Magnificat

Les trésors de la rédaction

Manger la Parole et le Pain

Par Père Dominique Le brun

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Dès le début de la messe, rassemblés, nous sommes en route vers la communion. Un premier chant de louange nous met sur le chemin. Et l’aveu de notre faiblesse, devant des frères et sœurs, confesse à Dieu notre désir de vraiment communier à son amour. L’écoute de sa Parole fait grandir ce désir et le réalise. Les autres gestes de la liturgie l’expriment jusqu’au geste suprême de la communion eucharistique.


« L’Eucharistie est lumière avant tout parce que, à chaque messe, la liturgie de la Parole de Dieu précède la liturgie eucharistique, dans l’unité des deux « tables », celle de la Parole et celle du Pain†», explique Jean-Paul II. Quelle est donc cette double table ?

Le trésor de la Parole

Nous accueillons avec joie la liturgie de la Parole. L’Ecriture s’y dévoile semaine après semaine, jour après jour pour beaucoup de lecteurs de Magnificat. Comme l’a voulu le Concile Vatican II, la table de la Parole ouvre abondamment les trésors de l’Ecriture aux fidèles.

Ainsi, du lundi 6 au jeudi 23 juin nous pourrons lire -mieux écouter – le discours de Jésus sur la montagne qui commence et se termine ainsi : « Quand Jésus, vit la foule, il gravit la montagne, il s’assit, et ses disciples s’approchèrent. Alors ouvrant la bouche, il se mit à les instruire […] Jésus acheva ainsi son discours. Les foules étaient frappés par son enseignement, car il les instruisait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes†» (Mt 5, 1-2 […] 7, 28-29).

N’hésitez pas à vous mettre à table longuement†pour accueillir ce trésor : pendant ces semaines, reprenez votre bible pour lire en une seule fois l’intégralité de ces trois chapitres de l’évangile selon Saint Mathieu. Un temps long de rencontre avec la Parole permet de mieux rencontrer son Auteur !

De l’Ecriture à l’Auteur

Oui, il instruit en “homme qui a autorité”, l’autorité de celui qui est l’Auteur c’est-à-dire la source. “Le Christ est là présent dans sa parole, car c’est lui qui parle tandis qu’on lit dans l’Église les saintes Écriture … Il est là présent lorsque l’Église prie et chante les psaumes”. Le Concile Vatican II parle ici de la messe et de la liturgie des heures.

Cette présence n’est pas magique et soumise aux décibels envoyés par des cordes vocales ; elle est permanence pour l’Église qui ne cesse de tendre l’oreille et le cœur : “pour l’accomplissement de cette grande oeuvre [la liturgie], le Christ s’associe toujours l’Église, son épouse …” (Ibidem). C’est dans ce lien d’alliance et d’amour entre notre Seigneur et la communauté que passe la Parole. C’est le travail de l’Esprit, lien d’amour entre le Père et le Fils, don fait à leur Eglise.

Bien entendu, la compréhension de l’Ecriture et donc une bonne proclamation sont essentielles. Mais la rencontre avec l’auteur est au-delà. Comme le dit la Lettre aux hébreux, le Verbe s’est fait chair après que “Dieu a parlé à nos pères par les prophètes sous des formes fragmentaires et variés” (1,1) ; Maintenant, il nous parle “par ce Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé le monde” (1,2).

Revitalisez votre réponse à l’acclamation “Parole du Seigneur” qui conclue la proclamation : – Nous rendons grâce à Dieu ! Et après l’Evangile : – Louange à toi, Seigneur Jésus ! Puisse l’Esprit Saint faire de nos acclamations des actes de foi en sa présence.

De la lettre à l’Esprit

Certes, la liturgie de la Parole nous enseigne. En réalité, elle nourrit : “Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu” (Mt 4, 4). Il ne s’agit pas tant de réfléchir que de manger. Les pères du désert parlent volontiers de ruminer. C’est là l’œuvre de l’Esprit qui, après avoir conçu Jésus dans le sein de la Vierge Marie, fait naître et renaitre la Parole au sein de l’Église.

Ruminer, c’est prendre le temps de l’assimiler. Comment faire sinon en essayant de s’en souvenir pour la faire passer inlassablement du cœur à la bouche et de la bouche au cœur ? Pourquoi, ne pas essayer en ce mois de juin de retenir au moins un verset de la Parole de Dieu chaque dimanche et d’en faire, selon les cas, une introduction à votre prière du matin ou du soir ?

Comment choisir ? Ne vous précipitez pas trop vite sur les mots ou les phrases qui vous semblent faciles d’application. Nous ne venons pas à la messe pour trouver une recette pour la semaine ; moins encore, pour recevoir de quoi alimenter une mauvaise conscience ! Choisissez ce qui vous semble lumineux, ce qui vous semble savoureux !

Et si vous hésitez et que vous fréquentez la Liturgie des heures, laissez-vous guider par elle. Pour les antiennes du “Benedictus” et du “Magnificat”, elle adopte chaque dimanche un ou deux versets de l’Ecriture à peine adapté, c’est à dire simplement ruminé. Le dimanche 5 juin, par exemple, l’Evangile se termine par ces mots de Jésus : “Allez apprendre ce que veut dire cette parole : C’est la miséricorde que je désire et non les sacrifices. Car je suis venu appeler non pas les justes mais les pécheurs.” (Mt 9, 13). L’antienne de ce dimanche en est très directement inspiré : “Tu ne veux pas de sacrifice, mais tu veux l’amour : tu ne viens pas appeler les justes mais les pécheurs”. Magnifique introduction et conclusion à nos journées pour cette semaine-là !

La messe, présence réelle de la Parole

Si l’on prend en considération le déroulement de la messe, la liturgie de la Parole est plus large que la lecture des trois textes : elle semble se répandre dans toute la messe. Sans doute avez-vous remarqué que certains rites et les paroles qui les accommpagnent ruminent la Parole de Dieu.

Dès le début, le signe de croix lui-même est extrait de l’Évangile : “Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit” (Mt 28, 19) ; les paroles de la consécration ne sont autres que celles rapportées par les Evangélistes ou par Saint Paul ; la désignation de l’ “Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde” juste avant la communion reprend les paroles de Jean le Baptiste (Jn 1, 29) et la réponse des fidèles “Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir …” celles du centurion (Mt 8, 8). Mais il y a aussi le chant du sanctus, les dialogues et bien des passages des prières eucharistiques.

Peut-être, comme moi, hésitez-vous à jeter les numéros de Magnificat. Qu’en faire ? Une suggestion vous permettra d’en garder un utilement : En suivant les pages de la liturgie de la messe, surlignez toutes les phrases ou toutes les expressions qui vous apparaissent venir de l’Écriture. Puis gardez-le à porter de main : au fur et à mesure de votre fréquentation de la bible d’autres apparaîtront certainement ! Nul doute que la Parole sera rapidement présente à toutes les pages ou presque : la messe est présence réelle de la Parole.

La messe, toute entière liturgie de la Parole, est communion avec Celui qui met dans le cœur de l’homme “la faim” de sa Parole (cf. Amos 8, 11). Telle est la table unique de la Parole et du pain. Puisse la grâce de l’année de l’Eucharistie nous donner faim de la vraie nourriture.

« Dieu a mis dans le cœur de l’homme la « faim » de sa Parole (cf Amos 8, 11), une faim qui sera assouvie uniquement dans l’union totale avec lui. La communion eucharistique nous est donnée pour « nous rassasier » de Dieu sur cette terre, dans l’attente que cette faim soit totalement comblée au ciel », explique Jean-Paul II en cette année de l’eucharistie.

Le désir de communion

Que signifie la faim de la Parole de Dieu ? Un vide à remplir ? Une solution à trouver pour nos problèmes ? La recherche d’une satisfaction ? Le Pape le dit clairement : c’est un chemin vers la rencontre définitive avec Dieu. Bref, nous allons communier pour avoir le désir du ciel.

En fait, il s’agit de la rencontre du désir de Dieu lui-même que le Verbe a exprimé en prenant chair. La communion eucharistique est réponse à la volonté du Père de nous voir demeurer en son Fils en qui il a mis tout son amour. Jésus nous le révèle dans sa prière de souverain prêtre : « Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyée » (Jn 17, 21).

Dès le début de la messe, rassemblés, nous sommes en route vers la communion. Un premier chant de louange nous met sur le chemin. Et l’aveu de notre faiblesse, devant des frères et sœurs, confesse à Dieu notre désir de vraiment communier à son amour. L’écoute de sa Parole fait grandir ce désir et le réalise. Les autres gestes de la liturgie l’expriment jusqu’au geste suprême de la communion eucharistique.

Communier au désir de Dieu

La célébration de l’Eucharistie, grâce à l’effusion de l’Esprit Saint, rend présente cette communion du Père et du Fils. Comment y entrer sans d’abord reconnaître les blessures infligées par l’homme à la communion d’origine avec son créateur et que le Fils a affronté jusqu’à la mort ?

Ces blessures sont toujours présentes de bien des manières. « C’est pourquoi l’Église pose des conditions pour pouvoir prendre part de manière plénière à la célébration eucharistique », affirme le Pape. Mais ces conditions ne doivent être qu’un appel à un désir plus grand de communion avec la volonté du Père, volonté que le Corps entier doit accomplir à la suite de Jésus : « Les diverses restrictions doivent nous pousser à prendre toujours plus conscience de tout ce qu’exige la communion à laquelle Jésus nous appelle » (Ibidem).

Cet appel s’adresse à tous : communiants et non communiants, unis dans un même désir. Quoiqu’il en soit de notre possibilité de communion eucharistique, communions réellement au désir de communion de notre Dieu. Ce désir est celui de la communion fraternelle qui ne concerne pas seulement les biens spirituels mais aussi les biens matériels. Le Verbe s’est fait chair pour qu’avec notre chair aussi nous soyons en communion avec notre Dieu très aimant.

La Parole en terre

C’est ainsi que nous pouvons entendre la parabole du semeur le dimanche 10 juillet alors qu’un peu partout en France ce sera déjà le temps de la moisson ! « Celui qui a reçu la semence dans la bonne terre, c’est l’homme qui entend la Parole et la comprend ; il porte du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un » (Mt 13, 23). La semence désire devenir fruit savoureux et abondant.

En communiant nous mangeons la Parole du Père : le Corps du Christ. Déjà enfoui et caché dans le pain consacré sur l’autel, la Parole du Père n’a qu’un désir : demeurer en nous comme Jésus l’exprime  à ses disciples : « Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut porter du fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi » (Jn 15, 4).

En communiant, nous accueillons et nous suivons tout à la fois le chemin du Verbe. Nous chantons ce chemin d’enfouissement à la prière du samedi soir dans une hymne tirée du nouveau testament et qui introduit au dimanche (Ph 2, 6-8, p. 000) :

Le Christ Jésus,
ayant la condition de Dieu,
ne retint pas jalousement
le rang qui l’égalait à Dieu.
Mais il s’est anéanti,
prenant la condition de serviteur.

Devenu semblable aux hommes,
reconnu homme à son aspect,
il s’est abaissé,
devenant obéissant jusqu’à la mort,
et la mort de la croix.

Devenir Parole et pain de communion

Communier, c’est participer à cet enfouissement, à ce don d’amour qui portera son fruit lorsque Jésus, enseveli, ressuscitera et entrera dans la Gloire du Père. En mangeant le corps du Christ, Parole du Père, nous devenons porte-parole de leur communion d’amour. Nous rendons Gloire à Dieu ! Nous rejoignons le ciel car nous continuons de suivre son ensevelissement sur terre : « Chaque fois que vous mangez ce pain et buvez à cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il revienne », dit saint Paul (1 Co 11, 26).

La communion est bien loin d’être une récompense ! En mangeant la Parole et le Pain, notre vie devient réceptacle de la grâce d’union du Père et du Fils, comme la terre est unie à la semence pour produire son fruit. Pour cela il faut certes du temps et de la patience, le temps et la patience connus du Semeur. Il faut surtout s’offrir à la grâce de Dieu.

Comme la parole n’existe que lorsqu’elle sort de la bouche ; comme le pain n’est fait que pour être mangé, n’ayons pas peur d’annoncer notre communion, de sortir pour semer à notre tour ou, plutôt, être semé. D’autres ont encore « faim » de la Parole d’amour du Père.

N’ayons pas peur de la joie de devenir Parole et pain de communion !
Allez dans la paix  du Christ !

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Père Dominique Le brun

MGF no 151 et 152 (juin et juillet 2005)

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