Les trésors de la rédaction

Au bonheur des psaumes

Par Hélène Villars

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Inscrire sa propre histoire dans l’histoire du psalmiste, c’est à la fois reconnaître les violences inavouables qui hantent le cœur de l’homme, et, discerner l’œuvre de Dieu qui se tient auprès de lui.

« Heureux est l’homme… » dit le psalmiste.
« Heureux est l’homme qui… » répète t-il lui qui sait d’expérience que le bonheur s’obtient en posant des actes.
Pourquoi ne pas le suivre et découvrir en sa compagnie que les psaumes qu’il chante à l’envi renferment le secret de la Bible sur le bonheur.

Il n’est pas bon que l’homme soit seul

Le livre de la Genèse pose comme condition première au bonheur que l’homme ne soit pas seul. C’est bien ce que les psaumes mettent en avant : le psalmiste n’est pas un homme seul. Il parle, et le psautier révèle un dialogue intense et soutenu. Il en va du bonheur de l’homme de s’exprimer devant un autre qui lui réponde. Et l’autre des psaumes est avant tout cet autre absolu qu’est le Tout-Autre, Dieu lui-même. Non, il n’est pas bon que l’homme soit seul, il n’est pas bon que l’homme vive sans Dieu.

D’emblée, le psalmiste invite à faire un choix de vie. Le choix d’un partenaire de vie. Le choix de Dieu. Un choix qui soupèse les affaires superficielles et les engagements de pacotilles à l’aune de la paille. Un choix qui engage l’existence et la manière de se rapporter à Dieu et aux autres. Un choix qui ouvre à la possibilité se s’abreuver aux eaux vives du bonheur et de la fécondité.

Quand « beaucoup demandent : “Qui nous fera voir le bonheur ?” (1) » le psalmiste répond : il n’y a pas d’autre bonheur que Dieu lui lui-même, (2) lui est avec toi sur la route comme ton gardien et ton ombrage. (3)

La route de l’histoire

« Heureux qui craint le Seigneur et marche selon ses voies ! (4) » Il trouve donc le bonheur celui qui connaît Dieu et accepte son compagnonnage. Il est vrai que pour faire route avec lui, il convient de marcher en suivant ses traces. Le psalmiste a risqué l’aventure. Il a goûté combien les chemins du Seigneur sont parfois difficiles, aussi indique-t-il l’ordre de marche : Dieu devant et l’homme derrière. Il sait, au secret de sa joie intérieure, qu’il y a du bonheur à marcher à la suite du Seigneur tous les jours de sa vie.

Faire route de bonheur avec le psalmiste, c’est accepter la déroute d’une organisation cartésienne. Ses cent cinquante psaumes entremêlent des histoires contées à mots couverts, des ballades épiques et récits intimes, des chants de joie et des cris de détresse, des prières et des sentences. Faire route avec les psaumes, c’est entrer dans l’histoire de ceux qui ont choisi le bonheur. Une histoire d’hommes qui n’est pas linéaire. Si au premier abord les psaumes découragent un peu, c’est qu’avec la rugosité de leur poésie, ils viennent buter contre nos défenses bien dressées, nos façades polies et nos bonnes manières. Quels sont ces cris de colère, de guerres, de massacres ? Quelles sont ces paroles de violence imprononçables ? Comment prétendre au bonheur quand l’homme qui s’exprime est bafoué, rejeté, insulté ? Les psaumes parlent fort et dur. Ils parlent d’un peuple qui a traversé la souffrance. Ils parlent d’un homme qui s’est laissé dépouiller de tout pour s’ouvrir à l’essentiel. Le psalmiste n’adoucit pas la réalité. L’extrême pauvreté, l’extrême faiblesse de l’âme humaine, il la pose ou plutôt la dépose devant le seul capable de la recevoir : Dieu lui-même.

Le psalmiste ne juge pas l’histoire, il la raconte. Il la raconte en proclamant : « Heureux le peuple qui a pour Dieu “Le Seigneur” ! (5) » C’est-à-dire, heureux le peuple qui se sait aimé sans réserve par un Père miséricordieux. Heureux l’homme qui reconnaît son histoire personnelle sur le chemin des psaumes et s’ouvre au Père qui fait grâce.

Les paroles du bonheur

Inscrire sa propre histoire dans l’histoire du psalmiste, c’est à la fois reconnaître les violences inavouables qui hantent le cœur de l’homme, et, discerner l’œuvre de Dieu qui se tient auprès de lui et, sans cesse, intervient en sa faveur.

Le psalmiste a entendu les paroles du bonheur. Et c’est au cœur de sa détresse qu’il en a compris le sens. « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Plus que la guerre ou l’insulte, le sentiment de la solitude qui va si justement à l’encontre du bonheur, est pour le psalmiste l’occasion ultime de goûter la parole de bonheur par excellence : « Tu m’as répondu ! ». Non, l’homme n’est pas seul, un autre le soutient, Dieu « est avec lui dans son épreuve. (6) »

Quand parfois, la lutte contre les ennemis intérieurs semble perdue. Quand l’avancée sur le chemin du bonheur semble impraticable. Quand le courage manque et que la force s’épuise. Une certitude de l’âme inscrite au cœur du psautier ré oriente l’espérance : « Tu m’as répondu ! » Sur la route, Dieu est là. Même s’il est silencieux, même si la route semble semée d’embûches, même si des chutes ralentissent la marche, Dieu est là. Ne dit-il pas au prophète Isaïe : « Je t’instruis pour ton bien, je te conduis sur le chemin où tu marches. (7) »

Vie humaine, action de Dieu

Alors, est-ce l’homme qui fait route avec Dieu, ou est-ce Dieu qui fait route avec l’homme ? Le psautier révèle-t-il un chemin propre à Dieu, ou Dieu, comme il le dit lui-même, marche-t-il sur ce chemin où l’homme avance ? Le psalmiste propose une voie qui mêle ces interrogations, qui conjugue la vie humaine aux temps de Dieu.

Au cœur des servitudes humaines, Dieu révèle sa présence et donne sa vie. Le chemin du psautier est un chemin de libération, un chemin d’accomplissement de la personne en Dieu. Le psalmiste ne cesse de chanter l’œuvre déroutante de Dieu qui surgit au cœur de la détresse humaine. Il ne cesse de montrer que les manières de Dieu ne sont pas celles des hommes et que c’est à ces manières-là qu’il convient de s’ajuster.

Le bonheur est promis aux pauvres de cœur, à ceux qui comprennent l’instruction du psautier et se tourne résolument vers l’auteur du bonheur. « Heureux l’homme dont la faute est enlevée, et le péché remis ! » (8) Heureux l’homme qui accepte la grâce et se détourne résolument de lui-même pour s’ouvrir à la présence et à l’action de Dieu qui sauve et relève.

Bonheur d’être en Dieu

Le psalmiste déséquilibre l’homme du « monde » pour lui rendre sa stabilité au fur et à mesure qu’il devient homme de Dieu. Et, en retour, l’homme devenu homme de Dieu est pleinement ouvert au monde qui l’entoure. Parce qu’il a traversé l’épreuve, il devient proche de ceux qui la traversent. Parce qu’il a découvert la force du salut qui relève, il devient témoin de ce salut pour ceux qui tombent. Parce qu’il connaît le bonheur d’être en Dieu, il porte ce bonheur là où il est. Sa vie donne du fruit en son temps, qui est le temps de Dieu.

Le psalmiste n’est pas un idéaliste. Il connaît l’homme, mais il connaît aussi Dieu pour l’avoir longuement fréquenté. Il sait que Dieu se révèle, non dans des rêves, mais au cœur de la vie. Là, chacun peut se laisser saisir par sa présence qui est bonheur véritable. Là, chacun découvre la force de sa vie qui attire et relève. C’est pourquoi après avoir fait le choix initial proposé par le psaume 1, après avoir accompli la lente marche du dépouillement, l’homme, qui murmure jour et nuit la loi d’amour du père, peut entonner avec toute l’Église le chant de l’accomplissement et du bonheur :

Louez Dieu, louez-le, louez-le, louez-le !

Et que tout être vivant chante louange au Seigneur ! Alléluia !


(1)  Ps 4, 7.
(2) Cf. Ps 15, 2 : « Je n’ai pas d’autre bonheur que toi. »
(3) Cf Ps 120, 5 : « Le Seigneur, ton gardien, le Seigneur, ton ombrage, se tient près de toi. »
(4) Ps 127, 1.
(5) Ps 143, 15.
(6) Ps 90, 15.
(7) Is 48, 17.
(8) Ps 31, 1.

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Hélène Villars

Article publié dans le Magnificat numéro 200

Mgr Timothy Verdon

La prière dans l'art

Un magnifique parcours spirituel et artistique

“Le désir de voir Dieu n’est pas une simple curiosité, mais une impulsion profonde de la foi chrétienne. “Le verbe s’est fait chair, il a habité parmis nous, et nous avons vu sa gloire” (Jn 1, 14).”

Monseigneur Timothy Verdon est l’un des historiens de l’art chrétien les plus respectés. Diplômé de l’Université de Yale, il vit en Italie depuis plus de 50 ans. Chanoine de la cathédrale Santa Maria del Fiore à Florence, il y dirige le service diocésain d’art sacré ainsi que le musée de la Cathédrale (Museo dell’Opera del Duomo).

Relié – Tranchefile et jaquette – 272 pages – 22 x 29 cm – 39€

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