La croix est devenue un signe de bénédiction par la mort et la résurrection du Christ. C’est une fierté au cœur de tout baptisé, comme le dit l’antienne d’ouverture de la fête de la Croix glorieuse, le 14 septembre : «Que notre seule fierté soit la croix de notre Seigneur Jésus Christ. En lui, nous avons le salut, la vie et la résurrection ; par lui, nous sommes sauvés et délivrés.. »
Faire le signe de la croix, seul ou en groupe, c’est marquer notre appartenance au Dieu Père, Fils, et Saint-Esprit. Nous signifions que Dieu est inscrit dans notre chair. Depuis que nous sommes baptisés dans la mort et la résurrection du Christ, nous avons Dieu chevillé au corps. Le signe de la croix n’est pas un geste banal, faisons-le lentement. Il unit le ciel et la terre et rassemble l’humain et le divin en ce point central qu’est le cœur. Il transforme nos souffrances en semences pascales.
Dieu au corps
Dieu n’est pas une énergie cosmique impersonnelle, mais un être de relation. Il nous aime personnellement et nous sommes ses enfants. Il existe selon trois manières d’aimer tout en restant unique. Le Père est tout l’amour donné, le Fils, tout l’amour reçu, l’Esprit, tout l’amour partagé. Ce mystère, nous le confessons par ce « rite » du signe de la croix.
« Au nom du Père » : tel un doux baiser sur le front, l’amour créateur qui attire l’intelligence vers les réalités d’en haut. « Au nom du Fils » : comme une main guérissante sur le ventre, l’amour sauveur qui descend sur la terre pour nous rendre plus humains. « Au nom du Saint-Esprit » : tel un souffle puissant sur les épaules, l’amour sanctificateur qui travaille à la communion des personnes.
Pour Édith Stein, si le Christ a choisi la croix, c’est parce qu’elle est le symbole le plus parlant du don : « Élevé sur la croix, le Sauveur est visible de loin et pose pour ainsi dire son regard sur toute l’humanité. Les bras écartés : Venez à moi, vous tous. (1) »
Les croix de chemin
Ces croix se trouvent aux carrefours de nos villes et villages. Faisons-nous le signe de la croix en passant devant elles ? Croix d’hier qui marquent notre territoire, croix de France ou du Québec, calvaires dispersés dans les paysages bretons ou croix du Mont-Royal qui surplombe Montréal. Que signifient ces croix, vestiges d’un folklore à la peinture qui s’écaille ou témoins d’une foi toujours décapante ?
Ce bois de vie nous a ouvert la porte du Paradis, ainsi nous pouvons rendre gloire au Père tout aimant, « car tu as attaché au bois de la croix le salut du genre humain, pour que la vie surgisse à nouveau là où la mort avait pris naissance, et que l’Ennemi, victorieux sur le bois, fût à son tour vaincu sur le bois, par le Christ, notre Seigneur. » (préface de la Croix glorieuse).
Avant que la croix ne devienne un chemin et ne se retrouve dans l’art, il y a le don de Dieu : Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique (Jn 3, 16). Il est sur ce bois le Fils qui, par sa croix, nous rend la vie. Son corps en croix est la plus belle parole d’amour jamais dite.
Marie au pied de la croix
La croix dressée sur le monde, scandale pour les uns, folie pour les autres, traverse notre corps, n’épargne personne, puisque tous nous souffrons. Associée à la souffrance de son fils, le 15 septembre nous honorons Marie sous le vocable de Notre-Dame des Douleurs. Marie est pleine capacité d’accueil de cette croix qui transforme la mort en vie.
Si « la beauté sauvera le monde », comme l’écrivait Dostoïevski, n’est-ce pas celle du Crucifié et de sa mère ? Les Stabat Mater, de Pergolèse à Arvo Pärt, rendent Marie proche de nos douleurs et de nos prières. Elle nous a tous pris sur son cœur au pied de la croix, à la mesure des bras ouverts du Fils.
Car sur le chemin de la croix, il y a cette rencontre fulgurante de la chair et du bois, de la mère et du fils, du sang et de la pierre, du glaive et de l’âme, pour l’ultime enfantement pascal. Tout commence au clair matin de la pierre roulée. Nos yeux peuvent contempler une telle aube qui se lève sur nos croix de chemin. Alléluia de septembre.
« Allons à l’homme des douleurs / Qui nous fait signe sur la croix », chantons-nous dans l’hymne Puisqu’il est avec nous. Nous répondons par le même signe de croix : Au nom du Père qui nous crée par amour. Au nom du Fils qui nous porte avec amour. Au nom de l’Esprit qui nous enfante à l’amour.
Magnificat no 298, Septembre 2017
(1). Édith Stein, Le Secret de la croix, coll. « Cahiers de l’École cathédrale », n° 34, CERP/Parole et Silence, Paris, 1998, p. 26.