convention de son époque, comme un noble vieillard barbu. N’est-il pas le Dieu invisible, celui que personne n’a jamais vu ? Celui que nul ne peut prétendre voir sans être mort (cf. Ex 33, 20) ? Qu’à cela ne tienne, Jésus n’a-t-il pas dit : « Qui m’a vu a vu le Père. » (Jn 14, 9) ? Alors l’artiste n’hésite pas, il représente le Christ Jésus, en tant qu’il est l’image parfaite de son Père : il porte l’auréole cruciforme, son visage aux traits admirables a l’âge de l’heure de sa mort, 33 ans, et la doublure de son manteau, jaune terrestre, témoigne de son incarnation. Ce choix de représentation du Créateur est parfaitement cohérent avec le récit de la Genèse où Dieu dit et c’est fait. Jésus n’est-il pas le Verbe, cette Parole de Dieu qui a créé le monde ? Dans sa lettre aux Colossiens, saint Paul donne tout son éclat au parti pris par l’artiste de représenter le Père tout-puissant en son Fils bien-aimé :

Il est l’image du Dieu invisible,
le premier-né, avant toute créature :
en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre.
Les êtres visibles et invisibles,
Puissances, Principautés, Souverainetés, Dominations,
tout est créé par lui et pour lui.         (1, 15-16)

Et voici que la question posée par le psaume 8 (4-7) prend une dimension d’éternité :

À voir ton ciel, ouvrage de tes doigts,
la lune et les étoiles que tu fixas,
qu’est-ce que l’homme pour que tu le considères,
le fils d’un homme, pour que tu t’en préoccupes ?
Tu l’as voulu à peine moindre qu’un dieu,
le couronnant de gloire et d’honneur ;
tu l’établis sur les œuvres de tes mains,
tu mets toute chose à ses pieds.

1. Saint François d’Assise. Le Cantique des créatures.

Pierre-Marie Varennes

Dieu crée les étoiles (lettrine historiée O), Sano di Pietro (1406-1481), Paris, musée Marmottan Monet. © Bridgeman Images.

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