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Les trésors de la rédaction

La liturgie et le temps

Par Serge Kerrien

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Cyclique, le temps liturgique nous permet d’approfondir toute l’année le message d’espérance de la Bonne Nouvelle. Il est aussi un avant-goût d’éternité.

Avoir le temps, prendre le temps. Toute la vie des hommes, même en vacances, est marquée par le temps. La vie s’inscrit dans un passé, un présent, un avenir. Elle est balisée par les années, les mois, les journées, les heures, les anniversaires et de multiples indications temporelles qui n’épargnent pas les agendas trop remplis. Et nous courons après le temps, regardant sans cesse nos montres, demandant l’heure, nous interrogeant sur l’âge des personnes comme sur les dates de péremption des produits alimentaires. Si l’homme donne tant de place au temps, s’il cherche à se l’approprier, à le maîtriser, c’est parce qu’il y a la mort et donc l’arrêt brutal du temps. La liturgie, pour sa part, s’est saisie de la question du temps avec un autre regard, qui peut enrichir notre façon de nous rapporter au temps.

Temps de Dieu, temps des hommes

Et voici que, sur cette ligne du temps des hommes, intervient le temps de Dieu, ces moments où Dieu vient rencontrer l’homme dans son histoire : il interpelle Abraham, Moïse, envoie les prophètes, sollicite Marie, prend visage humain en Jésus, et donne l’Église à l’humanité. Ainsi, le temps de Dieu s’inscrit dans le temps des hommes et le croise, mystère du salut, mystère d’incarnation, de mort, de résurrection. Désormais, les croyants vont situer leur temps par rapport au temps du salut : avant ou après Jésus Christ. Temps de Dieu et temps des hommes sont étroitement liés. Là naît le temps liturgique, marqué par l’année liturgique qui déroule les facettes du mystère du salut et rappelle ces grands moments où temps de Dieu et temps des hommes se rencontrent. Là trouve sa source le dimanche, mémorial du salut en Jésus Christ. Là trouve sa raison la liturgie des Heures qui sanctifie l’activité humaine et rythme la vie de l’Église. On ne peut séparer la temporalité chrétienne de la temporalité humaine parce que l’Église porte le temps de Dieu dans le temps des hommes. C’est ce qu’exprime la liturgie.

Année liturgique et rythme de vie

Très tôt, les chrétiens ont voulu célébrer le mystère pascal chaque dimanche. Ils ont aussi célébré Pâques chaque année. L’année liturgique s’est développée progressivement à partir de la compréhension du mystère pascal dans sa globalité : Incarnation, Passion, mort, résurrection, glorification, don de l’Esprit. Ainsi, l’année liturgique structure le chrétien. Elle est cyclique, non pas pour s’enfermer sur elle-même de façon stérile, mais pour créer un mouvement permanent qui va de la mort à la vie. Elle creuse en nous, à la manière d’une vrille, le désir de Dieu, si nous nous laissons prendre par le temps de l’Église qui déploie l’histoire de l’Alliance.

L’année liturgique, comme le rythme des vacances, comporte donc une part de passivité, c’est le temps où Dieu agit et où nous nous laissons modeler par lui. L’année liturgique nous donne de vivre une expérience catéchuménale en tant qu’elle nous apprend un nouveau rythme de vie. Elle n’a rien d’un feuilleton aux multiples épisodes retraçant la vie de Jésus. Elle donne un sens à nos vies, un sens qu’il nous faut lire et interpréter chaque jour, un sens qui nous fait veilleurs dans la foi et pèlerins de la rencontre du Christ, un sens qui nous ouvre les yeux sur le mystère de l’amour donné.

La liturgie des Heures ou jour liturgique

Au cycle de l’année liturgique vient s’ajouter le cycle quotidien de la liturgie des Heures ; parce que chaque jour nous sommes invités à rendre grâce, à offrir le sacrifice de louange. Et la liturgie des Heures assure, avec toute l’Église, la sanctification du temps quotidien et de toute la vie humaine. Elle nous prépare à l’action de grâce de l’eucharistie en nous rappelant que toute heure du jour est un don de Dieu. De l’office des lectures jusqu’aux complies, en passant par laudes, les heures du milieu du jour (tierce, sexte, nonne) et les vêpres, toute notre vie est action de grâce pour le salut reçu en Jésus Christ. Cette liturgie des Heures répond à l’invitation que le Christ adressait à ses disciples : Il faut toujours prier sans se décourager (Lc 18, 1).

Centrée sur la parole de Dieu, dont les psaumes sont une part importante, cette sanctification quotidienne du temps est un lieu privilégié du dialogue d’alliance entre Dieu et les hommes, Alliance nouvelle qui culmine dans l’eucharistie. Elle nous rappelle que toute heure du jour est aussi un don de Dieu, et qu’il convient de lui en rendre grâce. S’inscrivant dans la même dynamique que l’année liturgique, la liturgie des Heures s’en démarque par un enracinement cosmique qui en fait l’originalité. En effet, comme son nom l’indique, elle se déroule tout au long de la journée et aussi de la nuit. Elle est une forme de consécration du temps, d’un temps où l’on vit les mystères de l’Alliance et qui met en tension vers l’éternité.

Le temps et la célébration liturgique

Cette notion de temps va marquer la célébration liturgique et, bien entendu, la manière dont nous vivons l’année liturgique, l’alternance des temps de fêtes et du temps ordinaire, les couleurs particulières qui sont données aux différentes facettes du mystère du Christ. Ces attentions au cycle de la Révélation nous font prendre en compte la temporalité de la vie humaine et structurent l’identité croyante. Il est tout aussi nécessaire de prendre en compte le temps de la célébration elle-même. Elle a besoin de temps pour que chacun puisse s’enrichir des différentes attitudes spirituelles qu’elle met en œuvre, pour que les rites nous ouvrent à la rencontre du Seigneur.

Célébrer demande du temps et rien ne serait pire que de le faire contre la montre. Celui qui croit perdre son temps dans la célébration liturgique parce qu’elle comporte trop de silence, trop de déploiement rituel, se trompe. Faire silence, écouter la Parole et la laisser résonner, poser les gestes et les signes paisiblement nous font gagner le temps de Dieu, le temps de la rencontre. Accepter de perdre notre temps d’homme nous inscrit alors dans le temps de Dieu.

Un temps tourné vers l’avenir

Si l’homme attache tant d’importance au temps, c’est parce qu’il y a la mort, je l’ai indiqué au début de ces quelques lignes. Mais, en réalité, si l’Église donne au temps une telle importance, c’est parce qu’au bout du temps, il y a la vie. Toute l’année liturgique et toute la liturgie des Heures sont tournées vers les derniers temps, vers la venue du Seigneur dans la gloire. Le temps de l’Église nous tourne vers un « à venir », nous fait annoncer à chaque anamnèse la plénitude à venir de ce que nous célébrons : la vie en Dieu.

Toute vie chrétienne est une vie d’attente de la venue du Seigneur et la prière liturgique entretient le désir de cette attente, le désir d’un Dieu objet de notre désir qui nous fait dire avec le psalmiste : Mon âme a soif de Dieu, le Dieu vivant ; quand pourrai-je m’avancer, paraître face à Dieu ? (Ps 41, 3). Le temps du chrétien ne s’arrête jamais. La liturgie n’est pas statique, elle est une ouverture permanente sur l’avenir parce que Dieu vient sans cesse à notre rencontre jusqu’au jour du Royaume. En cela, elle nous tourne vers la vie.

Temps et liturgie sont étroitement liés dans la mesure où la liturgie, sous des formes variées, fait faire l’expérience de la rencontre du temps des hommes et du temps de Dieu. Elle nous fait expérimenter la tension entre le temps que l’on voudrait avoir, que l’on aimerait saisir et ce temps où Dieu a l’initiative. Alors, pendant les vacances, certainement, prenez du temps pour Dieu, mais surtout, laissez-vous prendre par le temps de Dieu.

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Serge Kerrien

Serge Kerrien, diacre du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, est délégué épiscopal à la proposition de la foi. MGF no 297, août 2017

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