Les trésors de la rédaction

Chronique estivale (I)

Par Bénédicte Ducatel

Partager sur :

Dans cette chronique estivale, nous vous proposons un tour du monde égrenant les lieux propices à la prière et à la contemplation.

L’été n’est pas un moment comme les autres. Certains partent en vacances, d’autres restent, mais pour la plupart, la pression du travail quotidien retombe, le rapport aux autres change. Tout semble plus léger dans la longueur du jour qui donne envie d’être dehors pour profiter de la lumière et de la douceur, pour s’ouvrir aux autres, échanger et découvrir d’autres mondes que le sien.

Magnificat vous propose de partir en voyage avec pour guides les saints. Ouvrir une petite fenêtre sur les lieux où ils ont vécu, là où Dieu les a envoyés en mission, là où il les a appelés à le servir ; découvrir leur environnement ; partager avec eux la sensation des paysages, des monuments, des églises qu’ils ont vus, traversés, aimés.

Nous pensons particulièrement à tous nos lecteurs qui ne se déplaceront pas cet été, parce qu’ils sont malades, âgés, hospitalisés, incapables de se déplacer, en situation trop précaire pour partir, ou parfois en prison. Tous ont besoin d’un peu d’évasion du cœur pour continuer d’avancer sur le chemin qui est le leur.

Le Seigneur nous l’a promis : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos » (Mt 11, 28). Que nous soyons en vacances ou non, allons au Christ par le chemin du cœur en suivant ceux qui ont tout donné pour être avec lui et trouver le repos de l’âme, qui est le bien le plus précieux. Déposons le fardeau, fermons les yeux et partons en voyage !

L’Inde

Comme les Douze, au lendemain de la Pentecôte et des premières persécutions, saint Thomas, apôtre de la miséricorde, s’enfonça à l’est de la Palestine à travers les territoires syriens, et la tradition veut qu’il ait poussé sa marche évangélisatrice jusqu’en Inde.

Des comptoirs romains y étaient établis depuis déjà plusieurs siècles et des communautés juives y étaient florissantes. C’est à partir de ces communautés que Thomas, s’il est vraiment allé jusque-là, et ses disciples ont implanté une Église vivante qui s’est particulièrement développée au Kerala.

Imaginez, après la traversée des zones désertiques de l’Iran, l’arrivée dans ce pays de mousson où les torrents dévalent les pentes montagneuses, où le bois de rose et le santal embaument l’air. Une sorte de paradis où la foi chrétienne prend racine et se diffuse.

Au XVIe siècle, les évangélisateurs portugais seront surpris de trouver la foi déjà installée sur ces territoires. L’Église de saint Thomas était attachée à l’Église chaldéenne pour sa hiérarchie et sa liturgie jusqu’à ce que les Portugais décident d’en latiniser la liturgie et de la rattacher à Rome. Les syro-malabars s’y plièrent, les syro-malankars refusèrent ce rattachement.

Dans ce petit coin de paradis où les diverses religions vivent en harmonie, le premier sanctuaire chrétien en terre indienne est dédié à saint François d’Assise, homme de paix respectueux de la nature. Qu’avec Thomas il veille sur les habitants de cette partie du monde.

Crémone

Crémone ! Ce nom vibre à nos oreilles comme la chanterelle d’un stradivarius. Claudio Monteverdi n’a pas encore bercé l’Europe de ses riches polyphonies. Antonio Stradivari, l’incontestable maître luthier, ne sait pas encore ce qu’est un violon. Mais la musique s’envole déjà d’une fenêtre ou d’une autre et enveloppe la ville d’une aura sonore, presque angélique.

Antoine-Marie Zaccaria, lui, à l’aube de ce xvie siècle, arpente les rues de Crémone. Et la seule acclamation qu’il fasse monter vers le ciel, c’est celle de sa vie vertueuse toute donnée aux pauvres, d’abord comme médecin puis comme prêtre. Il sillonne le dédale des ruelles pour rejoindre les personnes malades, et plus tard les indigents, mais ne peut manquer de passer devant la cathédrale et son baptistère. C’est qu’elle est là sur son promontoire dominant la ville depuis déjà quatre siècles – la pierre de fondation indique 1107 – et sa façade majestueuse en impose. Elle a été achevée en à peine soixante ans, puis, bien sûr, elle a connu des agrandissements et des aménagements au cours des deux siècles suivants. Mais c’est la même splendeur qu’admirait Antoine-Marie au cours de ses déambulations de charité. Et s’il lève les yeux, sans pourtant freiner son ardeur de serviteur, c’est pour invoquer celle dont la cathédrale porte le nom : Notre Dame de l’Assomption.

Qu’elle nous aide à reconnaître la seule beauté qui vaille, celle du Christ présent dans les pauvres qu’Antoine-Marie avait choisi de servir.

Le Vivarais

Saint François Régis, le « marcheur de Dieu », est mort depuis trente ans lorsque Pierre Vigne voit le jour à Privas. La terre austère et montagneuse du Vivarais forge des hommes rudes et tenaces à l’étoffe d’apôtres.

Avec le bienheureux Pierre, prenons la route du missionnaire itinérant qui, le bâton à la main, sillonne inlassablement les routes du Vivarais et du Dauphiné, terre voisine de l’autre côté du Rhône, poussant ses pas vers la Haute-Savoie ou l’Hérault au gré des missions paroissiales qui lui sont confiées.

Il faut de l’endurance pour grimper sur ces causses arides, et de la patience pour atteindre les villages reculés dans l’unique but d’annoncer aux villageois isolés la beauté du Créateur. Mais à regarder la flore et la faune, à observer la course du soleil là-haut dans le ciel, le jeu des ombres sur les collines ou le ballet d’intrépides oiseaux, il y a de quoi nourrir l’émerveillement et la louange. Et la marche s’allège quand le cœur est rempli de cet amour débordant. Alors il faut repartir, et marcher plus loin, vers d’autres villages, franchir le Rhône et s’enfoncer dans la riante vallée de l’Isère : Roman, Saint-Marcellin, Voiron. Et là, à droite, la grande falaise du Vercors qui garde bien son mystère, mais se laisse vaincre par la charité de l’audacieux missionnaire que nous accompagnons.

Marcher ! Quoi de plus spirituel que cette attitude qui nous déplace sans cesse, non pas tant physiquement qu’intérieurement. Car la marche est compagne de la contemplation. Que Pierre Vigne nous l’enseigne en ce jour.

Subiaco

Saint Benoît se fait notre guide aujourd’hui. Lui, qui n’a cherché que la stabilité en Dieu, est désigné comme le patron de l’Europe. Haute mission qui lui vient du rayonnement de l’ordre qu’il a fondé par nécessité plus que par choix personnel.

Benoît quitte Nursie et la douceur de son Ombrie natale pour aller étudier à Rome, capitale décadente d’un Empire en état de décomposition. Chrétien depuis l’enfance, Benoît fuit ce lieu et le bel avenir qu’il s’y préparait, et choisit une pauvre grotte au cœur des montagnes du Latium pour y ouvrir le livre de la vie et de la science de Dieu en se penchant sur la Bible et sur la nature qui l’entoure. Car elle est magnifique, la nature vierge et sauvage qui lui sert d’habitat et de motif de louange !

Aujourd’hui, un sanctuaire agrippé à la roche abrite la grotte de Benoît. Prodige d’architecture ! Est-ce l’image d’un « château intérieur » ? Cela en a tout l’air ! D’étroits passages en chapelles, l’enchevêtrement mène au lieu où Benoît inclinait l’oreille de son cœur pour « écouter les préceptes du Maître ».

Tout semblait lui sourire quand des disciples viennent lui demander de les instruire dans l’art de suivre Dieu. Benoît et ses émules trouvent à Subiaco un promontoire escarpé non loin d’une rivière où s’installer et construire le premier monastère de ce qui deviendra l’ordre de Saint-Benoît. Impossible pour nous de pénétrer l’ensemble des imposants bâtiments. Seule l’église nous accueille dans son silence où la Parole habite. Écoutons-la.

Bamberg

Certains saints renoncent au monde, d’autres ne le peuvent pas. Henri est de ceux-ci. Duc de Bavière puis roi de Germanie et d’Italie, c’est à Rome qu’il est sacré empereur d’Occident en 1014. La sainteté s’épanouit dans toutes les cours, celles des fermes et celles des rois ! Henri et sa femme Cunégonde en sont les témoins.

En devenant roi de Germanie, Henri choisit Bamberg pour capitale. Bientôt, il en fait un évêché et préside à la construction de la cathédrale. Celle que nous avons sous les yeux est plus jeune d’un siècle, la première ayant brûlé. Si ses quatre tours majestueuses la font distinguer de loin, la contempler depuis la place permet d’en apprécier la noble majesté.

Il ne reste qu’à pénétrer à l’intérieur au risque d’y être légèrement déstabilisé devant une particularité de l’architecture impériale carolingienne. Il s’agit des deux chœurs qui se font face d’un bout à l’autre de la nef. Dans le chœur oriental se trouve le sanctuaire, et dans le chœur occidental, la tribune de l’empereur. C’est là que se trouve le tombeau monumental de saint Henri et de sainte Cunégonde. De ce point, le regard embrasse la longue perspective de la nef, attiré vers la lumière qui ruisselle des hautes fenêtres du chœur oriental.

Séduits par la vraie lumière, Henri et Cunégonde, sans rien négliger des devoirs de leur charge, ont vécu une vie quasi monastique, selon l’idéal de sainteté de l’époque. Quel chemin de sainteté s’ouvre pour nous dans la « cour » où nous vivons ?


©MGF no 320, Juillet 2019

Chronique à suivre

Partager sur :

Bénédicte Ducatel

Grande liturgiste, Bénédicte Ducatel a été rédactrice en chef adjointe de Magnificat.

Mgr Timothy Verdon

La prière dans l'art

Un magnifique parcours spirituel et artistique

“Le désir de voir Dieu n’est pas une simple curiosité, mais une impulsion profonde de la foi chrétienne. “Le verbe s’est fait chair, il a habité parmis nous, et nous avons vu sa gloire” (Jn 1, 14).”

Monseigneur Timothy Verdon est l’un des historiens de l’art chrétien les plus respectés. Diplômé de l’Université de Yale, il vit en Italie depuis plus de 50 ans. Chanoine de la cathédrale Santa Maria del Fiore à Florence, il y dirige le service diocésain d’art sacré ainsi que le musée de la Cathédrale (Museo dell’Opera del Duomo).

Relié – Tranchefile et jaquette – 272 pages – 22 x 29 cm – 39€

9 jours avec Saint Joseph

retraite en ligne

9 jours avec Saint Joseph

Chaque jour, laissons-nous guider par saint Joseph dans tous les aspects de notre vie !

Chaque matin, plongez au cœur de la lettre apostalique Patris corde.

Chaque soir, prenez le temps de méditer.