Magnificat

Les trésors de la rédaction

Abécédaire du Carême

Par Bénédicte Ducatel

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Noyau dur de la prière des Heures, la prière du matin et la prière du soir inscrit notre vie de prière dans l’alternance du jour et de la nuit.

Ascèse

Avouons-le, le mot fait peur. Avant d’imaginer les pratiques les plus pénibles, revenons au sens premier du mot : « Exercice, entraînement. » Le mot appartient donc au vocabulaire sportif auquel Paul n’hésite pas à recourir : Tous les athlètes à l’entraînement s’imposent une discipline sévère (1 Co 9, 25). Le but du Carême n’est pas de gagner une course, mais de donner à notre vie sa forme chrétienne, celle dont le Christ est le modèle. Cela demande quelques exercices d’assouplissement. Chacun saura sur quel point – un seul suffit – il doit s’exercer avec conviction, vigilance, obstination parfois. Paul, encore, donne des points d’attention (cf. Ga 5, 19-21), auxquels on pourrait ajouter le mensonge, la fraude, le travail bâclé, l’indifférence, etc.

Bonheur

Le but du Carême est d’entrer dans le bonheur promis par Dieu en Jésus Christ. L’ascèse n’est qu’un moyen parmi d’autres de découvrir ce qui est essentiel à notre vie : ce bonheur durable dont la bénédiction pascale dit que « rien, pas même la mort, ne pourra nous [le] ravir ». Le bonheur nous est offert sans restriction, sauf celles que nous posons nous-mêmes par crainte, par manque de foi, etc. Ce bonheur est à portée d’abandon, de confiance et d’amour. Laissons là toute peur et avançons.

Conversion

Se convertir consiste à changer de direction. Or, au fil des jours qui passent, nous prenons souvent des chemins de traverse ou des sentes plus ou moins droites parce qu’un point de vue nous attire. Bref, nous perdons le cap, et notre vie n’est plus totalement tournée vers celui qui nous donne la vie, voire nous nous sommes arrêtés en chemin, préférant tel ou tel intérêt au bien immense que sont Dieu et son amour inépuisable. La conversion sera alors de se remettre en chemin, sur le bon chemin, de laisser là les inclinations secondaires, les curiosités superficielles, pour revenir de tout notre cœur au Seigneur qui est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour (Ps 102, 8).

Croire

Si nous sommes engagés sur le chemin du Carême, c’est que nous avons la foi, sinon, à quoi bon ? Mais cette foi demande à être éprouvée, fortifiée, entretenue. En quoi croyons-nous ? Ou plutôt, en qui croyons-nous ? « Pour vous, qui suis-je », demandait Jésus à ses disciples (Mc 8, 29). Faisons le point en ces jours de conversion. Quelle image de Dieu avons-nous ? Quelle image de Dieu Jésus dessine-t-il dans l’Évangile ? Cette image nous donne-t-elle envie de tout laisser pour le suivre ? Jésus est venu non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé (Jn 3, 17), non pas à cause de la justice de nos propres actes, mais par sa miséricorde(Tt 3, 5). « Ô Jésus, ton amour va jusqu’à la folie, […] comment ma confiance aurait-elle des bornes ? » disait la petite Thérèse !

Désert

Ce lieu aride et austère prend un relief particulier en ces jours. D’une part, il s’agit du lieu de passage obligé du peuple hébreu, dont le livre de l’Exode nous dit qu’il est le lieu des fiançailles entre Dieu et son peuple, et donc lieu de grâce. D’autre part, Jésus s’y est tenu durant quarante jours pour y mener un premier combat victorieux contre le diable. Alliance et victoire : deux termes qui repoussent au loin la maîtrise héroïque de soi par toutes sortes de mortifications dont on pourrait se glorifier : « J’y suis arrivé ! » Le désert appelle un recentrage radical sur le Christ par un chemin de dépouillement libérateur. Pas d’autres protections que celle du Très-Haut, qui veut nous parler cœur à cœur (cf. Os 2, 16) et faire alliance avec nous en nous donnant la victoire.

Écoute

Aujourd’hui, écouterez-vous sa parole ? (Ps 94, 7). Voilà bien une question essentielle pour accompagner le Carême. Quoi de plus nécessaire que d’écouter Dieu nous parler ? Chaque matin, dit Isaïe, [Dieu] éveille mon oreille pour qu’en disciple, j’écoute (Is 50, 4). Peut-être pouvons-nous profiter de ces jours pour méditer la parole de Dieu, entre autres celle que la liturgie nous donne et qui construit un chemin sûr pour aller jusqu’à Pâques. Lisons-la, méditons-la, interrogeons notre vie, nos comportements, à l’aune de cette parole qui deviendra d’autant plus vivante que nous en ferons notre nourriture quotidienne. Éveillons-nous à la vie de Dieu, elle est riche et inépuisable. Écoutons pour devenir de vrais disciples !

Foi

Le Carême est en premier lieu le temps de l’ultime préparation des catéchumènes qui recevront le baptême la nuit de Pâques. « L’Église depuis toujours leur transmet avec amour les trésors qu’elle regarde depuis l’Antiquité comme l’essentiel de sa foi et de sa prière : le symbole de la foi (Je crois en Dieu) et l’oraison dominicale (Notre Père) » (Rituel de l’initiation chrétienne, n° 175). Ce rite de la tradition du symbole montre l’importance de cet énoncé de foi. La nuit de Pâques, il nous sera demandé de renouveler nos promesses baptismales. Préparons notre cœur à ce renouvellement en le nourrissant de saines lectures, en suivant des conférences de Carême, etc. Toutes choses qui donneront à notre foi un élan vers Dieu et vers les autres.

Humilité

Vertu peu mise en avant par le monde contemporain, l’humilité est le moyen sûr de lutter contre l’orgueil et les maux qui en découlent. Le Christ n’a pas agi autrement, lui qui ayant la condition de Dieu s’est anéanti, prenant la condition de serviteur (Ph 2, 6.7). Ainsi, pour suivre le Christ, le seul chemin est celui de l’abaissement, de l’humilité. Mouvement qui nous permet de reconnaître que nous sommes des créatures dépendantes d’un plus grand qu’elles, le Créateur. N’est-il pas bon, miséricordieux, tendre ? Quelle meilleure situation, alors, que de dépendre totalement de lui et de son amour ? Quelle joie connaîtrons-nous lorsque, prenant la place du serviteur, nous nous entendrons appelés à celle du fils !

Jeûne

Cette ascèse, qui touche à la nourriture et donc à la vie, est particulièrement mise en avant durant le Carême et de manière privilégiée durant le mercredi des Cendres et le Vendredi saint. Ce jeûne nous unit au Christ car au désert, dit saint Luc, il ne mangea rien (4, 2). Mais, en contrepoint, il nous rappelle que l’homme ne vit pas seulement de pain (Dt 8, 3). D’ailleurs Jésus insiste : « Ne cherchez donc pas ce que vous allez manger et boire. Votre Père sait que vous en avez besoin. Cherchez plutôt son Royaume » (Lc 12, 29-31). Telle est la faim qui doit nous tenailler en ces jours. Ne devons-nous pas avoir pour nourriture de faire la volonté du Père ? Que le jeûne nous libère des faims qui nous aliènent pour revenir à cette faim de l’essentiel.

Joie

La joie n’est pas l’aspect le plus mis en avant pour le temps du Carême. Pourtant, il serait de mise de ranger au placard nos « faces de Carême » pour arborer la joie qui nous habite de choisir la vie. La conversion n’est-elle pas un motif de joie ? Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit (Lc 15, 10). Notre conversion et celle de nos frères, qui est source de joie pour les anges, ne le serait-elle pas pour nous ? Redécouvrir que nous sommes sauvés par pure grâce et non en raison de nos actes (cf. Tt 3, 5) ne cause-t-il pas notre joie ? Faisons du Carême un temps de joie profonde, celle qui nous vient de l’amour inconditionnel de Dieu, et dont nous pourrons témoigner.

Miséricorde

Mise en marche de tout l’être saisi par la misère de l’autre, la miséricorde s’entend selon deux mouvements complémentaires. Le premier est celui qui part de Dieu, qui, depuis le début de l’humanité, entend le cri des hommes, se penche vers eux et les libère. Nous sommes donc les bénéficiaires de la miséricorde divine, fidèle, gratuite et surabondante. Le second mouvement est celui qui part de nous et s’adresse à nos frères en humanité. Ce que Dieu fait pour nous, nous sommes appelés à le vivre pour la joie de nos frères : pardonner, consoler, soutenir, visiter, donner à manger, à boire, etc., autant de gestes qui puisent en Dieu leur source et qui, passant par nos mains, rejoignent ceux vers qui nous nous penchons.

Partage

Aumône est le mot employé par l’Évangile de Matthieu que nous entendions le mercredi des Cendres (cf. Mt 6, 1-6.16-18). L’aumône est l’offrande que nous faisons à ceux qui manquent du nécessaire pour vivre. Le mot « partage » recouvre bien sûr l’idée d’aumône, mais il l’ouvre à une dimension plus large que le strict don financier, lequel, tout en étant bienveillant, pourrait rester assez extérieur. Il s’agit de donner de soi, de partager son temps, ses compétences, pour aider ceux qui sont dans le besoin. Le partage renvoie à la question : « As-tu quelque chose sans l’avoir reçu ? » (1 Co 4, 7) Tout vient de Dieu ! Notre partage est passage du don reçu au don donné. Ne retenons pas les dons de Dieu : ils se multiplient lorsque nous les partageons.

Réconciliation

Dieu n’a qu’une volonté : se réconcilier avec l’humanité pour lui faire partager sa vie divine. Aussi, le vibrant appel de Paul : « Laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2 Co 5, 20) nous secoue en ces derniers jours du Carême. « Laissez-vous faire, clame Paul, abandonnez-vous avec confiance à ce Dieu qui veut vous prendre dans ses bras et vous dire son amour. » Il ne s’agit pas de faire quelque chose, mais au contraire de se laisser faire, d’accepter nos médiocrités, nos faiblesses, nos égoïsmes, de les placer sous le regard du Christ et de le laisser nous guérir, nous sauver, nous aimer. Il y a beaucoup de joie à recevoir le sacrement de réconciliation, qui nous donne la force d’aller, à notre tour, nous réconcilier avec nos frères.

Zèle

Dernier mot de notre abécédaire, le zèle aurait pu figurer dès le début du Carême. Son « z » initial le rejette à la fin. Qu’à cela ne tienne, il nous reste encore quelques jours pour devenir zélés sur le chemin de la conversion. Sans doute avons-nous pris l’une ou l’autre décision au cours de ces jours, mais peut-être les avons-nous oubliées ou mises de côté : c’est le moment de faire preuve d’un rien de zèle, autrement dit d’ardeur, ce petit mouvement d’urgence qui nous brûle à l’intérieur, tout comme le sentiment amoureux. Et si nous sommes les ouvriers de la onzième heure, c’est le moment privilégié pour nous laisser soulever par une énergie nouvelle, celle de l’amour du Christ qui nous invite à le suivre dans sa joie pascale.


©MGF no 316, mars 2019

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Bénédicte Ducatel

Liturgiste et ancienne rédactrice en chef adjointe de Magnificat

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