Magnificat

Saint Théophane Vénard (1829-1861)

Par Marie de Chamvres

Par Marie de Chamvres

Le 1 octobre 2023

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© Alban de Châteauvieux

u Fêté le 24 novembre u

« Adieu, mes bien chers, au Ciel le rendez-vous ! Nous nous reverrons là-haut. Dans un instant je vais porter les chaînes des confesseurs. » Théophane trace ces lignes dans l’étroite cage de bambou dans laquelle il a été jeté le jour de son arrestation, le 30 novembre 1860. Il a 31 ans.

Je veux mourir martyr

Bientôt, il sera conduit à la citadelle d’Hanoï pour y être jugé. Et la sentence ne fait aucun doute pour le prêtre des Missions étrangères de Paris (MEP), originaire des Deux-Sèvres. « C’est dans le pays annamite (actuel Vietnam), que la persécution est le plus en activité ; la tête de chaque missionnaire est mise à prix, et quand on en peut saisir quelqu’un, on lui tranche cette tête sans façon », avait-il écrit en 1854 à son frère pour le prévenir qu’il n’était pas envoyé en Chine, comme prévu initialement, mais dans le « diamant de l’Asie ». Ce changement inespéré de destination avait fait sa joie, car Dieu venait ainsi réaliser son rêve d’enfant. À 9 ans, alors qu’il lisait les Annales de la propagation de la foi tout en faisant paître sa chèvre sur les coteaux de Bel-Air, il s’était pris de passion pour la vie de Jean-Charles Cornay, prêtre des MEP, décapité au Tonkin en 1837. « Et moi aussi je veux aller au Tonkin ! Et moi aussi je veux mourir martyr ! » s’était-il écrié. Quand vint son tour d’embarquer pour « la plus belle des missions », il avait demandé avec humour à l’un de ses amis de préparer une châsse pour mettre ses futures reliques ! Cette franche gaieté toute pétrie de confiance et d’abandon ne le quittera jamais. Elle fera dire à Thérèse de Lisieux : « C’est lui qui a le mieux vécu ma voie d’enfance spirituelle. »

Pendant six ans, Théophane a mené avec zèle un apostolat des « catacombes » sans être pris dans les griffes des « méchants ». « N’obtient la grâce du martyre que celui à qui Dieu la réserve », méditait-il au creux de cette attente. Enfermé dans sa cage de bois, il sait désormais que son heure est venue, celle de donner sa vie par amour du Christ, de l’Église et du monde.

Entonner le chant du triomphe

Sur le chemin qui le mène au tribunal, il entend dire autour de lui : « Il est serein et joyeux comme quelqu’un qui va à la fête ! Il n’a pas l’air d’avoir peur ! » En effet, la perspective de la souffrance et de la mort n’effraie pas le missionnaire dont le cœur est « paisible comme un lac tranquille ou un ciel serein ». C’est qu’il ne s’appuie pas sur ses propres forces, « mais sur la force de celui qui a vaincu les puissances de l’enfer et du monde sur la croix ». Aussi, quand le grand mandarin le presse de fouler la croix pour ne pas être mis à mort, il s’insurge : « Quoi ! J’ai prêché la religion de la croix jusqu’à ce jour, et vous voulez que je l’abjure ? »

Le 2 février 1861, Théophane apprend qu’il sera décapité le jour même. Revêtu d’un habit de coton blanc qu’il s’est fait préparer pour sceller « ses noces éternelles », il se met alors en route vers son Golgotha en chantant le Magnificat. « Heureux martyr, à l’heure du supplice / Tu savourais le bonheur de souffrir, / Souffrir pour Dieu te semblait un délice. / En souriant, tu sus vivre et mourir… » (Thérèse de Lisieux). n

À l’écoute de saint Théophane Vénard

« Très cher, très honoré et bien aimé Père. Puisque ma sentence se fait encore attendre, je veux vous adresser un nouvel adieu, qui sera probablement le dernier. Les jours de ma prison s’écoulent paisiblement. Tous ceux qui m’entourent m’honorent, un bon nombre m’aiment. […] Un léger coup de sabre séparera ma tête, comme une fleur printanière que le Maître du jardin cueille pour son plaisir. Nous sommes tous des fleurs plantées sur cette terre que Dieu cueille en son temps, un peu plus tôt, un peu plus tard. Autre est la rose empourprée, autre le lys virginal, autre l’humble violette. Tâchons tous de plaire, selon le parfum ou l’éclat qui nous sont donnés, au souverain Seigneur et Maître. »

Dernière lettre à son père, 20 janvier 1861

(Journaliste, Marie de Chamvres collabore régulièrement à Magnificat.

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Marie de Chamvres

Le Christ à la mer de Galilée, Circle of Jacopo Tintoretto (Probably Lambert Sustris), Anonymous Artist - Venetian, 1518 or 1519 - 1594. © National Gallery of Art, New-York