Magnificat

Les trésors de la rédaction

Thomas More, la dignité de la conscience

Par Élise Corsini

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L’humaniste nous laisse, dans son martyre, un éminent témoignage de sa foi.

Juin 1535. Voilà un an que Thomas More est détenu dans la tour de Londres, pour avoir refusé le serment à l’Acte de succession. Henry VIII, entiché d’Anne Boleyn, en fait la nouvelle reine d’Angleterre et désire favoriser par cet acte les enfants de sa nouvelle union. Sournoisement glissé dans le préambule : le rejet de l’autorité du pape. Pour Thomas More, c’est non. L’hiver a été glacial. Celui qui fut le plus haut personnage de l’État après le roi, grand chancelier d’Angleterre, a droit à une literie de paille, une nourriture parcimonieuse et un morceau de charbon en guise de plume. Pourquoi s’entêter à ne pas signer ? Aux lords qui l’ont maintes fois pressé d’en finir, à sa fille Margaret qui vient le visiter dans sa prison et à qui il écrit de tendres et longues lettres, il oppose la conviction de sa conscience « qui après avoir pesé diligemment l’affaire lui dit que la vérité est de l’autre côté ».

Thomas More n’a aucun goût pour le martyre. Humaniste, ami d’Érasme, marié à deux reprises, il veille jalousement sur sa joyeuse maisonnée de Chelsea. Un matin d’avril 1534, après avoir prié et s’être confessé, « il tire la porte derrière lui pour barrer à tous le passage » : l’arrachement aux siens est un point décisif de son combat. À son gendre qui l’escorte par la Tamise jusqu’au palais de Lambeth, il confie : « Fils Roper, j’en rends grâce au Seigneur, la bataille est gagnée. »

Thomas More ne cherche pas la provocation inutile. Juriste hors pair, il sait ce qu’il peut dire, et tait à ses juges les raisons qui lui font refuser le serment. Un silence éloquent qu’il rompt lors d’une dernière confrontation en juillet 1535 : signer l’Acte de suprématie reviendrait à pécher grandement contre l’unité de l’Église déjà bien mise à mal par Luther. Accusé alors de trahison, il est décapité le 6 juillet 1535, en l’octave de la fête de saint Pierre et le jour de la saint Thomas (selon le calendrier de l’époque). Ayant récité le Miserere, il se tourne vers son bourreau et lui lance, d’un air joyeux : « Rassemble ton courage mon brave ; j’ai le cou très court, prends garde de ne pas frapper à côté, il y va de ton honneur. »

À l’écoute de Thomas More

My Lords, votre ordonnance est mal faite, car vous avez juré de ne jamais faire chose contre l’Église, laquelle est en toute la chrétienté une, seule et intègre, non divisée ; et vous seuls n’avez autorité quelconque, sans le consentement des autres chrétiens, de faire loi ou acte du Parlement contre ladite union de la chrétienté. Je sais bien pour quelle cause vous m’avez condamné : pour ce que je ne voulus jamais consentir à la matière du mariage du roi. Mais j’espère bien en la divine bonté et miséricorde que, ainsi que saint Paul persécuta saint Étienne et que maintenant ils sont amis en Paradis, ainsi nous tous, bien que nous ayons discorde en ce monde, en l’autre nous serons ensemble unis, avec parfaite charité.

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Élise Corsini

Après plusieurs années de journalisme dans la presse chrétienne, Élise Corsini, mariée et mère de famille, enseigne aujourd’hui la philosophie en lycée et collabore régulièrement à Magnificat. MGF no 319, juin 2019

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