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Les trésors de la rédaction

Prier avec la création

Par Jacques Gauthier

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L’été est souvent l’occasion d’adopter un autre rythme de vie, plus propice à la contemplation des merveilles du monde. Source d’émerveillement, la beauté de la création nous donne l’occasion de rendre grâce et nous aide à retrouver un silence et une intériorité paisibles favorables à la prière.

Les différentes postures dans la prière peuvent nous mener au silence intérieur et nous aider à respirer du souffle même de l’Esprit Saint. Par les différentes attitudes intérieures qu’elles éveillent, les postures physiques révèlent ce qui est caché et permettent d’entrer en relation avec Dieu, qui est présent en nous, dans les autres et dans la création.

Une histoire d’amour

Dieu nous a créés de son regard d’amour et il nous invite à reconnaître ses traces dans notre histoire et dans sa création. En priant, nous nous mettons sous ce regard créateur. Nous pouvons prier partout, même quand le temps nous manque. Un simple mouvement du cœur tourné vers Dieu, et voilà que les secondes deviennent prière. Quelle haute occupation, si simple, qui ne prend qu’une minute et que nous pouvons faire en tout temps. Jésus priait ainsi, en tout temps et pour toutes choses, en marchant ou en se reposant.

Notre histoire est inscrite dans notre corps comme des notes sur une feuille de papier à musique. Dieu veut en tirer une symphonie en faisant de nous des hommes et des femmes debout au sein même de sa création à protéger, fruit de son amour. Le pape François en parle avec éloquence dans son encyclique sur l’écologie intégrale : « Tout l’univers matériel est un langage de l’amour de Dieu, de sa tendresse démesurée envers nous. Le sol, l’eau, les montagnes, tout est caresse de Dieu[1]. »

La création, si diversifiée dans ses œuvres, évoque l’image du Créateur, même si elle n’est qu’un pâle reflet de sa beauté. Nous entendons sa voix dans le chant des oiseaux, le murmure du vent, le balancement des arbres, le mugissement de l’eau. Entendez-vous l’hymne immémoriale du cosmos en écho à l’hymne éternelle ?

Le Cantique des créatures de François d’Assise, appelé aussi Cantique du frère Soleil, est une illustre réponse à cette présence du Seigneur dans la beauté de sa création : « Loué sois-tu, Seigneur, dans toutes tes créatures, spécialement messire frère Soleil, par qui tu nous donnes le jour, la lumière ; il est beau, rayonnant d’une grande splendeur, et de toi, le Très-Haut, il nous offre le symbole[2]. »

Le livre du Créateur

La création est un livre dans lequel le Créateur se cache et se révèle. L’aimer, la protéger, dialoguer avec elle, c’est rencontrer la beauté éternelle dans l’un de ses beaux chapitres. On traverse ce livre comme « des forêts de symboles », disait Baudelaire[3]. Les saisons en publient le récit jour et nuit. L’alphabet de ce livre sacré se dévoile à nos sens par la variété des créatures.

Les cieux proclament la gloire de Dieu, le firmament raconte l’ouvrage de ses mains. Le jour au jour en livre le récit et la nuit à la nuit en donne connaissance. Pas de paroles dans ce récit, pas de voix qui s’entende ; mais sur toute la terre en paraît le message et la nouvelle, aux limites du monde (Ps 18a, 2-5).

Ce langage expressif de la création et de la nouvelle création, nous l’entendons au-delà de ce que nous pouvons en dire. Sa voix traverse le cosmos, tel un prodigieux prédicateur de la Parole. Jean-Paul II, grand ami de la nature, évoquait ce livre de la création en commentant le psaume 18 : « La création constitue comme une première révélation qui a un langage éloquent : elle est comme un livre sacré dont les lettres sont représentées par la multitude des créatures présentes dans l’univers[4]. »

Ce livre universel du monde déborde d’un appel de Dieu. Seul celui qui écoute peut entendre cet appel. Ô éloquence du silence ! Car même si aucun mot n’est prononcé, c’est le nom de Dieu que toute la création nous invite à chanter. Pédagogue hors pair, la création éveille au recueillement et à la présence de Dieu.

Les espaces de silence, comme les monastères et les sanctuaires, nous aident à prier avec la création. La beauté des lieux donne à la vie toute sa densité. C’est Dieu que nous touchons à travers l’environnement, et que nous bénissons dans toute créature. Vivre une retraite spirituelle en ces lieux de prière ranime notre foi et nous initie à une spiritualité de la création : ouverture à l’inconnu, rupture avec le train-train quotidien, attente de ce qui n’est pas encore, disponibilité à ce qui advient, abandon à l’inattendu de l’Esprit qui souffle où il veut dans l’instant présent, au cœur même de la création.

Extrait de Laudato si’

Saint Jean de la Croix enseignait que ce qu’il y a de bon dans les choses et dans les expériences du monde « se rencontre en Dieu éminemment et à l’infini, ou pour mieux dire, chacune de ces excellences est Dieu même, comme toutes ces excellences réunies sont Dieu même ». Non parce que les choses limitées du monde seraient réellement divines, mais parce que le mystique fait l’expérience de la connexion intime qui existe entre Dieu et tous les êtres, et ainsi « il sent que Dieu est toutes les choses ». S’il admire la grandeur d’une montagne, il ne peut pas la séparer de Dieu, et il perçoit que cette admiration intérieure qu’il vit doit reposer dans le Seigneur.

Pape François, Laudato si’, n° 234


[1]. Laudato si’, n° 84.
[2]. Traduction de Damien Vorreux, franciscain.
[3]. « Correspondances », IV, dans Les Fleurs du mal.
[4]. Audience générale, 30 janvier 2002.

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Jacques Gauthier

Poète et théologien, auteur et prédicateur de retraites, Jacques Gauthier a enseigné à l’université Saint-Paul d’Ottawa, Canada. Consulter son site : www.jacquesgauthier.com. MGF no 296, juillet 2017

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