1617. Monsieur Vincent, prêtre depuis dix-sept ans, est en Picardie auprès de sa dirigée, Mme de Gondi. À dire vrai, son âme traverse depuis quelque temps une zone d’obscurité tenace. Mais voilà que tout à coup, en ce début d’année, le doigt de Dieu effleure son âme. Fulgurance de la charité, Monsieur Vincent est brûlé au dernier degré par la vision des pauvres. Il comprend immédiatement la nécessité de se mettre en état de mission pour les rejoindre, leur donner le Christ en les aimant très concrètement par le moyen de la charité. En janvier, il traîne sa langueur dans les salons parisiens, en août, il est curé de Châtillon-les-Dombes et crée la première de ses œuvres, la confrérie des Dames de la Charité. Le soin des pauvres et des malades va de pair avec l’ancrage en Dieu par la prière. Tout acte de charité s’accompagne d’une annonce de l’amour du Christ, « quelque petit mot de Notre Seigneur ».
Le feu de la charité qui a saisi Monsieur Vincent, il va le propager avec force, vigueur et constance. Comme autant de bras articulés aux siens et mus par les battements de son cœur tout droit relié à Dieu, les Filles de la Charité s’activent au service des plus démunis, des enfants abandonnés, les prêtres de la Mission (les lazaristes) s’avancent dans les campagnes pour prêcher l’Évangile avec les mots de tous les jours, sans emphase ni envolées lyriques.
Gascon dans l’âme, Monsieur de Paul en a le caractère entier, l’audace, la fermeté, la fougue du combattant. Cyrano de la charité, ennemi de la demi-mesure, il est tout entier tendu vers le but à réaliser : « Il y a deux choses à considérer, c’est-à-dire non seulement de faire le bien, mais ce bien-là, de le bien faire. » Avec la même liberté, il prend place à la table royale, où il exhorte les grands à servir les pauvres, et offre son carrosse aux mêmes pauvres pour les conduire là où ils seront soignés et aimés « car le devoir de la charité est par-dessus toutes les règles ». À partir de la maison Saint-Lazare qu’il a ouverte au nord-est de Paris, il envoie ses prêtres en mission, lui-même allant de village en village pour annoncer la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu, dont la charité est la vivante preuve.
Le secret de Monsieur Vincent : la prière, la prière et encore la prière. « Aller droit à Dieu » dans cette intime communion du cœur avec le Christ, qui rend doux et humble le serviteur fidèle.
À l’écoute de Vincent de Paul
Un père qui a un fils déjà homme fait et de bonne façon se plaît à regarder la belle démarche de son fils de la fenêtre sur la rue, et il en éprouve une joie qui n’est pas imaginable. De même, Dieu vous voit non par une fenêtre, mais partout, quelque part que vous soyez, et considère de quelle manière vous allez rendre service à ses pauvres membres, et en a une joie indicible, s’il voit que vous y allez de bonne sorte et pour le seul désir de lui rendre service. Ah ! c’est son grand plaisir, cette joie, ce sont ses délices. Quel bonheur de pouvoir donner de la joie à notre Créateur !
©MGF no 334, septembre 2020