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Les trésors de la rédaction

Job et la persévérance

Par Nathalie Nabert

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Si Job se montre ferme dans la ligne persévérante qu’il s’est imposée, il n’en reste pas moins vrai que le silence de Dieu fait vaciller les âmes les mieux trempées

Job est une figure en clair-obscur dans notre mémoire biblique. Tantôt plongé dans l’obscurité de la souffrance, tantôt élevé à l’éclat de la sainteté par sa résistance au mal absolu, Job déroute et suscite le pâtir, tant sa condition humaine pose tout simplement la question de l’humain face au divin. Le mal injustifiable, le mystère de la souffrance et la leçon de sagesse qui en découle sont les ressorts d’une dynamique scripturaire qui ne cesse jamais d’être d’actualité dans un monde qui n’en a pas fini avec l’instinct meurtrier et la violence.

Le mal injustifiable

Le livre de Job, ou plus exactement le « corpus jobien », a été écrit sur une longue période, à partir du deuxième millénaire avant Jésus Christ, sans doute par différentes mains et dans un contexte souvent difficile, comme l’exil des Judéens en Babylonie au vie siècle avant Jésus Christ. Cinq parties distinctes témoignent de l’étendue de son écriture. Le prologue, sans doute issu d’une tradition folklorique orale, le dialogue avec les trois amis, le discours en vers avec le quatrième ami, le dialogue entre Job et le Seigneur, et, enfin, l’épilogue en prose où Job retrouve sa santé, ses biens et une nouvelle famille déclinent sous des éclairages différents le poids du malheur et le combat spirituel pour y faire face.

Job l’imperturbable nous émeut et foudroie notre faiblesse par son refus de céder à l’adversité et à l’Adversaire que Dieu lui envoie, pour l’éprouver à travers la lèpre et sa femme qui défie sa fidélité : Et l’Adversaire, quittant la présence du Seigneur, frappa Job d’un ulcère malin depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête. […] Sa femme lui dit : « Tu persistes encore dans ton intégrité ! Maudis Dieu et meurs ! » (Jb 2, 7-9) La réponse de Job sera sans appel, et elle nous éclaire de la vive lumière de la confiance : Si nous accueillons le bonheur comme venant de Dieu, comment ne pas accueillir de même le malheur ? (v. 10). Ce que certains qualifient de fatalisme est la réalité objective d’une foi inaltérable qui met en échec le mal, n’ayant plus aucune prise sur le désespoir.

Le mystère de la souffrance

Cependant, la souffrance, cette atteinte à l’intégrité charnelle et spirituelle, est le pivot de toutes les débandades humaines et, même si Job se montre ferme dans la ligne persévérante qu’il s’est imposée, il n’en reste pas moins vrai que le silence de Dieu fait vaciller les âmes les mieux trempées. Le premier poème de Sofar évoque cela en prélude à la leçon sapientielle : Mais si seulement Dieu voulait parler, si pour toi il desserrait les lèvres, s’il te dévoilait les secrets de la sagesse tellement subtils à entendre, alors tu saurais que Dieu oublie une part de tes fautes (Jb 11, 5-6). Mais pour finir, ce discours se révélera moins riche que l’expérience même de Job. La souffrance et le silence de Dieu se font révélateurs d’une conscience de la fragilité humaine : Un être qui se désagrège comme bois vermoulu (Jb 13, 28) et d’un désir de purification : Je rendrai compte au Puissant du nombre de mes pas ; tel un prince, je m’avancerai vers lui (Jb 31, 37). Le désir de Dieu au sein de l’ouragan révèle l’être à sa nature divine et le conduit à se dégager de sa gangue.

Une leçon de sagesse

Mais que reste-t-il de cette confrontation de l’homme inquiet et blessé avec le mal qui dissipe la présence de Dieu, enfoui dans le silence de l’éternité ? Il pourrait ne demeurer qu’amertume et frustration. Mais la leçon du livre de Job est bien différente. Dieu parle sans mot dans le cœur formé à la maïeutique de la souffrance qui met au monde et fait voir. Ainsi du chapitre 19 au chapitre 40, la vision de Dieu s’impose par l’intuition d’un rédempteur tout d’abord : Mais je sais, moi, que mon rédempteur est vivant (Jb 19, 25) et par l’expérience ensuite qui fait mesurer toute chose en Dieu : C’est par ouï-dire que je te connaissais, mais maintenant mes yeux t’ont vu (Jb 42, 5). Alors, le fidèle entre tous, l’homme fier et virginalement touché par Dieu peut se repentir de ses fautes humaines sur la poussière et sur la cendre (v. 6) et accomplir sa vocation théophore dans l’humilité de la condition humaine, telle que le peintre Georges de La Tour l’a représentée dans les teintes feu et terreuses de la passion et de la tourmente.

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Nathalie Nabert

Nathalie Nabert, laïque et mère de famille, est poète, doyen honoraire de la faculté des lettres de l’Institut catholique de Paris, professeur de littérature médiévale, fondatrice du CRESC, « Centre de recherches et d’études de spiritualité cartusienne », et de la collection « Spiritualité cartusienne » chez Beauchesne. MGF no 304, mars 2018

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