Magnificat

Bienheureux Alain de Solminihac (1593-1659)

Par Père Dominique-Marie Dauzet, o.praem.

Par Père Dominique-Marie Dauzet, o.praem.

Le 1 décembre 2023

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u Fêté le 31 décembre u

Alain de Solminihac est né en 1593 au château de Belet, dans une famille de la noblesse rurale périgourdine, restée fidèle au catholicisme dans les temps troublés des guerres de religion. Vers l’âge de 16 ans, le jeune Alain, cavalier accompli, manie l’épée adroitement et rêve d’être chevalier de Malte. Mais en 1610, une nuit qu’il rentre au château familial sur sa monture, il manque un gué et se trouve entraîné dans la rivière par un courant violent : sorti indemne du péril, il voit la main de Dieu. Il comprend qu’il a été sauvé pour le servir.

Réformer

Son oncle Arnaud, vicaire général de Périgueux, était abbé de Chancelade, une abbaye de chanoines réguliers saccagée et ruinée par les récentes guerres. Pour que le « bénéfice » reste dans la famille, l’oncle transmet à son neveu Alain la charge abbatiale : dès lors, la vie du jeune homme est tracée. Le voici novice, en 1614. Le monastère compte trois religieux, qui sont plus assidus au jeu et à la chasse qu’à chanter l’office dans leur stalle. Alain se met au travail : réforme de lui-même, d’abord, dans l’humilité et la prière. Réforme de la maison ensuite ; dès 1617, le jeune père abbé a posé tous les jalons : assistance au chœur, prière de nuit, repas en commun, bourse en commun ! Cette exigence porte ses fruits et attire les jeunes. Vingt ans plus tard, la communauté est florissante, avec six à sept novices par an, et la création de quatre filiales. En attendant, l’abbé de Chancelade va étudier la théologie à Paris. Il y rencontre longuement François de Sales et fréquente les cercles spirituels si actifs de la chartreuse de Vauvert ou du noviciat des Jésuites de la rue du Pot-de-Fer. C’est un jeune prélat très bien formé qui rentre en Périgord trois ans plus tard, en 1622.

Un épiscopat itinérant

Tandis qu’il mène la vie canoniale ardemment, recrutant et formant ses novices, c’est l’époque où Richelieu veut renouveler l’épiscopat français avec des sujets de valeur. Son choix tombe sur Alain de Solminihac pour l’évêché de Cahors. Pas carriériste, Alain avait déjà refusé Bazas, puis Lavaur – et le roi Louis XIII disait : « Béni soit Dieu que dans mon royaume il y a un abbé qui refuse des évêchés ! » Mais cette fois, il doit s’incliner. Il prend possession du vaste siège de Cahors le 17 octobre 1637. Modèle d’évêque comme il avait été un modèle d’abbé, Alain de Solminihac entame une véritable nouvelle évangélisation de son diocèse, essayant d’imiter l’œuvre pastorale de saint Charles Borromée à Milan : visitant sans cesse ses ouailles, encourageant les curés (malgré certaines rébellions) à travailler assidûment, donnant au péril de sa vie des secours aux populations lors de la peste de 1652. L’évêque est partout, longues journées en Dieu et avec les siens. Sa générosité épuise les revenus de l’évêché, mais il n’en a cure, il vend son carrosse et supprime le beurre à sa table, pas de petites économies pour aider les pauvres gens.

Il meurt épuisé en 1659, laissant de beaux écrits spirituels. Béatifié par Jean-Paul II en 1981, il est le seul évêque français du xviie siècle, avec saint François de Sales, à monter sur les autels. n

À l’écoute d’Alain de Solminihac

Il faut se livrer à Dieu sans réserve, c’est le moyen de le posséder sans réserve, car il se donne à nous dans la mesure où nous nous donnons à lui. C’est une bonne marque qu’on s’avance dans l’amour de Dieu si premièrement on reçoit un grand contentement à penser à Dieu, à traiter avec lui. Dieu nous fait grand honneur et grande grâce de nous permettre de lui parler et qu’il nous parle. Deuxièmement, si on aime grandement la croix du Seigneur, et qu’on est bien détaché de toutes choses. Au fond, le moyen d’avoir une grande charité parmi nous, c’est d’aimer grandement Dieu et de lui être toujours unis. Car si nous sommes une même chose avec Lui, nous serons une même chose entre nous.

C. Dumoulin, Alain de Solminihac, p. 300

(Le père Dominique-Marie Dauzet est religieux prémontré de l’abbaye de Mondaye (Calvados). Prêtre, théologien et historien des religions, il est notamment l’auteur de plusieurs vies de saints et d’ouvrages d’histoire de la spiritualité.

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Père Dominique-Marie Dauzet, o.praem.

Le Christ à la mer de Galilée, Circle of Jacopo Tintoretto (Probably Lambert Sustris), Anonymous Artist - Venetian, 1518 or 1519 - 1594. © National Gallery of Art, New-York