Le Cantique de Judith s’inscrit dans la tradition du Magnificat ou plutôt le précède avec une rare acuité dans l’invitation à l’exaltation.
Le Cantique de Judith proclame haut et fort la gratitude d’un peuple envers le Dieu de toute miséricorde. Il est le pendant, dans l’action de grâce, de la prière de supplication prononcée par Judith peu de temps auparavant alors qu’elle va risquer sa vie pour sauver les siens : « O Dieu, mon Dieu, exauce-moi, moi qui suis veuve » (Jdt5, 4). Mais dans la délicatesse de sa composition se laisse percevoir une histoire tragique, l’exaltation d’un sentiment et l’avènementd’une renaissance.
L’histoire de Judith et d’Holopherne a inspiré les poètes, les peintres et les musiciens par son exemplarité, comme Dante, Le Caravage et Vivaldi. Retenue dans les livres deutérocanoniques, l’histoire de la jeune veuve de la ville juive de Béthulie qui enivre le général Holopherne, séduit par sa beauté, dans le but de l’assassiner afin de libérer sa ville assiégée, est à la fois un épisode dramatique et un exemplum, au sens médiéval du terme, une histoire simple et édifiante dont l’enseignement éclaire et rectifie la vérité. De cette épopée guerrière placée sous l’autorité d’un Dieu briseur de guerres (v. 2) et de ce drame de la conscience d’un être de paix qui va se faire violence pour le bien commun, sort le triomphe de Judith, qui éclate en larmes de reconnaissance dans cet hommage de la création à Dieu.
Une composition sensible
Comme dans le psaume 33, le cœur qui s’exprime ici est dans tous ses états, mélange de louanges et de reconnaissance pour celui qui répond au pauvre qui crie (v. 7). Mais l’assemblage des versets retenus du dernier chapitre du Livre de Judith correspond à une logique compositionnelle qui met en lumière l’ardeur du chant et la quintessence d’une gratitude universelle valable encore et toujours pour nous aujourd’hui. En effet le long cantique sur lequel se referme l’histoire de Judith est abrégé, dépouillé en quelque sorte de sa facture originelle qui redit les événements historiques de son sacrifice et la haine des ennemis qui cherchent à briser l’unité de la nation. Il fallait donc conserver la profondeur de la reconnaissance et l’impulsion de la joie libérée des entraves, la joie dansante des hommes sauvés et débarrassés de leurs chaînes qu’expriment les premiers versets : Chantez pour mon Dieu sur les tambourins. Jouez pour le Seigneur sur les cymbales. De là, la coupure entre les versets 2 et 13 pour dessiner la légèreté de l’envol printanier de la création : Que ta création, tout entière, te serve (v. 14). La souffrance trouve sa résolution dans la fidélité à Dieu et l’espérance d’un autre jour.
Un renouveau
Vivre de Dieu n’est pas chose simple, vivre en Dieu est un absolu qui élargit notre ciel et confond notre humanité. Le Cantique de Judith s’inscrit dans la tradition du Magnificat où plutôt le précède avec une rare acuité dans l’invitation à l’exaltation : Marie dit alors : “Mon âme exalte le Seigneur, mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur. Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse” (Lc 1, 46-48). Il y a là des correspondances humaines qui nous laissent abasourdis sur la révélation patiente de Dieu, Judith comme Marie boivent à la source : Je chanterai pour mon Dieu un chant nouveau (Jdt 13), Le puissant fit pour moi des merveilles ; saint est son nom (Lc 1, 49).
La confiance, la reconnaissance, la joie, le don de soi sont les piliers de la vie divine qui nous font renaître à chaque instant et nous remettent dans le projet de la création comme des enfants perdus et retrouvés qui n’en finiront jamais d’être accueillis, relevés et aimés pour leur nature faible, mais perfectible dès lors que le regard s’enchante de beauté et de bonté. François d’Assise dans son exhortation à la louange de Dieu qui embrasse la terre entière s’écriait : « Voici le jour que le Seigneur a fait, jour d’allégresse et jour de joie, […] Louez le Seigneur, car il est bon, toutes les créatures, bénissez le Seigneur. » Et la jeunesse de son propos qui rejoint celle de Judith et de Marie nous rafraîchit de l’inaltérable vérité de ceux qui ont vu Dieu et qui ont enluminé l’humanité de leur sagesse et de leur paix.
Nathalie Nabert, laïque et mère de famille, est poète, doyen honoraire de la faculté des lettres de l’Institut catholique de Paris, professeur de littérature médiévale, fondatrice du CRESC, « Centre de recherches et d’études de spiritualité cartusienne », et de la collection « Spiritualité cartusienne » chez Beauchesne.
« Le désir de voir Dieu n’est pas une simple curiosité, mais une impulsion profonde de la foi chrétienne. « Le verbe s’est fait chair, il a habité parmis nous, et nous avons vu sa gloire » (Jn 1, 14). »
Monseigneur Timothy Verdon est l’un des historiens de l’art chrétien les plus respectés. Diplômé de l’Université de Yale, il vit en Italie depuis plus de 50 ans. Chanoine de la cathédrale Santa Maria del Fiore à Florence, il y dirige le service diocésain d’art sacré ainsi que le musée de la Cathédrale (Museo dell’Opera del Duomo).
Relié – Tranchefile et jaquette – 272 pages – 22 x 29 cm – 39€
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Le cantique de Judith
Par Nathalie Nabert
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Le Cantique de Judith proclame haut et fort la gratitude d’un peuple envers le Dieu de toute miséricorde. Il est le pendant, dans l’action de grâce, de la prière de supplication prononcée par Judith peu de temps auparavant alors qu’elle va risquer sa vie pour sauver les siens : « O Dieu, mon Dieu, exauce-moi, moi qui suis veuve » (Jdt5, 4). Mais dans la délicatesse de sa composition se laisse percevoir une histoire tragique, l’exaltation d’un sentiment et l’avènementd’une renaissance.
L’histoire de Judith et d’Holopherne a inspiré les poètes, les peintres et les musiciens par son exemplarité, comme Dante, Le Caravage et Vivaldi. Retenue dans les livres deutérocanoniques, l’histoire de la jeune veuve de la ville juive de Béthulie qui enivre le général Holopherne, séduit par sa beauté, dans le but de l’assassiner afin de libérer sa ville assiégée, est à la fois un épisode dramatique et un exemplum, au sens médiéval du terme, une histoire simple et édifiante dont l’enseignement éclaire et rectifie la vérité. De cette épopée guerrière placée sous l’autorité d’un Dieu briseur de guerres (v. 2) et de ce drame de la conscience d’un être de paix qui va se faire violence pour le bien commun, sort le triomphe de Judith, qui éclate en larmes de reconnaissance dans cet hommage de la création à Dieu.
Une composition sensible
Comme dans le psaume 33, le cœur qui s’exprime ici est dans tous ses états, mélange de louanges et de reconnaissance pour celui qui répond au pauvre qui crie (v. 7). Mais l’assemblage des versets retenus du dernier chapitre du Livre de Judith correspond à une logique compositionnelle qui met en lumière l’ardeur du chant et la quintessence d’une gratitude universelle valable encore et toujours pour nous aujourd’hui. En effet le long cantique sur lequel se referme l’histoire de Judith est abrégé, dépouillé en quelque sorte de sa facture originelle qui redit les événements historiques de son sacrifice et la haine des ennemis qui cherchent à briser l’unité de la nation. Il fallait donc conserver la profondeur de la reconnaissance et l’impulsion de la joie libérée des entraves, la joie dansante des hommes sauvés et débarrassés de leurs chaînes qu’expriment les premiers versets : Chantez pour mon Dieu sur les tambourins. Jouez pour le Seigneur sur les cymbales. De là, la coupure entre les versets 2 et 13 pour dessiner la légèreté de l’envol printanier de la création : Que ta création, tout entière, te serve (v. 14). La souffrance trouve sa résolution dans la fidélité à Dieu et l’espérance d’un autre jour.
Un renouveau
Vivre de Dieu n’est pas chose simple, vivre en Dieu est un absolu qui élargit notre ciel et confond notre humanité. Le Cantique de Judith s’inscrit dans la tradition du Magnificat où plutôt le précède avec une rare acuité dans l’invitation à l’exaltation : Marie dit alors : “Mon âme exalte le Seigneur, mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur. Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse” (Lc 1, 46-48). Il y a là des correspondances humaines qui nous laissent abasourdis sur la révélation patiente de Dieu, Judith comme Marie boivent à la source : Je chanterai pour mon Dieu un chant nouveau (Jdt 13), Le puissant fit pour moi des merveilles ; saint est son nom (Lc 1, 49).
La confiance, la reconnaissance, la joie, le don de soi sont les piliers de la vie divine qui nous font renaître à chaque instant et nous remettent dans le projet de la création comme des enfants perdus et retrouvés qui n’en finiront jamais d’être accueillis, relevés et aimés pour leur nature faible, mais perfectible dès lors que le regard s’enchante de beauté et de bonté. François d’Assise dans son exhortation à la louange de Dieu qui embrasse la terre entière s’écriait : « Voici le jour que le Seigneur a fait, jour d’allégresse et jour de joie, […] Louez le Seigneur, car il est bon, toutes les créatures, bénissez le Seigneur. » Et la jeunesse de son propos qui rejoint celle de Judith et de Marie nous rafraîchit de l’inaltérable vérité de ceux qui ont vu Dieu et qui ont enluminé l’humanité de leur sagesse et de leur paix.
©MGF 254 janvier 2014
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Nathalie Nabert
Nathalie Nabert, laïque et mère de famille, est poète, doyen honoraire de la faculté des lettres de l’Institut catholique de Paris, professeur de littérature médiévale, fondatrice du CRESC, « Centre de recherches et d’études de spiritualité cartusienne », et de la collection « Spiritualité cartusienne » chez Beauchesne.
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« Le désir de voir Dieu n’est pas une simple curiosité, mais une impulsion profonde de la foi chrétienne. « Le verbe s’est fait chair, il a habité parmis nous, et nous avons vu sa gloire » (Jn 1, 14). »
Monseigneur Timothy Verdon est l’un des historiens de l’art chrétien les plus respectés. Diplômé de l’Université de Yale, il vit en Italie depuis plus de 50 ans. Chanoine de la cathédrale Santa Maria del Fiore à Florence, il y dirige le service diocésain d’art sacré ainsi que le musée de la Cathédrale (Museo dell’Opera del Duomo).
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