Les trésors de la rédaction

La prière pour les défunts

Par Sœur Bénédicte Mariolle

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Alors qu’en ce début du mois de novembre l’Église est invitée à faire mémoire des fidèles défunts et que la liturgie oriente nos regards vers la fin des temps, il est bon de réinterroger une pratique très anciennement inscrite dans la liturgie, celle de la prière pour les défunts.

Que demande l’Église quand elle prie pour les défunts ? Pourquoi faire dire des messes pour eux ? Il n’est pas rare d’entendre ces questions qui en amènent d’autres : Que deviennent nos défunts et que peut-on faire pour eux ? Notre prière peut-elle affecter leur sort ?

Ces questions habitent en fait le questionnement croyant depuis toujours. Dès les premiers siècles du christianisme, le souci d’entretenir la mémoire des défunts est présent à travers différentes formes de commémorations

Au regard de l’histoire

Les premières marques liturgiques de cette mémoire apparaissent avec la mention du nom du défunt pour lequel on a apporté une offrande lors de l’eucharistie, puis par la mise en place d’un calendrier de commémorations comportant de plus en plus fréquemment la célébration de l’eucharistie. Ainsi apparaissent dès le IVe siècle des formulaires de messes spécifiques où s’exprime ­l’intercession de l’Église pour les défunts.

Au cours du Moyen Âge et pour des siècles, les différentes formes de la prière pour les morts, et en particulier la célébration de messes à leur intention, allaient constituer un aspect omniprésent – et même envahissant – de la vie ecclésiale, dont on voit encore les traces avec la ­multiplication des autels dans les églises, des chapelles dédiées aux âmes du purgatoire, la mention des « jours d’indulgence » dont étaient assorties toutes les prières et les pratiques de piété… Même si la prière pour les défunts n’a plus aujourd’hui la même prégnance, elle connaît cependant une certaine permanence dans la vie ecclésiale à travers les offrandes de messe à leur intention, la participation aux célébrations de la Toussaint et du 2 novembre dont, trop souvent et à tort, on confond la portée, ou encore la fréquentation de lieux dédiés, comme le sanctuaire de Montligeon (Orne). Par ailleurs, elle est très largement relayée sur les réseaux sociaux où, à travers divers sites ou blogs, se manifeste une sorte de volonté d’agir pour les « âmes du purgatoire », voire parfois d’entrer en contact avec elles.

C’est pourquoi il peut être bon de revisiter ce dont ­dispose aujourd’hui la liturgie de l’Église pour cette prière et le sens qu’elle y donne.

Les ressources de la liturgie

Sans parler des funérailles, ces ressources s’avèrent d’une grande richesse. En effet, notre Missel romain ­comporte aujourd’hui cinq formulaires de messe pour l’anniversaire du décès, ainsi que quatorze autres pour diverses commémorations concernant un ou plusieurs défunts, auxquels il faut ajouter cinq préfaces spécifiques.

Mais on oublie aussi trop souvent qu’une des premières ressources de la prière pour les défunts est la liturgie des Heures, qui comporte un office des défunts, héritage d’une très ancienne tradition où la prière des psaumes et la célébration des vigiles constituaient la matrice de la prière de la communauté ecclésiale pour les défunts. On gagnerait à redécouvrir cette possibilité de célébrer l’office des lectures, les laudes ou les vêpres pour les défunts lors d’une veillée auprès du corps ou pour une ­commémoration lorsque l’eucharistie n’est pas possible ou souhaitable. La prière des psaumes, parce qu’elle adopte la plainte de l’humanité confrontée à la souffrance et à l’angoisse face au scandale de la mort et de la séparation, est sans doute la plus à même de donner voix à la douleur de ceux qui vivent un deuil et qui peinent à l’exprimer. Les antiennes qui introduisent aux psaumes offrent pour ceux-ci des clés de lecture tirées de l’Écriture qui ouvrent à l’espérance : « Le Seigneur te gardera de tout mal, il gardera ta vie » ; « Je suis la résurrection et la vie ; qui croit en moi fût-il mort vivra… »

L’espérance chrétienne

À travers ces divers formulaires liturgiques, l’espérance chrétienne est exprimée selon de multiples harmoniques qu’il est difficile de résumer. On y trouve pourtant une grande cohérence dans l’expression du salut et de la vie du monde à venir.

La réalité nouvelle dans laquelle est entré le défunt n’est exprimée ni en termes de lieu ni en termes de chronologie, mais d’abord et avant tout en termes de relation en vue de la communion. Dans cette vision, la figure du Christ est centrale car il s’agit finalement « d’être avec lui », de participer à sa vie par laquelle il nous est donné d’être « rassemblés », partageant avec lui sa relation au Père dans l’Esprit. Loin des terribles images d’une comparution de l’âme devant le tribunal divin à l’heure de la mort, qui ont pu alimenter durant des siècles une pastorale de la peur, la destinée du fidèle est énoncée en termes de « participation » au Christ mort et ressuscité. Et c’est précisément dans cette rencontre qui fait la vérité et où « s’évanouit toute fausseté » (Benoît XVI, Spe salvi, n° 47) que s’achève la purification du défunt déjà engagée dans sa vie baptismale. En effet, le Christ est pour le fidèle tout à la fois le jugement et le salut, en tant qu’il est, en sa personne, « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6). Et, parce qu’il est la « pâque » du mourant, c’est lui qui lui donne de « demeurer », de « subsister » jusqu’à la fin des temps, au jour de la résurrection finale, lorsque le Corps du Christ aura atteint sa plénitude (cf. Ep 4, 13).

Une conversion à opérer

Telle est en effet la réalité finale à laquelle le défunt est appelé à participer. Celle-ci implique donc tout le Corps du Christ. Aussi, ce n’est pas sans raison que le premier lieu de l’intercession pour les défunts est la prière eucharistique et que le memento des défunts y figure dans la dynamique de la deuxième épiclèse sur l’Église qui demande « qu’en ayant part au Corps et au Sang du Christ nous soyons rassemblés par l’Esprit Saint en un seul corps » (P.E. II). Il y a un déjà là de cette communion en attendant le pas encore du rassemblement final. Et la prière pour les défunts se situe précisément dans cet entre-deux. Celle-ci n’est donc pas tant à comprendre comme un « moyen » d’obtenir leur salut, mais comme un engagement pour eux dans le Corps du Christ impliquant de s’y laisser accueillir et de les y accueillir. Et cet engagement qui implique une conversion, se réalise au plus haut point dans l’eucharistie. Ainsi, célébrer l’eucharistie pour un défunt, c’est donc hâter l’heure du jour final où Dieu sera tout en tous (1 Co 15, 28).


©MGF no 384, novembre 2024

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Sœur Bénédicte Mariolle

Docteur en théologie, Bénédicte Mariolle est petite sœur des Pauvres et enseignante à l’Institut catholique de Paris.

Mgr Timothy Verdon

La prière dans l'art

Un magnifique parcours spirituel et artistique

“Le désir de voir Dieu n’est pas une simple curiosité, mais une impulsion profonde de la foi chrétienne. “Le verbe s’est fait chair, il a habité parmis nous, et nous avons vu sa gloire” (Jn 1, 14).”

Monseigneur Timothy Verdon est l’un des historiens de l’art chrétien les plus respectés. Diplômé de l’Université de Yale, il vit en Italie depuis plus de 50 ans. Chanoine de la cathédrale Santa Maria del Fiore à Florence, il y dirige le service diocésain d’art sacré ainsi que le musée de la Cathédrale (Museo dell’Opera del Duomo).

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