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Les trésors de la rédaction

Le temps pascal, un chemin de contemplation

Par Serge Kerrien

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Les cinquante jours qui s’écoulent à partir du dimanche de Pâques sont dominés par l’annonce de la résurrection du Christ, source et point d’ancrage de notre vie morale, de nos relations en Église et de notre relation au monde.

Il est ressuscité ! Tout commence au matin de Pâques. Quelques mots prononcés par un jeune homme vêtu de blanc (Mc 16, 5) et rien ne sera plus comme avant. La nouvelle se répand d’abord dans le cénacle fermé des Apôtres puis, après la Pentecôte, jusqu’aux limites du monde. Dès lors, comment ne pas contempler cette merveille de l’amour de Dieu ? Le temps pascal est bien cet émerveillement au cœur même de la foi que l’Église, dans sa sagesse, nous invite à vivre.

Contempler le Ressuscité

Il peut sembler paradoxal d’inviter à la contemplation du Christ ressuscité alors que Pierre et Jean n’ont rien d’autres à contempler qu’un tombeau vide. Pourtant, à partir du tombeau et jusqu’à l’irruption de l’Esprit Saint à la Pentecôte, le Christ les accompagne sur un chemin de reconnaissance, chemin où le cœur va apprendre à connaître une présence nouvelle et mystérieuse. De rencontre en rencontre, de signe donné en signe donné, le Seigneur ressuscité les aide à découvrir, à contempler puis à reconnaître sa présence active avant de la confesser et de l’annoncer au monde. L’Église nous convie à ce même chemin au travers des textes proclamés et des signes mis en œuvre pendant les cinquante jours que dure le temps pascal. Les témoignages de la résurrection que proposent les Évangiles de ces jours sont une invitation pour les baptisés à relire les paroles de Jésus à la lumière de sa résurrection, à confesser sa présence en eux et dans le monde, à le laisser transformer leurs vies. La contemplation du Christ exalté et la médiation de sa parole ne pourront que vitaliser tout témoignage de foi et tout engagement apostolique. Chacun réalisera combien l’événement de la résurrection et le Christ ressuscité sont la source, le point d’ancrage de nos célébrations liturgiques, de notre vie sacramentelle, de notre vie morale, de nos relations en Église, de notre relation au monde ; en un mot, de toute notre pastorale.

Pour nous y aider, la liturgie de l’Église déploie des signes et des symboles propres à ce temps : le cierge pascal ; le chant très abondant de l’Alléluia ; les vêtements liturgiques blancs. À cela peuvent s’ajouter le fleurissement du baptistère et le rite d’aspersion. Quant aux chants, joyeux, ils donneront à réentendre le cœur de la foi chrétienne : « Le Seigneur est ressuscité, alléluia. »

Accueillir l’Esprit Saint

Si l’Église nous amène à contempler le Christ ressuscité, elle nous offre aussi à contempler l’Esprit Saint à l’œuvre dans l’histoire et dans le cœur des disciples. La lecture des Actes des Apôtres révèle que le don de l’Esprit est indissociable de la Pâque du Seigneur. Comme les disciples apprennent à reconnaître la présence du Ressuscité, ils découvrent que le don de l’Esprit se fait par étapes. Progressivement, ils passent des apparitions de Jésus à l’annonce du Christ ressuscité. Le temps de l’Église commence et c’est l’œuvre de l’Esprit. La vie des premières communautés chrétiennes porte témoignage de la résurrection du Seigneur en vivant partage fraternel et solidarité, sous l’impulsion de l’Esprit. Conduits à la foi au Christ, animés par l’Esprit Saint, les premiers chrétiens traduisent en actes leur transformation intérieure. Fidèles à la mission reçue du Seigneur, ils proclament le nom de Jésus, baptisent des païens, partent en mission, élisent Matthias, etc. ; comment ne pas voir dans ces éléments la trace du passage de l’Esprit et la disponibilité des disciples à une force qui les transforme en Apôtres ? La tentation est grande de courir dans les rues et sur les places pour annoncer aujourd’hui encore le Christ ressuscité. Avant toute initiative, n’avons-nous pas besoin, nous aussi, de rester au cénacle, de prier et de contempler le Christ pour discerner l’Esprit à l’œuvre dans le monde et en rendre grâce ? Cette contemplation nous apprendra à aimer notre terre, même quand son visage est défiguré ; c’est en elle que le Ressuscité a allumé le feu de l’Esprit que rien ne peut éteindre. C’est pour elle qu’il nous faut vivifier notre foi et accueillir en nous l’Esprit qui nous est donné.

Se laisser choisir

La tendance naturelle de l’homme est de montrer sa liberté en exerçant des choix : je choisis donc je suis libre. À cette logique humaine, le Christ propose une autre logique que le temps pascal va déployer : la vraie liberté consiste à laisser Dieu nous choisir. Observez bien : les rencontres du Christ après sa résurrection ne sont pas la résultante du choix personnel des personnes. C’est le Christ qui choisit celles et ceux auxquels il se révèle : Marie Madeleine, les disciples, Thomas puis saint Paul. Et il leur donne son souffle. L’Esprit qu’ils accueillent en fait des créatures nouvelles. Cela suppose d’accueillir le choix de Dieu, de lui faire confiance, de croire sans voir. Cela suppose de sortir des méfiances naturelles pour accueillir le Christ ressuscité et se laisser transformer en profondeur par la puissance de son amour. Cela suppose de recevoir le souffle de l’Esprit, là où il veut et comme il veut. C’est bien ce que les disciples sont appelés à vivre. Enfermés dans leurs peurs, ils acceptent de se laisser surprendre par un souffle de vie qui les transforme ; ils acceptent le choix de Dieu pour eux et alors ils deviennent Apôtres.

Apôtres d’aujourd’hui, nous avons à nous laisser choisir par le Christ, à nous abandonner à l’Esprit. Il changera notre regard sur les autres que nous apprendrons à considérer comme des frères dans le Christ. Nous avons à nous laisser choisir, et nous aiderons chacun à trouver le Christ, dans le respect de son propre chemin de foi. Nous avons à nous laisser choisir, non pas pour tenir le Christ comme notre bien propre, mais pour le recevoir comme un don de Dieu et vivre, avec lui, une libre proximité. Nous avons à nous laisser choisir, pour que le Christ demeure en nous, que nous demeurions en lui et que nous portions du fruit. Car se laisser choisir, c’est prendre conscience d’être aimé. Alors, nous aimerons en retour, l’amour engendrant l’amour, dans un acte de totale liberté humaine.

Contemplation pour la mission

Ces cinquante jours, l’Église nous en fait don pour contempler le tombeau vide. Nous pourrions être tentés de ne voir que le vide. Or, dans la contemplation du tombeau, tout est à voir dans la foi : le Christ vainqueur de la mort, l’amour du Père répondant au silence de la croix, l’Esprit à l’œuvre pour la création nouvelle, la vie de Dieu plus forte que la mort. Et si Jean voit un tombeau vide de tout cadavre, le tombeau ouvert n’est pas vide de sens : désormais le Christ vit dans tous ceux qui croient en lui. Dès lors, la contemplation ouvre à la mission : proclamer au monde que Dieu est le Dieu de vie et que son Esprit est à l’œuvre dans notre histoire. Contempler le tombeau, c’est aller au cœur de notre foi et proclamer la résurrection du Christ. Cela ne saurait se faire sans l’expérience de la mystérieuse présence du Christ en nous, l’expérience d’une rencontre d’amour. Ainsi, le vide apparent du tombeau nous fait pèlerins d’Emmaüs. Face au défi de la résurrection, nous pouvons vivre une foi peureuse qui nous paralyse lorsque nous avons à témoigner aux yeux du monde. La contemplation du Ressuscité est notre chemin d’Emmaüs, chemin où le Christ nous donne les signes de sa présence. Forts d’avoir accueilli en nous l’Esprit de vie, nous pouvons proclamer au monde, avec des visages de ressuscités : « Oui, le tombeau est vide ; le Christ est vraiment ressuscité et il nous ressuscite avec lui. »


« Regard sur la liturgie », MGF no 269, avril 2015.

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Serge Kerrien

Ancien directeur adjoint du SNPLS, diacre permanent du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, Serge Kerrien porte le souci de la formation liturgique.

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