Une belle histoire d’amour
La destinée de cette Vierge à l’Enfant, œuvre du célèbre peintre écossais William Dyce (1806-1864), est intimement liée à une belle romance royale qui ne laissa pas d’émouvoir le cœur du peuple anglais.
Lorsqu’en 1837 la reine Victoria hérite du trône britannique, quelques semaines seulement après son 18e anniversaire, c’est une jeune fille passionnée, à la fois ouverte d’esprit et fidèle aux plus hautes valeurs humaines et chrétiennes. Immédiatement, selon l’usage de l’époque, sa mère et le gouvernement s’occupent de lui trouver le mari qui convient à une reine d’Angleterre. On choisit son cousin le prince Ernst, fils aîné du duc de Saxe-Cobourg-Gotha. Mais voici que Victoria refuse tout net. Le monde le découvrira pendant son règne : c’est une femme qui sait ce qu’elle veut. Et ce qu’elle veut en l’occurrence, c’est faire un mariage d’amour. Or, elle est amoureuse du frère cadet d’Ernst, Albert, lequel, hélas, est très loin d’avoir le rang aristocratique convenable. Qu’importe ! Elle résistera à toutes les pressions, et dès qu’elle aura suffisamment assis son pouvoir – en 1840 –, certaine aussi que le peuple, captivé par son histoire d’amour romantique, la soutient, elle imposera son union sacramentelle avec l’élu de son cœur. Au cours de leurs vingt et une années de mariage, ils furent heureux et eurent neuf enfants.
En plus d’être l’un et l’autre d’une grande élévation culturelle et religieuse, Albert et Victoria avaient en commun d’être des amateurs d’art et des mécènes éclairés. Plus encore, ils étaient eux-mêmes des artistes accomplis, non sans un joli talent. Aussi, l’art et la vie spirituelle étaient-ils les expressions et les lieux qu’ils jugeaient les plus dignes de rendre compte de l’indicible de leur amour. À chaque anniversaire de naissance et de mariage, ils s’offraient des œuvres d’art. Et c’est ainsi qu’en 1845, Albert offrit cette Vierge à l’Enfant à Victoria. L’année suivante, ils commandèrent au même artiste un Saint Joseph (1), qui devait être représenté à l’âge du prince Albert à l’époque, 28 ans. Ayant réuni ces deux œuvres, les époux royaux les intronisèrent comme image tutélaire de leur couple. Après la mort du prince fin 1861 – une tragédie dont Victoria ne se remit jamais –, la reine fit accrocher les deux œuvres en pendant dans sa chambre. Là, elle ne cessa de les contempler pendant quarante ans encore, jusqu’à sa mort en 1901.
Quand elle parle de cette Vierge à l’Enfant dans son Journal, la reine Victoria écrit : « Ce tableau est tout à fait au niveau de celui d’un vieux maître, et dans le style de Raphaël – si chaste et délicieusement peint. » Effectivement, l’influence de Raphaël est indéniable, particulièrement de la Petite Madone Cowper(2), peinte en 1505.
Marie, Mère de Dieu, médite un passage du chapitre 11 du livre d’Isaïe qui commence par ces mots : Un rameau sortira de la souche de Jessé, père de David, un rejeton jaillira de ses racines. Sur lui reposera l’esprit du Seigneur : esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte du Seigneur (v. 1-2). Dans les bras de Marie, un nourrisson auquel son père a donné le nom de « Jésus », scrute lui aussi l’Écriture, plus, semble-t-il, pour savoir le passage que médite sa maman que pour y apprendre à devenir ce qu’il est. Et voici qu’un petit sourire aux lèvres, il nous désigne de la main gauche, celle du cœur, sa maman en tant qu’elle a été bénie entre toutes les femmes et choisie pour Le mettre au monde, Lui, l’impensable accomplissement incarné – et néanmoins parfait et plénier, que dis-je, infiniment surabondant ! – de toute prophétie.
Pierre-Marie Varennes
1. et 2. Vous pouvez contempler le Saint Joseph, en cliquant ici et la Petite Madone Cowper en cliquant ici.
La Vierge à l’Enfant (1845), William Dyce (1806-1864), Royal Collection Trust, Royaume-Uni. © Royal Collection Trust / His Majesty King Charles III, 2023 / Bridgeman Images.
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Une belle histoire d’amour
Le 1 janvier 2024
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La destinée de cette Vierge à l’Enfant, œuvre du célèbre peintre écossais William Dyce (1806-1864), est intimement liée à une belle romance royale qui ne laissa pas d’émouvoir le cœur du peuple anglais.
Lorsqu’en 1837 la reine Victoria hérite du trône britannique, quelques semaines seulement après son 18e anniversaire, c’est une jeune fille passionnée, à la fois ouverte d’esprit et fidèle aux plus hautes valeurs humaines et chrétiennes. Immédiatement, selon l’usage de l’époque, sa mère et le gouvernement s’occupent de lui trouver le mari qui convient à une reine d’Angleterre. On choisit son cousin le prince Ernst, fils aîné du duc de Saxe-Cobourg-Gotha. Mais voici que Victoria refuse tout net. Le monde le découvrira pendant son règne : c’est une femme qui sait ce qu’elle veut. Et ce qu’elle veut en l’occurrence, c’est faire un mariage d’amour. Or, elle est amoureuse du frère cadet d’Ernst, Albert, lequel, hélas, est très loin d’avoir le rang aristocratique convenable. Qu’importe ! Elle résistera à toutes les pressions, et dès qu’elle aura suffisamment assis son pouvoir – en 1840 –, certaine aussi que le peuple, captivé par son histoire d’amour romantique, la soutient, elle imposera son union sacramentelle avec l’élu de son cœur. Au cours de leurs vingt et une années de mariage, ils furent heureux et eurent neuf enfants.
En plus d’être l’un et l’autre d’une grande élévation culturelle et religieuse, Albert et Victoria avaient en commun d’être des amateurs d’art et des mécènes éclairés. Plus encore, ils étaient eux-mêmes des artistes accomplis, non sans un joli talent. Aussi, l’art et la vie spirituelle étaient-ils les expressions et les lieux qu’ils jugeaient les plus dignes de rendre compte de l’indicible de leur amour. À chaque anniversaire de naissance et de mariage, ils s’offraient des œuvres d’art. Et c’est ainsi qu’en 1845, Albert offrit cette Vierge à l’Enfant à Victoria. L’année suivante, ils commandèrent au même artiste un Saint Joseph (1), qui devait être représenté à l’âge du prince Albert à l’époque, 28 ans. Ayant réuni ces deux œuvres, les époux royaux les intronisèrent comme image tutélaire de leur couple. Après la mort du prince fin 1861 – une tragédie dont Victoria ne se remit jamais –, la reine fit accrocher les deux œuvres en pendant dans sa chambre. Là, elle ne cessa de les contempler pendant quarante ans encore, jusqu’à sa mort en 1901.
Quand elle parle de cette Vierge à l’Enfant dans son Journal, la reine Victoria écrit : « Ce tableau est tout à fait au niveau de celui d’un vieux maître, et dans le style de Raphaël – si chaste et délicieusement peint. » Effectivement, l’influence de Raphaël est indéniable, particulièrement de la Petite Madone Cowper(2), peinte en 1505.
Marie, Mère de Dieu, médite un passage du chapitre 11 du livre d’Isaïe qui commence par ces mots : Un rameau sortira de la souche de Jessé, père de David, un rejeton jaillira de ses racines. Sur lui reposera l’esprit du Seigneur : esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte du Seigneur (v. 1-2). Dans les bras de Marie, un nourrisson auquel son père a donné le nom de « Jésus », scrute lui aussi l’Écriture, plus, semble-t-il, pour savoir le passage que médite sa maman que pour y apprendre à devenir ce qu’il est. Et voici qu’un petit sourire aux lèvres, il nous désigne de la main gauche, celle du cœur, sa maman en tant qu’elle a été bénie entre toutes les femmes et choisie pour Le mettre au monde, Lui, l’impensable accomplissement incarné – et néanmoins parfait et plénier, que dis-je, infiniment surabondant ! – de toute prophétie.
Pierre-Marie Varennes
1. et 2. Vous pouvez contempler le Saint Joseph, en cliquant ici et la Petite Madone Cowper en cliquant ici.
La Vierge à l’Enfant (1845), William Dyce (1806-1864), Royal Collection Trust, Royaume-Uni. © Royal Collection Trust / His Majesty King Charles III, 2023 / Bridgeman Images.
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