Les trésors de la rédaction

Pèlerins du Carême

Par Bénédicte Ducatel

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On compare volontiers le Carême à une traversée du désert, un pèlerinage, une marche voire une montée vers Pâques. Toutes ces images ont leur valeur. Comment la liturgie accompagne-t-elle les baptisés sur ce chemin ?

La liturgie nous offre deux repères pour avancer : d’une part, les lectures quotidiennes et, d’autre part, les oraisons qui jalonnent le déroulement de la messe. (1)

Les lectures ont pour but de nous aider à approfondir notre connaissance du dessein de Dieu en Jésus, mais aussi de nous révéler qui est Dieu, comment il agit et comment il attend que nous nous comportions avec lui et avec nos frères.

Les oraisons nous révèlent elles aussi, à leur manière, quel est ce Dieu auquel l’Église s’adresse, mais surtout elles nous donnent les mots de la prière qui lui plaît. Nous recevons donc de l’Église le juste mouvement de la prière qui porte le Carême.

Ainsi se dessine une sorte de feuille de route liturgique, qui passe entre autres par ces deux points obligés : Écriture et oraisons. Encore ne savons-nous pas vraiment au départ quels déplacements cela va opérer en nous, ni quelles découvertes nous allons faire. N’oublions jamais que l’Esprit Saint nous mène au gré de son souffle, lui qui inspire l’Écriture autant que la prière.

Connaître

« Accorde-nous, Dieu tout-puissant, tout au long de ce Carême, de progresser dans la connaissance de Jésus Christ. » Si tel est le but, clairement indiqué dans l’oraison d’ouverture du 1er dimanche de Carême, le moyen est donné par celle du 2e dimanche. En lien avec l’Évangile de la Transfiguration, l’oraison rappelle la demande du Père : écouter son Fils bien-aimé.

Écouter est un moyen sûr de connaître, encore faut-il que cette écoute soit attentive. Ce que le Christ dit est une parole de salut, une parole où il se donne à connaître comme celui qui relève, libère, guérit et par-dessus tout pardonne. C’est pourquoi nous demandons : « Fais-nous trouver dans ta parole les vivres dont notre foi a besoin. » Chaque jour, quand nous allons à la messe ou méditons dans le silence de notre cœur, nous pouvons reprendre les mots de cette prière qui nous fait désirer que la Parole soit une nourriture substantielle qui nourrisse notre foi. La Parole est un ancrage solide, qui nous est donné « pour nous former à la vie avec le Christ » (prière d’ouverture, mercredi de la 3e semaine).

Progresser

Le seul mot « progresser » indique une marche, ou tout au moins une démarche, constante. Un pas à pas soutenu. Qu’il soit lent ou rapide importe peu. Ce qui compte c’est avancer. Or ce qui fait progresser, c’est de choisir « toujours ce qui est bon », dit l’oraison du mercredi de la 2e semaine. La parole de Dieu méditée nous enseigne « ce qui est bon », c’est-à-dire ce qui plaît à Dieu et rend heureux nos frères. Mais il nous faut prier pour que cet enseignement prenne corps dans notre vie : « Afin que nous soyons tout entiers [au service du Seigneur], dans la recherche de l’unique nécessaire, et une vie remplie de charité » (prière d’ouverture, samedi de la 1re semaine) ce qui n’est possible qu’en étant « dociles à ton Esprit » (prière d’ouverture, jeudi de la 2e semaine).

Progresser vers l’unique nécessaire. Qu’est-ce à dire ? Que Dieu vers qui nous cheminons est l’Unique nécessaire. Certes c’est l’objet de notre foi. Mais avancer vers Dieu implique aussi et corrélativement de se dépouiller du superflu pour ne conserver que l’unique nécessaire, ce peu de chose nécessaire à la vie quotidienne. Le Viens, suis-moi adressé à Lévi lui donne immédiatement conscience des deux versants de cet unique nécessaire. Il abandonne tout – la richesse d’un collecteur d’impôt – et mieux encore, ce voleur des pauvres, des exclus, des petits, leur offre le banquet de la charité où Jésus prend place pour consoler, pardonner, enrichir. Alors sur la route, faisons nôtre la prière de l’Église : « Purifie-nous des convoitises de ce monde et conduis-nous aux richesses du Royaume » (prière sur les offrandes, mardi de la 2e semaine).

S’abreuver

Le pèlerin du Carême marche et progresse vers une source qui l’attire. Elle est toujours devant, à l’horizon de la marche, mais elle s’offre pour abreuver au fur et à mesure celui qui s’est mis en marche, à l’image du rocher qui suivait les Hébreux dans le désert. Et il est nécessaire de s’abreuver pour tenir la distance, plus encore pour comprendre le bonheur de vivre auprès de la source d’eau vive qui guérit et régénère, et au-delà pour que nos vies deviennent en [nous] une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle, comme le dit Jésus à la Samaritaine (Jn 4, 14).

Et pour avoir accès à la « source de toute bonté » qu’est le Seigneur de toute miséricorde, il nous faut simplement faire « l’aveu de notre faiblesse », faiblesse devant les tentations diverses et variées dont la vie quotidienne nous accable, faiblesse de notre volonté, de notre foi, de notre amour, de notre espérance, etc. Alors, il ne reste plus qu’un seul chemin vers la source, celui de l’abandon à Dieu : Je dis : « Tu es mon Dieu ! » Mes jours sont dans ta main (Ps 30, 15-16) ; je rendrai grâce au Seigneur en confessant mes péchés (Ps 31, 5). Et la fatigue du pèlerin s’évanouit tandis qu’il continue d’un pas léger en priant :

« Tu as préparé, Seigneur, pour nous qui sommes faibles,
les secours dont nous avons besoin ;
donne-nous d’accueillir avec joie notre relèvement
et d’en témoigner par la fidélité de notre vie »

(prière d’ouverture, vendredi 4e semaine).

Participer

Peu de temps avant d’arriver au terme du pèlerinage, une station auprès de la Vierge Marie, celle de l’Annonciation, nous est offerte, sans doute parce qu’elle a quelque chose de particulier à nous confier sur le but précis de notre mise en route et dont nous trouvons l’écho dans la prière d’ouverture de la fête :

« Seigneur, tu as voulu que ton Verbe prît chair
dans le sein de la Vierge Marie ;
puisque nous reconnaissons en lui notre Rédempteur,
à la fois homme et Dieu,
accorde-nous d’être participants de sa nature divine. »

Ainsi, ayant appris à reconnaître le Christ comme notre Rédempteur, celui qui vient nous libérer de tout mal, nous demandons de lui être unis de manière si intime que nous devenions « participants de sa nature divine ». Ce n’est pas là l’audace de quelques fous, mais le don même que Dieu nous réserve. Le don qui sous-tend tout son dessein d’alliance et dont l’incarnation de Jésus est le signe tangible. Il s’est fait participant de notre humanité pour que nous participions à sa divinité. Ne peut-on désirer plus belle conclusion de notre marche de Carême ? La liturgie nous offre des moments particuliers où s’unissent prière et engagement de toute la personne. Car demander d’être participants de la nature divine, c’est en même temps accepter, à l’image de Marie, d’y donner une réponse d’acquiescement : Que tout m’advienne selon ta parole (Lc 1, 38).

À l’horizon d’une telle participation, il y a bien la croix et la Passion, tant pour le Christ que pour nous. Nous y aurons part en vérité si nous adoptons, comme Marie et tant d’autres après elle, l’obéissance comme soutien de notre marche du Carême. Mais une obéissance à l’amour surabondant de Dieu dont nous avons découvert l’infinie profondeur sans commune mesure avec nos fautes et leurs conséquences.

D’un tel amour, Pâques est la célébration annuelle, le dimanche, la célébration hebdomadaire et l’eucharistie, la célébration quotidienne. Puisse la liturgie du Carême nous aider à désirer « être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité » !


1. Les oraisons citées dans cet article de mars 2015 sont tirées de l’ancienne traduction du Missel romain.


« Regard sur la liturgie », MGF 268, mars 2015

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Bénédicte Ducatel

Ancienne rédactrice en chef adjointe de Magnificat

Mgr Timothy Verdon

La prière dans l'art

Un magnifique parcours spirituel et artistique

« Le désir de voir Dieu n’est pas une simple curiosité, mais une impulsion profonde de la foi chrétienne. « Le verbe s’est fait chair, il a habité parmis nous, et nous avons vu sa gloire » (Jn 1, 14). »

Monseigneur Timothy Verdon est l’un des historiens de l’art chrétien les plus respectés. Diplômé de l’Université de Yale, il vit en Italie depuis plus de 50 ans. Chanoine de la cathédrale Santa Maria del Fiore à Florence, il y dirige le service diocésain d’art sacré ainsi que le musée de la Cathédrale (Museo dell’Opera del Duomo).

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