Les trésors de la rédaction

Temps liturgique, temps ordinaire ?

Par Père Pierre Remise

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Le cycle liturgique n’est pas un perpétuel recommencement ; de même que les escaliers à vis de nos clochers, tout en paraissant tourner sur place, nous élèvent, de même l’année liturgique nous travaille et nous élève dans l’attente de la rencontre finale ?

Ce mois de juillet, début du temps des vacances estivales, n’est-il pas un temps privilégié pour se refaire, se reposer, changer d’horizon, se ressourcer, se rencontrer ? Pour d’autres, c’est une période de travail intense, où l’accueil et la rencontre gardent une grande place. Face à ce temps particulier, la liturgie nous donne de vivre des dimanches dits du « temps ordinaire » (1). Seraient-ils invitation à la banalité et à la discrétion alors que bien souvent nos assemblées dominicales s’ouvrent aux « touristes » de passage ? Mettons-nous à l’école de l’année liturgique en soulignant tout d’abord que le dimanche en est le fondement et la porte d’entrée.

Le dimanche

Le dimanche, nous faisons mémoire de la résurrection : « Chaque semaine, au jour qu’elle a appelé “jour du Seigneur”, [l’Église] fait mémoire de la résurrection du Seigneur, qu’elle célèbre encore une fois par an, en même temps que sa bienheureuse Passion, par la grande solennité de Pâques » (2). C’est un jour de joie et d’allégresse sans jeûne, et où l’on prie debout, car le Christ s’est levé d’entre les morts : « Comme quelques-uns plient le genou le dimanche et aux jours de la Pentecôte, le saint concile a décidé que, pour observer une règle uniforme, tous devraient adresser leurs prières à Dieu en restant debout. (3) »

Le « jour du Seigneur » est aussi appelé « premier jour de la semaine », ce qui souligne que la résurrection inaugure le monde nouveau, mais n’oublie pas le premier jour de la Genèse, lorsque la lumière fut. Or le Christ, notre lumière, vient illuminer la semaine qui commence.

Il se trouve, par ailleurs, que le « jour du soleil », selon l’habitude antique de nommer les jours à partir des planètes, coïncide avec le jour de l’assemblée en mémoire de la résurrection. N’y a-t-il pas là une heureuse façon de souligner que le Christ est le soleil levant qui vient nous visiter ? Ce jour est aussi nommé « huitième jour » ce qui, dans la mystique juive, désigne la vie auprès de Dieu. La résurrection du Christ inaugure la vie future, la vie éternelle, dans laquelle nous entrons par le baptême ; c’est pourquoi bien des baptistères sont des octogones.

La richesse du dimanche fait le cœur du temps ordinaire. C’est à partir de cette pâque hebdomadaire que sont nées les célébrations annuelles de Pâques, puis de la Nativité.

Temps de l’Incarnation

En nous mettant à l’école de l’année liturgique, nous constatons que l’Avent et le temps de Noël débouchent sur quelques semaines de « temps ordinaire ». Quatre dimanches creusent en nous l’attente de la venue du Seigneur. Qu’il s’agisse de sa venue dans la gloire à la fin des temps, du mémorial de l’Incarnation à Noël ou de sa venue « intermédiaire » dans nos vies de chaque jour, nous faisons nôtre l’attente des grands saints de l’Ancien Testament appelant la venue du Messie – particulièrement Isaïe et Jean Baptiste –, mais aussi l’attente de Marie de Nazareth. Ainsi, nous nous préparons aux mystères des commencements que met sous nos yeux le temps de Noël. Durant ces quelques jours, nous parcourons les trente années de la vie cachée de Jésus, de sa naissance à son baptême par Jean jusqu’au premier signe de sa gloire, à Cana. Ainsi, l’antienne du Magnificat à l’office du soir de l’Épiphanie concentre différents mystères : « Aujourd’hui l’étoile a conduit les mages vers la crèche ; aujourd’hui l’eau fut changée en vin aux noces de Cana ; aujourd’hui le Christ a été baptisé par Jean dans le Jourdain pour nous sauver. » Cet enracinement dans le mystère de l’Incarnation nous conduit au temps ordinaire, c’est-à-dire à vivre dans le concret de nos vies la foi au Christ qui s’est fait l’un de nous, qui a grandi et s’est développé, qui a vécu la vie ordinaire d’un artisan de Nazareth, et a progressivement pris conscience de sa mission. Ce long enracinement a conduit aux trois années de la vie publique de Jésus dont témoignent les Évangiles.

La Fête des fêtes

Les quarante jours du Carême sont nés de la solidarité de toute l’assemblée chrétienne avec, d’une part, les catéchumènes et, d’autre part, les pénitents. Le Carême est pour eux l’ultime retraite préparatoire à l’entrée dans la vie chrétienne par les sacrements de l’initiation chrétienne ou à la réintégration dans la communauté par la pénitence. Ce temps de rénovation apparaît comme nécessaire à la célébration du triduum pascal auquel il conduit et qui est le cœur de l’année liturgique, unissant inséparablement la mort et la résurrection du Seigneur.

Dans la nuit de Pâques, nous feuilletons l’album de famille qui nous remémore l’œuvre de Dieu dans l’histoire, nous célébrons les sacrements qui font les chrétiens, nous renouvelons notre profession de foi, puis, pendant cinquante jours, nous savourons la joie particulière de la résurrection. Nous lisons alors les Actes des Apôtres et l’Évangile de Jean ; de dimanche en dimanche nous est donné tout ce dont l’Église a besoin pour vivre.

Au terme de cette cinquantaine d’allégresse, nous « retombons » dans le « temps ordinaire ». Après la fête, il faut durer. Vient le temps de la patience, de la persévérance, de l’espérance : les ornements sont de couleur verte. Après avoir célébré le mystère pascal, nous voici dans l’ordinaire de nos vies, là où s’incarne la fidélité à l’Évangile dans l’attente de la venue du Christ, roi de l’univers. De dimanche en dimanche, nous approfondissons un même Évangile toujours éclairé par la première lecture, et nous suivons, dans une deuxième lecture, un même livre de la Bible. Nourris de la Parole et du pain de vie, nous sommes armés pour vivre notre vie quotidienne, surtout lorsque se présente le combat spirituel.

L’ordinaire du temps

Le cycle liturgique n’est pas un perpétuel recommencement ; de même que les escaliers à vis de nos clochers, tout en paraissant tourner sur place, nous élèvent, de même l’année liturgique nous travaille et nous élève dans l’attente de la rencontre finale. Les dimanches du temps ordinaire réveillent en nous la joie de la résurrection, faisant irruption dans la banalité des jours où nous rejoint celui qui a voulu être l’un de nous. Les deux périodes de temps ordinaire font se rejoindre le bois de la crèche et le bois de la croix, le mystère de l’Incarnation et celui de la rédemption. (4)

En ce mois de juillet, temps de migrations diverses, l’assemblée dominicale nous offre ce temps de ressourcement nécessaire pour vivre la joie et la paix profondes enracinées dans la foi au Christ mort et ressuscité. C’est ce que nous rappelle la 6e préface des dimanches : « Vraiment il est juste et bon de te rendre gloire, Père très saint […]. Dans cette existence de chaque jour que nous recevons de ta grâce, la vie éternelle est déjà commencée : nous avons reçu les premiers dons de l’Esprit par qui tu as ressuscité Jésus d’entre les morts, et nous vivons dans l’espérance que s’accomplisse en nous le mystère de Pâques. »

Regard sur la liturgie, ©MGF no 284, juillet 2016


(1). « En dehors des temps possédant leur caractère propre, il reste dans le cycle de l’année 33 ou 34 semaines où l’on ne célèbre aucun aspect particulier du mystère du Christ. On y commémore plutôt le mystère même du Christ dans sa plénitude, particulièrement le dimanche. Cette période est appelée temps ordinaire », Normes universelles de l’année liturgique, nos 43-44.
(2). Concile de Nicée (325), canon 20.
(3). Constitution sur la liturgie, n° 102.
(4). Cela est rappelé d’une autre façon au Puy-en-Velay : cette année le Vendredi saint tombait le 25 mars, jour de l’Annonciation. Traditionnellement, c’est alors une année jubilaire au Puy.

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Père Pierre Remise

Pierre Remise, prêtre du diocèse de Mende (Lozère), a la charge de la pastorale sacramentelle et liturgique de son diocèse.

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